Notre bilan ornitho' 2019 au Sénégal - avec 'focus' sur son nord : trois petits mois mais quels mois !



* Nord du Sénégal -

Accompagnons le traditionnel bilan de l'année ornithologique au Sénégal initié par Bram Piot et dont l'édition 2019 est à lire ICI, sur son incontournable blogue SenegalWildlifeaprès la synthèse 2018 qui relatait notre découverte, inattendue, de Martinets horus à Gamadji Saré, Ornithondar se met enfin au diapason et se jette dans le sable, bien que tardivement. Année 2019 très courte pour moi, n'ayant retrouvé les pitreries sénégauloises que début octobre; à petite dose, ça reste pittoresque, et donc supportable... Trois mois d'ornithologie à mon rythme, c'est à dire lent et par à-coups - un stimulus, une motivation, un enjeu, un défi, et en équipe, bref du Sensible-, mais quels trois mois ! On en redemanderait de semblables pour une année entière, ici ou ailleurs ! Je me suis permis d'ajouter en fin de synthèse une extension sudiste, étant donné que certaines de ces observations dignes d'intérêt ont été faites en duo, Bram & Fred, le nord et le sud réunis pour une fin d'année d'anthologie. 

Je ne saurais dresser ce bilan 2019 sans saluer, pour tout un tas de raisons, ou de déraisons ornithologiques, celles et ceux que j'ai rencontrés et/ou avec qui j'ai partagé de mémorables moments, ces trois derniers mois :
Abdou 'Carlos', Vieux, Gabriel, Alix & Daniel, Rosa & Miguel, Wei & F.E.R. (incredible ! Très bientôt sur Ornithondar mais voir déjà plus bas); Bram, évidemment; et Jérémy, cela va de soi. Sans oublier les lecteurs de l'Ornithondar, toujours au rendez-vous malgré ma désertion idéologique de Factice-de-bouc - comme quoi, ce machin tyrannique...

En haut de notule :
Engoulevent du Sahara - Caprimulgus aegyptius ssp. saharae
Parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD)
2019 12 17 / Courtesy @ photo par Jérémy Calvo avec et pour Ornithondar
Ci-dessous :
Engoulevent doré - Caprimulgus eximius, au pied d'un Leptadenia pyrotechnica
Fuuta 2019 12 14 nuit / Courtesy @ photo par Jérémy Calvo pour Ornithondar

2019, pour moi une chouette année à Engoulevents : d'Europe (Caprimulgus europaeus) et à collier roux (Caprimulgus ruficollis), en Espagne (mai) avec l'indéfectible complicité du photographe animalier Jérémy Calvo. Engoulevents porte-étendard (Caprimulgus vexillarius), à épaulettes (Caprimulgus nigriscapularis), du Natal (Caprimulgus n. natalensis) et du Mozambique (Caprimulgus fossii ssp. welwitschii), en Ouganda (août) avec le frère. Au Sénégal, c'est l'Engoulevent doré (Caprimulgus eximius) qui est tendance, ces temps-ci, semblant soudainement attirer ses cocheurs d'ornithos venus d'Europe comme de la Gambie voisine. Et même, tenez-vous bien... de Singapour (mais pas uniquement pour les ors de cet oiseau-là, ça ferait cher du billet), pour le coup une authentique star récemment à la Une de tous les médias dits de référence à travers le monde, ce n'était donc pas le cas des très sénégalaises feuilles de chou "réfractaires à l'universel", ha ha ha - incognito garanti ! On vous en reparlera très bientôt; Bram étant trop pudique pour vous informer de tel honneur fait à l'ornithologie du cru et à ses modestes promoteurs, c'est Fred qui s'y collera; un peu de patience... En attendant,  pour faire comme tout le monde mais hors des sentiers battus (comme dirait l'Illustre ndar ndar) et dans les délices de la quête noctambule, Jérémy et Frédéric ont mis à profit leurs bivouacs au milieu de nulle part dans le Ferlo, le Dimar, le Kooya et le Fuuta Tooro pour comprendre que l'Engoulevent doré y remplace en fait dans les sables buissonnants le bien connu et néanmoins remarquable Engoulevent à longue queue (Caprimulgus c. climacurus). Le soir, il y suffit de tendre l'oreille pour avoir une idée assez juste de la densité de l'espèce, singulièrement dans les ondulations sablonneuses, entre Walo et Dieri, celles qui précèdent l'infini plateau du Ferlo. Quant aux contacts physiques, on ne remerciera jamais assez les deux Renards pâles (Vulpes p. pallida) à brûle-pourpoint figés dans nos phares, levant aussitôt dans leur fuite notre tout premier Engoulevent doré dit de Zinder (Caprimulgus eximius ssp. simplicior, Zinder Golden Nightjar, cf. photo ci-dessus), le premier d'une belle série à venir. Gloire éternelle au talent des plus énigmatiques canidés au monde ! Une fulgurance à jamais gravée dans nos mémoires. La suite, comme une mise à l'épreuve de nos nerfs, des pieds et des lampes-torches ("l'ouïe et les jambes nécessaires", Jérémy dixit), ce sera pour un prochain billet.

Engoulevent du désert / du Sahara  

"Even more spectacular was the discovery of an Egyptian Nightjar by FB on his local patch at the Trois-Marigots, on 23.10* (an early date and first in this location). In the Djoudj NP, a somewhat classic location fort this species, three birds were seen several times from 23.11 up to mid December at least."
- Bram Piot in SenegalWildlifeYear in review: 2019, 2020 01 19

Faute de Caprimulgidae plus rares (et méridionaux), ce sera donc l'engoulevent de l'année et pi c'est tout ! L'Engoulevent du désert dans sa version dite du Sahara (Caprimulgus aegyptius ssp. saharae, Western Egyptian Nightjar), un hivernant du Maghreb peu documenté dans le Sahel où l'oiseau semble rechercher les endroits les plus secs bien que paradoxalement arbustifs, en tout cas calorifiques mais pas éloignés de l'eau - compliqué, l'animal... Trois épisodes : d'abord la première donnée de la saison*, précoce et par l'Ornithondar, d'un (1) sujet dans les Trois-Marigots (Toddé 2019 10 23) ; pour ce que l'on a comme (maigres) mentions de l'animal jusqu'à présent, voici la plus méridionale de toutes. Puis c'est au tour de Vieux Ngom d'en 'trouver' trois (3) au coeur du parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD 2019 12 24). Enfin, Jérémy Calvo et moi-même, guidés par le même Vieux, avons pu retrouver ces/ses mêmes trois engoulevents, après quelques recherches et le moins de dérangement possible dans le labyrinthe des Salvadora persica et Tamarix senegalensis d'une zone saisonnièrement inondable mais affectée par la salinisation. Avec à la clé une observation enfin durable; et les superbes photos du plus coopératif des trois, par mon partenaire jamais avare de reptations et autres contorsions de son âge (cf. ci-dessous et en haut de billet)... 


