Le Martinet horus, une espèce de plus à la liste des oiseaux du Sénégal [une découverte conjointe Senegal Wildlife & Ornithondar, 2018 01-02]
Martinet horus - apus horus, Horus Swift, au-dessus de la Doué et dans les sables de l’harmattan sahélien ! Près de Gamadji Saré 2018 02 12, 16h35 / © Photo par Frédéric Bacuez, tous droits réservés |
* La Doué, vers Gamadji Saré-
Vendredi 5 soir et samedi 6 janvier 2018 matin
Lundi 12 février 2018 soir-
Avec Bram Piot (Senegalwildlife/Dakar) et Filip Verroens (Natuurpunt/Belgique) [2018 01 5-6]
Avec Daniel Nussbaumer (Nos oiseaux/Suisse) [2018 02 12]
Ci-dessus: au-dessus de la Doué, Bram Piot écoute et scrute les martinets qui voltigent puis entrent dans des terriers dans la falaise d'ocres
Entre Gamadji Saré et Ndioum 2018 01 5, 17h59 / © Photo smartphone Frédéric Bacuez
IMPORTANT:
ce billet est le pendant francophone de l'article anglophone de mon camarade Bram Piot,
'Those mystery Swifts: Horus, new to Senegal !', à lire ICI sur Senegal Wildlife, 2018 04 10
En lien:
5-6, la Doué: 2 pluvians fluviatiles, 2 guêpiers à gorge rouge, 8 cratéropes fauves et plus...,
par Frédéric Bacuez in Ornithondar, 2018 01 6
4-7, Ornithondar et Senegal Wildlife: 3 jours dans la moyenne vallée - l'essentiel du carnet...,
par Frédéric Bacuez in Ornithondar, 2018 01 7
Northern Specials (Part I), par Bram Piot in Senegal Wildlife, 2018 01 21
Et: Deux espèces de plus sur la liste des oiseaux du Sénégal - et une troisième par suivi satellitaire !, in Ornithondar, 2018 04 1
Tous mes/nos remerciements aux camarades des deux expéditions, Daniel Nussbaumer, Bram Piot et Filip Verroens, et pour leur(s) contribution(s), directes ou indirectes, et/ou leur(s) expertise(s), passées ou... à venir, à [liste par ordre alphabétique et non exhaustive]:
Mohamed Amezian, François Baillon, Clive Richard Barlow, Rafa Benjumea, Jérémy Calvo, Simon Cavaillès, Claude Chappuis, Callan Cohen, David Cuenca, Ron Demey, Gerald Driessens, Jacques Franchimont, Miguel Lecoq, Benoît Maire, Carlos Sanchez, Niels Van Duivendijk, etc.
On parle de nous - disons, de nos trouvailles...
ICI sur BirdLife International, page Facebook par BirdLife International - Africa, les premiers à faire part de notre découverte, 2018 04 11
A la Une de Xeno-canto dès ce matin, "major range extension" ! 2018 04 11
HBW.com/report/horus-swift-senegal, First Country Reports in Handbook of the Birds of the World (HBW-Alive) 2018 05 30 [Additif 2018 06 2]
Additif 2018 09 17:
Horus Swift in north Senegal, potential vagrant to Western Palearctic, par Mohamed Amezian in MaghrebOrnitho 2018 09 6
Et: dans un post de Javi Elorriaga Bts, 2018 09 16 [Birding The Strait]
Sources et références:
- Swifts. A Guide to the Swifts and Treeswifts of the world, par P. Chantler & G. Driessens, Pica Press, 1995
- Horus Swift (Apus horus), par P. Chantler & P. Boesman in Handbook of the Birds of the World (HBW-Alive), par J. del Hoyo, A. Elliott, J. Sargatal, D. A. Christie & E. de Juana, (eds.), Lynx Edicions, Barcelona (Espagne), 2018
- Birds of Western Africa (2e édition), par Nik Borrow & Ron Demey, Helm Field Guides, Christopher Helm ed., Londres (Grande-Bretagne), 2014
- Apus horus (Horus Swift), in The IUCN Red List of Threatened Species, 2016 10
- Horus Swift, in The Atlas of Southern African Birds
- Geographical variation in the Swifts Apus horus and Apus caffer, par R. K. Brooke (Rhodésie/Zimbabwe), in Durban Museum Novitates (Afrique du Sud), Vol. IX Part. 4, 1971 02 1
Ci-dessous:
des martinets inconnus du Sénégal au-dessus de la Doué...