Ci-dessous :
même heure pas même spot !
des Euphorbia de Toddé (2019 10 23) aux Salvadora et Tamarix du Djoudj (2019 12 17)... 
à g., Jérémy avec l'un des trois Engoulevents du Sahara trouvés par Vieux dans le Parc national du Djoudj (PNOD) 
2019 12 17, 15h29 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Vieux Ngom et Jérémy Calvo -
à d., l'Engoulevent du Sahara trouvé par Frédéric dans les brousses de Toddé (Trois-Marigots) 
2019 10 23, 15h32 / @ Photo par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -


Martinet horus 

"The Horus Swift colony was visited on several occasions (Jan.-March and Nov.-Dec.) with further evidence of breeding."
- Bram Piot in SenegalWildlifeYear in review: 2019, 2020 01 19

En 2018 ce fut incontestablement l'événement ornithologique de l'année, au Sénégal. La découverte de Martinets horus (Apus h. horus, Horus Swift) et d'une envisageable colonie de ces oiseaux dans les falaises d'ocres aux environs de Gamadji Saré, Moyenne vallée du fleuve Sénégal, découverte signée Bram Piot (SenegalWildlife) et Frédéric Bacuez (Ornithondar). Première mention de l'espèce au Sénégal, à plus de 3 000 kilomètres de ses sites de nidification connus les plus à l'ouest de son aire de répartition africaine. L'installation de l'espèce dans cette extrémité septentrionale du Sénégal avait été confirmée dans les semaines suivantes (par l'Ornithondar); et scellée en octobre de la même année par Bram Piot et Vieux Ngom. Depuis, Nik Borrow, Gabriel Caucal, Miguel Lecoq, Abdou Carlos Lo, des Américains aux Gambiens bien de leaders et Birders attirés par la nouvelle recrue sur la liste ornithologique sénégalaise ont à leur tour découvert (et apprécié) les charmes insoupçonnés du Doué (le défluent, pas nous !) - qui ne se résument pas aux seules acrobaties de ses Horus (Lire et voir ICI). Ce genre de trouvaille est devenue tellement improbable dans le nord du Sénégal, comme dans tout le Sahel (ce n'est pas arrivé depuis... depuis oulala !) que celle-ci a eu l'honneur d'être signalée par des revues et associations ornithos spécialistes de nos régions péri-sahariennes. Et de susciter l'intérêt des spécialistes incontestés du petit monde des Apodidae, Gerald Driessens au premier chef. D'autant que des martinets fort bizarres (Cafres, hybrides Cafres X Maisons, ou... Horus ?!) étaient à la même époque signalés du sud de l'Espagne, attirant les regards vers notre découverte sénégalaise (Lire le billet de notre camarade Mohamed Amezian, Horus Swift in north Senegal: a potential vagrant to Western Palearctic, in MaghrebOrnitho 2018 09 6). Last but not least, remisant les divagations de nos Horus-sur-Doué à une promenade de santé, voilà que les 26 et 27 septembre 2019... aux Pays-Bas (!) un Martinet se met à défrayer la chronique et secouer le landerneau ornithologique toujours prompt à s'enflammer et se torturer l'oculaire autour de ces observations/apparitions aussi accidentelles que sujettes à polémiques interminables... Bref : Gerald Driessens et Justin Jansen (ce dernier est un des observateurs du mystérieux oiseau), tout deux émérites experts es Apodidés qu'ils sont se voient quasiment contraints par la 'communauté' de se prononcer illico presto : Horus ou pas Horus, aux Pays-Bas ? A mes lecteurs de se faire une opinion, après avoir lu/traduit l'expertise et ses commentaires/contributions; et surtout scruté l'important jeu de photos proposé, dont quelques-unes de mes Horus sénégalais - voici voilà : De Schierzwaluw: stand van zaken, par J. Jansen & G. Driessens, in Dutch Birding - International journal on Palearctic birds 2019 11 5.

En 2019 de nos Horus certifiés du Sénégal (ouf !), nous avons tenté d'en savoir plus sur leur installation au bord du Doué. En octobre 2018 (Obs. B. P. & V. N.) puis novembre 2019 (Obs. M. L.) les Martinets donnaient déjà des signes d'installation coloniale, sur au moins deux parois des friables falaises de terres rouges. Mi-décembre, Jérémy Calvo et moi-même décidons de prendre un peu de temps sur place, en haut et au bas des ocres; de comparer l'effectif présent avec la cinquantaine de sujets dénombrés en octobre 2018 par Bram et Vieux : le 14 décembre en toute fin d'après-midi nous n'en observons qu'un maximum de 28 individus; le 15 décembre au matin, j'en compterai finalement 58 - tandis que Jérémy les mitraille... C'était aussi l'objectif d'autant que cette fois il n'y a pas d'harmattan, avec ses horribles couleurs orangées à l'image. Mon complice fait bien car non seulement nous constatons sur les photos (cf. ci-dessous; billet à venir prochainement sur Ornithondar) que certains Martinets ont le jabot plein à craquer mais que d'autres transportent des matériaux; un oiseau achemine même un morceau de plastique déchiré vers la principale paroi criblée de galeries habituellement occupées par les Guêpiers (de Perse/du Sahara, Merops persicus ssp. chrysocercus; et d'Orient/Vert, Merops orientalis ssp. viridissimus). Si ce ne sont pas là les preuves irréfutables d'une 'tentative' de reproduction/nidification !

En décembre 2019, 
Jérémy Calvo & Frédéric Bacuez ont observé ici jusqu'à 58 Martinets horus :
- plusieurs ont le jabot plein d'aliments
- d'autres transportent des matériaux
- des groupes rasent au plus près la falaise, 
certains sujets entrent probablement dans les tunnels, même brièvement

Ci-dessous, de haut en bas :
Martinets horus - Apus horus horus, le jabot bien rempli...
Lérabé 2019 12 15 matin  / @ Photos par Jérémy Calvo & Frédéric Bacuez
A la verticale du Doué / @ Photo drone par Jérémy Calvo
Sur les falaises d'ocres de la Doué 2019 12 14 aprem' (à d.) & 12 15 matin (à g.) / @ Photos par Frédéric Bacuez, avec J. C.


Aigle ravisseur (nord-africain)

" A pair of Tawny Eagles at their nest site on a high tension pylon near Ndioum, where they are known since at least 2015, were seen again in December "
- Bram Piot in SenegalWildlifeYear in review: 2019, 2020 01 19
Obs. Jérémy Calvo & Frédéric Bacuez, 2019 12 13 & 14 (à paraître sur Ornithondar)

C'est par hasard et en patrouillant à travers dunes que j'avais découvert, en compagnie d'Alix et Daniel Mignot, une aire d'Aigles ravisseurs (nord-africains, Aquila rapax ssp. belisarius, Abyssinian Tawny Eagle) juchée sur un pylône électrique de la ligne d'interconnexion sahélienne qui relie le Mali et le Sénégal*. C'était le 2015 12 2. Un an auparavant (2014 01 26) vers Dagana, un Aigle ravisseur avait survolé pile poil le site même où se tient aujourd'hui la centrale photovoltaïque dite de Bokhol. En décembre 2019, je m'étais promis de retrouver l'aire pour Jérémy Calvo, et d'inspecter avec lui quelques kilomètres de la ligne - on a le droit d'espérer d'autres surprises ! Rien de ce coté sinon des nids plus petits (de corvidés, probablement). En revanche la paire d'Aquila rapax belisarius est toujours installée sur la ligne à haute tension mais je ne suis pas convaincu qu'il s'agit du même emplacement donc du même arbre de fers qu'il y a quatre ans. Dans le cas particulier d'Aquila rapax, je ne connais pas (toutes) les raisons/causes de ces options vertigineuses, quelque peu périlleuses, mais il s'avère qu'à l'autre bout oriental de ses terres d'élection subsaharienne, en Ethiopie l'un de ses bastions africains, cet aigle s'installe aussi sur des pylônes à haute tension. Vu des photos récentes de l'Awash, où il a choisi la ligne électrique qui traverse le parc national plutôt qu'un arbre du sanctuaire; et j'ai personnellement constaté même choix dans l'Abijatta Shallah*, pour le coup parc national 'fictif' mais où collines, falaises et arbres ne manquent pas (encore) tout comme bétail, bergers et leurs familles.

* Lire et voir : L'aigle ravisseur nidifie sur un pylône à haute tension - choix ou contrainte ?, in Ornithondar 2015 12 2

Nota : depuis que dans les années 70' d'un siècle révolu Jean-Marc Thiollay avait décrit l'irréfragable déclin des grands rapaces sous les latitudes sahélo-soudaniennes de l'Afrique de l'Ouest, rien n'a changé, encore moins ne s'est amélioré dans leur situation. Excepté quelques paléarctiques dont on perçoit ici, lors de leur hiver tropicalisé, qu'elles se portent de mieux en mieux là-bas en Europe (Aigle de Bonelli, Aigle botté, Circaète JLB, Balbuzard pêcheur, Vautour fauve), les espèces afrotropicales, elles, sont le plus souvent aux abonnées absentes, très absentes, peut-être définitivement pour certaines d'entre elles. Si l'empoisonnement n'a plus trop la faveur des éleveurs (à quoi bon, il n'y a plus de prédateurs à quatre pattes), on oublie benoitement que pour se perpétuer, un grand rapace "de la savane" a besoin d'un arbre, haut ou/et large... afin de pouvoir y établir son aire avec sécurité. Pas d'arbre, pas de nid, pas de reproduction; c'est aussi bête que cela. Oh, il y a bien eu des tentatives d'adaptation, de la part des inconscients oiseaux en mal de relève : au fur et à mesure que l'on y émondait (pour le bétail pléthorique !) et raccourcissait lesdits végétaux (pour le charbon culinaire des Hommes, toujours plus nombreux quant à ceux-là !), certains rapaces ont bien tenté d'avoir l'étage moins ambitieux, bientôt à portée d'Homme; à portée de fils d'Homme, surtout. Le berger n'est pas ici un contemplatif, malgré les images d'Epinal et sa propension à pousser la chansonnette spirituelle, au cul des vaches, ou des chèvres. Dérangements, caillassage, pillage systématique des nids, et plus prosaïquement poursuite des élagages à la va-comme-je-te-pousse, nid ou pas dans l'acacia c'est du pareil au même, on s'en fout(ait). Les arbres, soyons révolutionnaires : à bas (et à blabla, dans les colloques et autres ateliers de réflexion) !

Obs. intéressante, car finalement (devenue) exceptionnelle dans notre région septentrionale du Sénégal : ce 14 décembre alors que Jérémy démonte son affût matinal et vain près de terriers à Renard(s) pâle(s), au seuil du vaste plateau peu arboré du Ferlo, un immature de Gymnogène d'Afrique (de l'Ouest, Polyboroides typus ssp. pectoralis, West African Harrier Hawk) nous passe par-dessus têtes, direction nord et la Moyenne vallée du fleuve. Seulement mon deuxième en dix années d'ornithologie au nord du 15e Parallèle.