Entre Gamadji Saré et Ndioum 2018 01 5, 14h41 / © Photo par Frédéric Bacuez, tous droits réservés
"Those mystery swifts...
Back in January, when Frédéric (Ornithondar), Filip and I visited the middle Senegal valley, we stayed the night at Gamadji Sare on the Doue river bank in the far north of the country. We had some really good birds here, sch as Egptian Plover, Red-throated Bee-eater, Fulvous Babbler, Cricket Warbler, and Seehbom's and Isabelline Wheatears. We also encountered a flock of swifts which we initially took for White-rumped Swifts (Martinet cafre) has these has been reported from the Senegal valley before and since in Senegal this is the only swift with a white rump the than Little Swift (Martinet des maisons). However, something felt not quite right for this species, and luckily Frédéric was able to take a number of decent pictures - not an easy feat with these birds ! Subsequent study of the pictures revealed that the birds did indeed not quite fit White-rumped Swift, and that they were something else... Frédéric was lucky to pay a second visit to the same site, in mid February, and despite very dusty conditions he obtained even better pictures. These provided a more definite clue to the identity of these mystery swifts, which we now feel confident are nothing less than HORUS SWIFTS !!!! "
- Bram Piot pour Senegalwildlife
Read more / Lire la suite:
'Those Mystery Swifts: Horus, New to Senegal',
par Bram Piot in Senegalwildlife, 2018 04 10
Une co-production Senegalwildlife & Ornithondar, 2018 04 10 et 11
Listen / Ecouter:
un enregistrement sonore, par Bram Piot: ICI sur Xeno-Canto, 2018 01 6, 8h30
'Those Mystery Swifts: Horus, New to Senegal',
par Bram Piot in Senegalwildlife, 2018 04 10
Une co-production Senegalwildlife & Ornithondar, 2018 04 10 et 11
Listen / Ecouter:
un enregistrement sonore, par Bram Piot: ICI sur Xeno-Canto, 2018 01 6, 8h30
Et voilà ! Enfin, on se lance... Après trois mois de suspense, de débats, de consultations, d'expertises aux quatre coins du petit monde de l'ornithologie, le verdict peut tomber. Malgré l'énormité de cette trouvaille, nous avons fini par accepter ce que nous avions pourtant vite pensé de ce "joli sac de nœuds" [Simon Cavaillès dixit, 2018 01 29]; et nous ne pouvons plus attendre ! Priorité donc à notre camarade Bram Piot pour annoncer urbi et orbi la nouvelle: le Sénégal peut s’enorgueillir d'avoir augmenté en [ce début] 2018 [car ce n'était pas fini, ndlr. 2018 06 2 !] sa liste d'oiseaux de deux espèces (homologuées ou c'est tout comme) ! Et c'est avec joie, et une réelle fierté que je me trouve être, avec Bram, l'un des deux 'découvreurs' pour le pays, son drapeau et notre gloriole, d'une de ces espèces. Insolite découverte au demeurant, pour des latitudes sahéliennes, d'un oiseau dont l'aire de distribution connue la plus proche (cf. carte ci-après) se situe tout de même très très loin vers le sud-est du spot où nous l'avons trouvé, ici au Sénégal. Et pas un oiseau esseulé, mais quelque dix-huit (~18) sujets, selon Bram, en début janvier; et trois (3+) à quatre sujets, pour Daniel Nussbaumer et moi, à la mi février. Dont deux paires entrant et sortant de trous/terriers dans la falaise d'ocres bordant la Doué, un effluent du fleuve Sénégal, aux alentours de Gamadji Saré. L'oiseau, vous demandez-vous ? Pour certains, peut-être, ce sera juste un de ces apodidés afrotropicaux, assez bien répandus en Afrique orientale et australe; pour nous, en revanche, c'est une coche qui dit beaucoup de tout ce qu'il reste à découvrir dans notre région ouest-africaine, et qui enthousiasmera le landerneau ornithophile, on n'en doute pas: c'est le martinet horus (Apus horus, Horus Swift) !