Ci-dessous :
Aigle ravisseur d'Abyssinie - Aquila rapax ssp. belisarius
Quelque part dans le Fuuta 2019 12 13 / Courtesy @ photo par Jérémy Calvo pour Ornithondar


Ci-dessus :
à g., Vautour fauve - Gyps fulvus fulvus, steppes du Grand lac 
PNOD 2019 11 3 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Rosa, Miguel, Bram & Vieux
à d., contrôle d'aire d'Aquila sur pylônes
Fuuta 2019 12 12 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Jérémy Calvo

Vautour fauve 

" Another noteworthy record is that group of 113 Eurasian Griffons in the Djoudj NP on 2.11 - apparently the largest flock ever recorded in Senegal ! "
- Bram Piot in SenegalWildlifeYear in review: 2019, 2020 01 19
Obs. Rosa & Miguel Lecoq, Vieux Ngom, Bram Piot, Frédéric Bacuez (2019 11 2)*

Cent-treize (113) Vautours fauves (Gyps f. fulvusGriffon Vulture) d'un seul tenant (2019 11 2) ! SenegalWildlife ne dit pas que ces spectacles ont toutes les chances de se répéter; des mouvements d'importance du Vautour fauve ont été notés ici et là dans le pays au cours de cette première partie de l'hiver tropicalisé : le 18 novembre 2019 par exemple, soixante-sept (67) individus par-dessus le Djeuss bangotin (Obs. F. B.)*. D'autres groupes conséquents hivernent désormais dans la région de Louga. Les Fauves d'Europe sont d'ores et déjà devenus les vautours les plus fréquents dans le nord du Sénégal, devant les Vautours africains (Gyps africanus), Vautours de Rüppell (Gyps rueppellii), Vautours charognards (Necrosyrtes monachus) et Oricous (Torgos tracheliotos), ces deux dernières espèces y étant en fâcheuse posture; toute une Afrique has been en train de disparaître dans l'indifférence totale des Africains. Bram précise dans sa synthèse, au cas où nous aurions conclu à un coup de baguette magique (car Dieu est grand !) : "this surely reflects the general increase in numbers of what used to be a rather scarce species it seems." L'augmentation démographique de Gyps fulvus sous ces latitudes subsahariennes est le résultat d'une enviable protection de sa reproduction, là-bas, en Europe; elle vient souligner, hélas, combien les Vulturidés africains et plus généralement les grands rapaces du continent sont en déclin accéléré et même au seuil de l'extinction pour beaucoup. Gyps africanus et surtout rueppellii s'aventurent désormais derrière les vautours fauves lors de la remontée printanière de ces derniers, vers ce Nord paléarctique qui semble si généreux et sécurisant, atteignant le Maroc et la péninsule ibérique - cherchant même à s'installer en Espagne depuis peu, prêts à toutes les compromissions pour ne pas rentrer au pays... (Breaking news 2020 01 23 : voir ICI et, plus ancien, LA - merci à L. L.).   

* Lire :
Du Djoudj au Djeuss : 113 puis 67 vautours fauves - peut-être un record pour le Sénégal, in Ornithondar 2019 11 19
Virée dans le delta, en images, in SenegalWildlife 2019 11 13


113, 
minutieusement dénombrés par notre camarade Miguel Lecoq :
peut-être le plus grand groupe jamais noté 
au Sénégal !

Ci-dessous :
pompe de Vautours fauves - Gyps fulvus fulvus
Grand lac, parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD)
2019 11 2 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Rosa, Miguel, Bram, Vieux


Ci-dessus :
Aigle de Bonelli - Aquila f. fasciata, 2e AC
Entre Grand Lac et Lac du Lamantin 
Parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD) 2020 12 18 / @ Photo par Frédéric Bacuez

Aigle de Bonelli 

Obs. d'un (1) individu immature/subadulte haut à la verticale de Boppu Taré, Réserve spéciale d'avifaune du Ndiaël (RSAN), par Jérémy Calvo et Frédéric Bacuez le 10 décembre (2019  12 10)
Obs. d'un (1) individu juvénile (1ère>2e AC) entre Grand Lac et Lac du Lamantin, parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD), par Jérémy Calvo, Vieux Ngom et Frédéric Bacuez le 18 décembre (2019 12 18)

L'Ornithondar s'étant fait de l'Aigle de Bonelli (Aquila f. fasciata, Bonelli's Eagle) en villégiature sénégalaise sa petite spécialité, que nous réservait la brève saison 2019 ? Déception du coté de Toddé et des Trois-Marigots (les chambardements actuels ? La pression de l'Emergence ? La mort en son/leur royaume hivernal ?). Avec cependant d'heureuses observations : un sujet dans le Ndiaël, un autre dans le Djoudj ! Un étonnement, néanmoins : la rareté des mentions faites du rapace lors des pérégrinations ornithologiques des uns et des autres dans notre Septentrion, qui accueille la quasi totalité des quelques dizaines de sujets (jeunes) atteignant l'Afrique de l'Ouest subsaharienne (Mauritanie-Sénégal des deux cotés de leur frontière fluviale et dans une bande littorale allant du Banc d'Arguin au Diambour et à la Moyenne vallée du fleuve). La majorité des Aigles de Bonelli vagabonde généralement sur les franges les moins arides du Sahara atlantique (Maroc, Mauritanie), les contreforts sud-atlasiques et les hauts-plateaux steppiques du Maghreb pré-saharien. Une note d'espoir inattendu : on apprend qu'au moins localement, la croissance de certaines populations marocaines de l'Aigle de Bonelli se trouve dynamisée par l'activation (sic) significative des stocks (re-sic) d'Outardes, de Gangas et de Perdrix, trois taxons indispensables à l'alimentation d'Aquila rapax (in Cherkaoui et al., 2019). Dieu est peut-être grand, mais l'Emirati aussi.

Anecdote : quelques jours après notre contact (cf. photo ci-dessus), le fameux F.E.R emmené par le non moins talentueux Vieux a pu retrouver (et cocher ?) ce jeune Aigle de Bonelli, entre Grand Lac et Lac du Lamantin (PNOD). Sa photo de l'oiseau étant des plus accessoires, et une fois vérifié qu'il s'agit bien du même individu, une des miennes illustrera son rapport de voyage - quel honneur !

Grande Outarde arabe 

Obs. de quatre (4 ?) individus par Eneko Azkue le 3 janvier (2019 01 3)
Obs. d'un (1) individu par G. Vigo en janvier 2019 (nota : la géolocalisation de l'espèce sur inaturalist est délibérément 'faussée'), par David Erterius & Mans Karlsson le 16 janvier (2019 01 16, eBird)
Obs. d'un (1) individu par Carmelo de Dios le 14 novembre (2019 11 14), et par Stéphane Aubert le 8 décembre (2019 12 8, eBird)
Obs. d'un (1) individu par Vieux Ngom, Jérémy Calvo et Frédéric Bacuez le 18 décembre (2019 12 18)
Obs. d'un (1) individu par Franck Rheindt et Ng Chin Wei avec Vieux Ngom le 27 décembre 

Heureusement, 2019 nous a offert quelques observations supplémentaires quoique le plus souvent anonymes de la Grande Outarde arabe (Ardeotis arabs ssp. stieberi, Great Arabian Bustard) dans le parc national (des oiseaux) du Djoudj (PNOD), presque toujours dans le même secteur, ultime réduit menacé par l'entrisme agro-pastoral et l'étalement villageois voisin. Les patrouilles de surveillance véhiculées ne changeront rien au funeste destin du grand échassier tant qu'il ne sera pas décidé en hauts lieux de mesures pour le moins radicales, contre le tsunami démographique humain et les folies d'une agriculture tyrannique à grande échelle, dans les sables, l'harmattan et les bouleversements climatiques; bref, que le "joyau" et ses Hommes ne se sentent pas abandonnés voire condamnés par l'idéologie dominante qui a toutes les faveurs d'un Etat invertébré, opportunément soumis aux lobbies concurrentiels du Grand Capital (et du copinage conjoncturel). Il faut encore espérer que les écoguides n'ajoutent pas au stress permanent des pauvres échassiers un dérangement supplémentaire lié à un tourisme pourtant des plus réduits (lui aussi, et ça ne va pas s'arranger) mais potentiellement trop insistant - photos et xalis ne sont pas objectivement les meilleures garanties pour la tranquillité d'un oiseau devenu non seulement rarissime, par ici, mais farouche et probablement conscient de son enfermement progressif, de l'exiguïté de son espace vital. Toutes les échappatoires steppiques à l'est, au nord et au nord-ouest de son enclave sont devenues en moins de dix ans des exploitations céréalières intensives, sénégalaises comme... françaises. Toutes les zones tampon pré-existantes, autrefois aires de pacage pour le bétail domestique, ont été réquisitionnées et... colonisées. Il y a le parc national, pour les boeufs, hein ! En attendant d'y faire du bon riz "qui se digère bien" (sic).

Nota 1 : la Grande Outarde arabe est injustement oubliée des listes de raretés (locales et ouest-africaines). Et pourtant : dans notre région atlantique, l'espèce a disparu de quasiment tous ses territoires d'origine. Elle n'est plus rapportée régulièrement que des Parcs nationaux (des oiseaux) du Djoudj (PNOD, Sénégal) et du contigu Diawling (PND, Mauritanie). Coté sénégalais du "grand parc transfrontalier" (on ne rit pas), on nous raconte qu'il y en aurait six (6), ou huit (8), desdits échassiers; à la vérité certainement trois couples, au grand maximum. Avec ou sans reproduction menée à terme, voilà l'urgence à documenter ?! Bref, on ne sait pas grand chose des effectifs locaux, et de leur dynamique surtout, d'un des plus grands et rares oiseaux de l'Afrique sahélienne. Des plus localisés. Devenu particulièrement prudent, farouche, s'envolant de (très) loin. Fuyant les bipèdes comme la peste. Misanthrope, en plus !

Nota 2 : la Grande Outarde arabe est le plus grand oiseau de notre région depuis que l'Autruche a été extirpée du paysage sénégalais, il y a au moins quatre décennies. Je ne sais pas si de ces paisibles et craintifs volatiles, je parle des outardes, il en reste ailleurs que dans l'enclave sénégalo-mauritanienne (PNOD/PND). Les grands désordres suicidaires qui rongent le Sahel ouest-africain depuis autant de décennies ne contribuent pas à leur survie - c'est peu de le dire. Je ne crois pas une seconde à la persistance d'un noyau dans le centre du Mali, ce pays connaissant la destinée que l'on sait outre son triste privilège d'être des tout premiers en Afrique à avoir allègrement éradiqué sa faune (pour des lendemains meilleurs, bien entendu). Des outardes erratiques entre Aïr et Termit au Niger, je n'imagine pas plus qu'il y vagabonde quelques échassiers; autres que les trafiquants de tout et tous, une soldatesque jamais aussi valeureuse que lorsqu'elle est face à l'innocence et au désarroi, plus des Chinois pétrofourmiliers et fins gourmets; on ne peut pas rêver. Particulièrement chanceux, l'Ornithondar, d'avoir contacté il y a quelques années sur Toddé la cousine et savanicole Outarde de Denham (Ardeotis denhami), à peine moins rare; et d'entendre Alix et Daniel m'assurer qu'ils ont récemment levé (de loin) deux outardes arabes 'libres' (pas de photo, hélas), sur le périmètre d'un énième enclos naturellement grillagé, au sud de Dagana, après en avoir un jour aperçu une autre entre Trois-Marigots et lac de Guiers. Regain miraculeux. L'engagement (onirique) paie, je ne vois que cela comme explication rationnelle à cette inflation de données*...

* En rappel : Une outarde de Savile - et des Outardes au Sénégal, in Ornithondar 2013 01 28

Ci-dessous :
Grande Outarde arabe - Ardeotis arabs ssp. stieberi, à l'envol
Steppes du Grand lac,
Parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD)
2019 12 18 / Courtesy @ photo par Jérémy Calvo pour Ornithondar


Bokhol de F.E.R ! 
Courvite à ailes bronzées et Chevêchette perlée

Le mec, on l'envoie chercher du Pic gris et un éventuel Traquet de Seebohm en forêt de Bokhol (2019 12 28 & 30) ; il en ressort avec deux (2) Courvites à ailes bronzées (Rhinoptilus ChalcopterusBronze-winged Courser, documentées !) et une (1) Chevêchette perlée (Glaucidium p. perlatum, Pearl-spotted Owlet) ! Les premiers sont de ces limicoles très occasionnellement observés non pas qu'ils soient des plus rares mais parce qu'ils sont à la fois nocturnes et erratiques voire nomades, tributaires des terres brûlées. L'espèce devrait donc se porter bien, en Afrique noire, où je l'avais personnellement rencontrée dans le sud du Burkina Faso. La seconde, F.E.R., car c'est de lui qu'il s'agit, décidément, évidemment, l'a tout simplement contactée en forêt de Bokhol, "which had become a site that I greatly enjoyed" (on le serait à moins). Si l'espèce est bel et bien présente dans la moitié nord du pays, on ne peut pas dire que son observation y est des plus fréquentes ; alors qu'en biome savanicole et arboré de la moitié méridionale du pays, le petit rapace est communément détecté - quand on la cherche après l'avoir entendu. Bien que les Morel la signalent déjà de cette même zone sahélienne dans leurs Oiseaux de Sénégambie : notices et cartes de distribution (IRD 1990), que le petit chose a été trouvé très à l'intérieur de la Mauritanie, et qu'une donnée nous soit parvenue cette année de la région de Louga (2019 01 13, par M. Karlsson & D. Erterius), on n'en est pas encore ici à déployer un suivi protocolaire de l'oiseau comme on le fait avec sa cousine européenne, par chez nous en France. La Chevêchette de Bokhol doit d'ailleurs sa (sur)vie à F.E.R. : un jeune berger, probablement attiré par une ronde de passereaux hystériques, était déjà en train de la bombarder à l'aide de son lance-pierres... Quant à nous, ornithologues de base tandis que d'autres se la jouaient héroïquement à Bokhol, nous l'avons banalement observée là où on est en droit de la trouver : tout de même quatre sujets dans le sud du pays, fin décembre - un (1) houspillé dans le baobab surplombant nos cases près de Mbodiène (2019 12 23, avec B. P.) ; et un total de trois (3) autres lutins de la savane dans la zone de Toubacouta, Sine Saloum (2019 12 24, jour et nuit ; 2019 12 26, avec B. P.)

Ci-dessous :
en forêt de Bokhol 2019 12 13, 9h32 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Jérémy Calvo


Pas d'afflux de l'espèce, pour cette saison 2019-2020, mais môsieur F.E.R se permet tout de même de nous dégoter un (1) Hibou des marais (Asio f. flammeus, Short-eared Owl) dans le parc national du Djoudj (PNOD, obs. avec Vieux Ngom 2019 12 26). Tandis que Bram et moi par acquis de conscience contrôlions un dortoir dudit brachyote, sur le Technopôle dakarois : rien, à part une exceptionnelle concentration de Néphiles du Sénégal (Nephila senegalensis), dans un enchevêtrement tel de toiles qu'un Tisserin était venu s'y prendre et mourir. A noter, hibou afrotropical résident, commun et anthropophile dans la partie sud du pays (jusqu'en centre-ville de Dakar !), mais peu répandu dans le nord du pays : ce Petit-Duc à face blanche (Ptilopsis leucotis, Northern White-faced Owl) photographié sur un nid à Louga le 20 février (2019 02 20 in INaturalist).

Mi-décembre, j'avais retrouvé avec bonheur (pour Jérémy) les Pluvians fluviatiles (Pluvianus aegyptius, Egyptian Plovercf. photo ci-après à g.) du Doué qui avaient précédemment fait le bonheur de Bram (et de quelques autres visiteurs). Faute d'observations durables plus à l'ouest, il s'agit peut-être du couple installé le plus à l'aval du fleuve Sénégal (2019 12 14 & 15). Dans le Ferlo (en fait dès le sud-est de Richard-Toll, 2019 01 4 par Eneko Azkue), belle présence saisonnière du Courvite isabelle (Cursorius c. cursor, Cream-coloured Courser, cf. photo ci-dessous à d.) que je persiste à prendre pour hivernant (2019 12 15 & 16, une dizaine d'individus), même si à l'instar d'autres oiseaux sahariens la tentation devient grande de prolonger vers le sud son aire de distribution résidentielle. Les Sénégalais font tout ce qu'ils peuvent pour qu'il en devienne ainsi. 

Ci-dessous :
à g., Pluvian fluviatile sur la berge du Doué / 2019 12 14
à d., Courvite isabelle dans le Ferlo / 2019 12 15
En bas, poste d'affût (pour deux !) dans le Ferlo / 2019 12 13
Courtesy @ photos par Jérémy Calvo pour Ornithondar


Extension vers le nord, expansions vers le sud...

Aux confins du nord et du sud dans les ondulations sablonneuses de la Grande Côte, région sénégalaise longtemps ignorée des ornithologues : exactement sur la ligne de démarcation (le fameux 15° N !), Miguel Lecoq nous a permis d'accroître les connaissances ornithologiques de cette partie des Niayes autour de Mboro, avec quelques notables extensions nordiques pour le Faucon ardoisé (Falco ardociaseus), le Pic à taches noires (Campethera p. punctuligera), le Souïmanga à ventre jaune (Cinnyris v. venustus) et l'Astrild à joues oranges (Estrilda melpolda). Ces données de 2019 10 20, juste après une saison humide particulièrement tardive, mériteraient d'être confirmées en saison sèche (en plus de quelques mentions antérieures plus nordiques mais hélas sans documentation, y compris des miennes) car il pourrait s'agir en fait d'oiseaux remontant sur la Grande Côte avec le Front Inter Tropical (FIT) saisonnier, mais se repliant lors du retrait des pluies. De son côté et plus loin au nord, Bram Piot a persévéré dans ses investigations (même en famille !), nous permettant d'améliorer la cartographie de certaines distributions d'oiseaux. L'observation de deux Martinets d'Ussher (Telacanthura u. ussheriMottled Spinetail) à environ quinze kilomètres au sud de Potou (région de Louga) en fait la mention "la plus nordique jamais fournie", confirmant l'expansion de l'Apodidae sur la Grande Côte sénégalaise : un sujet avait déjà été contacté en 2018 dans le même secteur ; et il est devenu habituel de rencontrer l'espèce dans les Niayes de Mboro, autour du 15e Parallèle Nord. Un couple du Pic gris (Dendropicos elachus, Little Grey Woodpecker) a été contacté en-dessous de Lompoul, repoussant vers le sud-ouest les limites connues du territoire fréquenté par cette espèce emblématique du Sahel*. Dans le même registre des expansions vers le sud soudanien, pour le coup le très sahélien Prinia à front écailleux (Spiloptila clamans, Cricket Warbler), quasi inféodé aux sables rouges piquetés des fameux arbustes-à-balais (Leptadenia pirotecnica) du Ferlo septentrional (Dimar, Kooya, Fuuta) a été découvert près de Gossas (région de Diourbel). Après Guéoul en 2018 (11 21) et encore dans le nord (3 ind., in African Bird Club-ABC news), on est cette fois dans la moitié méridionale du pays et sous le 15e Parallèle, notre frontière à nous, naturalistes du Sahel. Le bassin arachidier a été si ravagé par la main de l'Homme (déboisement, terres violentées; rien n'y fait : même punition obtuse actuellement imposée au Khelcom plus à l'est), qu'on ne peut pas s'étonner d'y voir surgir des espèces habituées de nos marges péri-sahariennes. 

* Le 21 janvier 2022 Nik Borrow en photographiera un encore plus au sud, en train de s'alimenter sur un Balanites aegyptiaca, aux abords de la N2 vers Kellé (ndlr., cf. https://www.inaturalist.org/observations/107466474)

* Ailleurs dans le pays -

Fuligule nyroca, mon p'tit canard de l'année !

Deux (2) Fuligules nyroca (Aythya nyroca, Ferruginous Duck) observés et photographiés par Bram Piot (SenegalWildlife) et moi-même (Ornithondar) le 24 décembre (2019 12 24) sur le plan d'eau d'un bouli agricole proche de Pointe Sarène (Petite Côte au sud de Mbour). Cette rencontre inattendue est une donnée hivernale bien méridionale pour l'espèce, plus régulièrement (mais sans doute pas chaque année) contactée dans notre extrême nord, en particulier sur le Grand lac du Parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD). Où j'avais pu en apercevoir trois (3) représentants, à la longue-vue et en compagnie de la dream team du Rutland Osprey Project (John, Paul, Tim), c'était le 1er février 2011. De retour sur le spot de Pointe Sarène le 19 janvier 2020, Bram Piot ne retrouvera pas nos deux canards. Si l'anatidé est inscrit à la Liste rouge de l'UICN des espèces globalement menacées d'extinction, dans la catégorie 'Near Threatened/NT-Quasi menacé', elle semble actuellement moins en danger sur le flanc occidental donc européen de son aire de distribution. Le Nyroca n'en demeure pas moins un "hivernant assez rare à rare au Sénégal et en Afrique occidentale. " En passant, Aythya nyroca est un peu mon canard de l'année 2019 : avec mon partenaire Jérémy Calvo, le 18 mai on en avait observé et photographié cinq spécimens en Espagne, en pleine parade nuptiale ; après mes deux premiers du 2017 10 22 sur le lac du Bourget (Savoie, France), encore via le même binôme - on ne change pas une équipe qui gagne, gloire aux FSO !

Ci-dessous :
chercher deux Fuligules nyroca perdus au milieu des autres oiseaux d'eau...
Vers Pointe Sarène 2019 12 / @ Photo par Frédéric Bacuez


Fou, Bateleur, Onoré, mugissant - et rugissants !

Des quelques sessions de Seawatching à titre de stagiaire aux cotés de Bram Piot (et de Miguel Lecoq), sur la terrasse panoramique désormais célèbre (chez les ornithos) du Calao Village Club (à Dakar-N'Gor), je m'en sors plutôt verni (comme d'hab', diront certains). Dès mon arrivée le 1er octobre, c'est un (1) Phaéton à bec rouge (Phaeton aethereus ssp. mesonauta), bien connu des Îles de la Madeleine proches, qui passe devant nous en vol S/SO : première mention connue pour ce point d'observation, même pour Bram ! Au premier jour j'allonge déjà ma liste sénégalaise, jusqu'alors plutôt terrestre, avec sept (7) Phalaropes à bec large (Phalaropus fulicarius), dix-neuf (19) Mouettes de Sabine (Xema sabini), cinq (5) Sternes de Dougall (Sterna d. dougallii) - des coches ! Du même jour, en plus, onze (11) Puffins fuligineux (Ardena grisea), cinq (5) Sternes arctiques (Sterna paradisaea), des Sternes voyageuses (Thalasseus benghalensis ssp. emigratus, également les 2019 12 23, 27 & 28). Deux (2) Puffins cendrés (Calonectris diomedea) seront plus évidents le 2019 12 27 que mes premiers de novembre 2017. Pas vu de Fou à pieds rouges (Sula s. sula, 5e à 7e mention sénégalaise pour 2019 depuis la première donnée de 2016) mais mon tout premier (1) Fou brun (Sula l. leucogaster, 2019 12 23)*. Vivement Ouessant (en octobre prochain), maintenant que j'ai l'oeil marin...

Pour celles et ceux qui ne sauraient pas que le Sénégal, c'est aussi l'océan; et qu'il est sans (aucun) doute le pays tropical le plus passionnant au monde, j'entends pour la faune ailée pélagique qui y croise au large, on peut lire les billets que Bram a rédigés tout au long de cette saison de Seawatching (fin juillet-début décembre) :
Seawatching Ngor – October & November 2019in SenegalWildlife 2019 12 3
Seawatching Ngor – September 2019, in SenegalWildlife 2019 10 8
Seawatching Ngor – August 2019, in SenegalWilflife 2019 09 1

Trois Fous bruns dans les eaux françaises et anglaises durant l’été 2019, in Ornithomedia 2019 09 5


"No real surprises" (tu parles pour toi, Bram !) "except maybe for a fine pair of Bateleurs, a species that's right on the edge of its regular range here. "
- Bram Piot in SenegalWildlifeYear in review: 2019, 2020 01 19

Les Bateleurs des savanes (Terathopius ecaudatus) surpris dans le ciel de Dassélémé Sérère, c'est sympa, j'en ai eu mon contingent en 2019, en Ouganda. Bienvenue sur mes listes sénégalaise ou ouest-africaine, en revanche, à de nombreuses espèces inconnues de mon Sahel, lors de cet exaltant circuit de fin décembre en compagnie de Bram Piot, sur la Petite Côte, dans le Sine Saloum et le Grand Dakar. Des ambiances et quelques oiseaux qui me ramènent aux souvenirs d'une époque passée dans le sud du Burkina Faso. Content d'avoir coché le Bruant d'Alexander (Emberiza goslingi), que l'on pourrait contacter dans la Moyenne vallée du Sénégal pendant et juste après la saison humide (ce que n'avait pas manqué de faire cet irritant Bram en octobre 2018); et d'avoir retrouvé, après l'Espagne printanière, le fameux Monticole bleu (Monticola s. solitarius) au Cap de Naze, dans la réserve naturelle de Popenguine, enfin - mieux vaut tard que jamais. Vers Mbodiène, outre les deux Fuligules nyroca déjà cités, on aura droit au décollage dans les pieds d'un Turnix mugissant (Turnix sylvaticus ssp. lepurana, que nous appellerons donc Petit Turnix d'Afrique, 2019 12 23), mais pas au Turnix à ailes blanches (de Meiffren, Ortyxelos meiffrenii) sous le cagnard de Diourbel. Rappelons ici que la race nominale sylvaticus du Turnix 'mugissant' dit d'Andalousie a déserté l'Espagne (c'est officiel depuis 2018), faisant donc de l'espèce d'oiseau la première à avoir disparu d'Europe au XXIe siècle, ne subsistant plus que dans quelques plaines littorales du Maroc et, peut-être, d'Algérie.

Graal !

Un grand merci à Carlos pour les infos pratiques; Bram étant son "tonton", il lui devait bien ça ! Cerise sur le gâteau, encore un Graal inespéré, une de ces espèces mythiques de l'Afrique noire (avec le Bec-en-sabot ou les Piccarthates, par exemple), celles qui font rêver (et baver) tout ornithologue même brièvement tropicalisé : l'Onoré à huppe blanche (Tigriornis leucolopha, White-crested Tiger Heron) ! D'abord, l'entendre au loin dans l'immensité de la mangrove, meuglant dans la nuit du tout petit matin (la Hyène tachetée*, c'était au crépuscule et en début de nuit), le 25 comme le 26 décembre, en tout trois individus se répondant (cf. ci-dessous l'un des trois enregistrements par Bram Piot, les seuls disponibles actuellement). Avant que, en cadeau de Noël même pas fantasmé, tandis que Bram et moi allions quitter les bolongs sombres de Sipo : un Onoré se montre exceptionnellement à découvert durant les quelques secondes (même pas une minute, loin de là) nécessaires à un demi-tour complet sur moi-même, pour viser au jugé et cliquer intuitivement - la toute première photo sera la bonne (!), anormalement bien nette, ha ha ha (voir ICI sur SenegalWildlife et LA à l'occasion des voeux d'Ornithondar) ! Un miracle, qu'on vous dit. D'autant que notre camarade F.E.R. y avait patrouillé en vain ou presque, des heures durant et de long en large, à trois reprises quelques jours avant nous. On ne peut pas être bon et célèbre en tout; et partout. Tout de même !


Lire, voir, entendre : 
The Tigers of Toubacouta, par Bram Piot in SenegalWildlife 2020 01 3 (j'en adore le titre, 'Les Tigres de Toubacouta', nos Sundarban-à-nous, en somme !)
White-crested Tiger Heron · Tigriornis leucolopha, par Bram Piot in Xeno-Canto (nota bene : ce sont les seuls enregistrements disponibles de la bête ! Ce Bram, vraiment...)

* Du côté des mammifères, outre les classiques espèces du nord systématiquement listées par Ornithondar, on ajoutera pour ces seuls trois mois de 2019 : 
Renard pâle / Hyène tachetée / Loup doré africain / Mangouste ichneumon / Mangouste des marais / Héliosciure de Gambie et sp. / Hérisson à ventre blanc / Petite Gerboise d'Egypte / Gerbille sp. Etc.

Ci-dessous :
après l'Outarde arabe en guise d'anniversaire, l'Onoré à huppe blanche pour cadeau de Noël !
cryptique, furtif, discret, nocturne, l'Onoré à huppe blanche...
Mangroves de Sipo/Toubacouta 2019 12 25 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Bram Piot


Ci-dessus :
à g., Bram sur les rives de Yenné Toddé, grande banlieue de Dakar 2019 12 
à d., dans les mangroves de Sipo, Siné Saloum 2019 12 
/ @ Photos par Frédéric Bacuez, avec B. P.

Echasse blanche : 
à Sanar, Mamadou a mis fin à nos spéculations (ornithologiques !). Radicalement.

Tandis que Bram Piot finalise pour Malimbus (ndlr. : ce sera finalement l'américain Wader Study Journal !) un article qui a réuni sous sa houlette l'essentiel des observateurs de la reproduction d'Himantopus himantopus dans la sous-région (pas moins de huit contributeurs dont l'Ornitondar), je lui signale qu'en fin décembre à Saint-Louis-du-Sénégal le très étrange développeur Mamadou G., le même qui s'est approprié la 'réserve communautaire patrimoniale' des Trois-Marigots pour un 'agro-business plan' dévastateur et pour le moins brouillon, a rayé de la carte le bas-fond de Sanar, jusque là fait de prairies, tanns, lagons et casiers rizicoles familiaux. Au bulldozer. Tout aplani, recouvert de terres égalisées. Supprimée, la dépression ! Disciplinée; dévitalisée. Définitivement. Comme l'avait été Ndigue, avec ses Rhynchées, avant lui par semblable cupidité. Alors que d'autres sites humides autrement plus importants (d'un point de vue de leur bodiversité) sont actuellement en cours de destruction, dans l'indifférence irresponsable des partenaires au prétendu développement; ceux-là, bien formatés, sont dans la phase écologique transitoire (ou transitaire); ne pas trop les brusquer, les ambassadeurs du "libéralisme" et autres députés en chemise blanche du Val-de-Marne, il faut leur pardonner. Et donc aller vite; avant qu'ils ne versent leurs larmes de crocodiles, après. En organisant colloques, missions et rapports d'expertise verte. Avec le JMD ndar ndar comme référent ? La boucle bouclée.

Sur le site péri-urbain de SanarOrnithondar avait constaté la présence d'Echasses blanches (Himantopus h. himantopus) trop jeunes pour être nées ailleurs qu'ici. La reproduction de ce limicole, rejoint en hiver par des individus du Paléarctique, a été trop longtemps sous-documentée au Sénégal et plus généralement dans l'Afrique occidentale. Bram a donc rassemblé matière à écrire sur le sujet, de la Casamance au bas-delta du Sénégal via la Gambie et le Grand Dakar. Dans le chapitre 'Conservation/menaces' du papier, il sera rendu hommage aux prouesses éradicatrices de Mamadou. Comme tout le monde, braves gens ignorantes et crédules, presse-torchon, experts en visibilité, patriotes du verbe, engagés de Facebook, LFI-RSA 'intégré-e-s', on ne peut qu'être admiratif devant ce type de développement visiblement adoubé; concerté, solidaire, populaire, altruiste, respectueux de l'environnement, de la santé; et du climat... Je me dis cependant que tout cela, ce sera encore de ma faute, quand tout va dégénérer, dans ce pays de colons épidermiques. Ah, de la radicalité du bizness en milieu sahélien, on n'en parle pas assez, vous ne trouvez pas ?

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