Bram Piot décrit parfaitement notre oiseau dans son billet: son jizz, sa morphologie, son éthologie, sur la base de la cinquantaine de mes photos prises sur le spot et mises à disposition pour expertise. Mon premier jeu d'images, des 5 et 6 janvier, nous avait durant un mois tenu en haleine: s'agissait-il de martinets cafres (Apus caffer) en compagnie de quelques martinets des maisons d'Afrique de l'ouest (Apus affinis ssp. aerobates) ? Nous n'étions pas convaincus. Peut-être alors une hybridation entre ces deux espèces, déjà observée ailleurs, notamment en Espagne ? Cela faisait cependant beaucoup d'hybrides sur un même site. Quant aux deux apodidés sus-cités: Affinis est commun, largement répandu au Sénégal et dans la région ouest-africaine. Caffer est dans notre Sahel sénégalais, et sur sa Grande Côte (in Borrow & Demey, 2014) un hivernant (?), ou un dispersif déjà documenté de Richard-Toll; il demeure en Afrique occidentale un résident peu fréquent, y compris au Sénégal, à la différence de son aire de répartition le long du Rift où l'espèce est commune dans les villes. Mon deuxième jeu d'images, de mi-février, en dépit de conditions atmosphériques exécrables (sables oranges de l'harmattan en suspension) sera bien plus prometteur. Des trois à quatre oiseaux bien observés le 12 février en fin de journée, l'un d'eux, au plumage fort usé (cf. photo ci-après), est franchement coopératif et nous survole à courte distance, à faible hauteur, Daniel Nussbaumer et moi. In situ comme devant les photos, nous n'avons guère de doute: il ne s'agit pas de martinets connus de cette partie du Sénégal, ni du Sahel d'Afrique occidentale. Exit surtout Apus caffer, le martinet cafre, celui qui lui ressemble le plus. Les nôtres sont autrement plus massifs, bien que la taille est globalement similaire; même queue fourchue, cependant un peu plus courte chez nos oiseaux; le croupion blanc est nettement plus épais, et descend surtout jusque sur les flancs - c'est ce qui frappe le plus quand on regarde les martinets évoluer dans le ciel. La tête paraît plus globuleuse que chez d'autres apodidés, avec un marquage au cou souvent plus beige que blanc, assez large; et pas de pointes blanches aux secondaires, quand on peut le vérifier, à la différence du martinet cafre. Quant au vol, il est puissant comme celui d'un martinet noir, pâle ou des maisons, alors que celui du cafre est léger, gracieux, aérien. Le photographe remarque aussi que nos martinets "mystérieux" sont particulièrement agiles, rapides, virant à angles droits pour changer de direction, soudainement, brutalement, en tout cas bien plus abruptement qu'Affinis et Caffer. Le preneur de sons tente de capturer les cris des martinets qui virevoltent devant les talus d'ocres (cf. vidéo ci-après et ICI sur Xeno-Canto), malgré les camions qui rugissent au sud sur la route nationale... En les "comparant avec les sonagrammes de Horus et Cafre (sur la base Xeno-Canto et les sons de Chappuis), ça correspond bien plus à du Horus là aussi." [corr. B.P. à F. B., 2018 03 18]
"Vous avez bien une nouvelle espèce pour le Sénégal"
Simon Cavaillès et Benoît Maire, qui ont déjà observé le martinet horus en Ethiopie, penchent aussi pour cette espèce, toujours sur la base de mes photos jetées au monde comme bouteilles à la mer. Benoît Maire, Jacques Franchimont et Mohamed Amezian confirment qu'ils ne connaissent pas cette espèce de leur périmètre marocain, pas plus de la zone méditerranéenne. Jusqu'à présent. Mohamed [2018 02 13] résume bien leur avis: " les réponses [cf. ci-après, ndlr.] de Jacques et Benoît sont très claires. Vous avez bien une nouvelle espèce pour le Sénégal. " Et tac. Pourquoi se torturer les méninges, et s’abîmer les yeux, quand on peut faire simple, concis, définitif ?!
Répartition et habitat
Notre découverte ouvre de nouvelles perspectives pour l'espèce, peu documentée de toute l'Afrique atlantique. On sait que sur le versant ouest du continent, le martinet horus est présent dans la bande littorale de l'Angola et des deux Congo, sur quelques sites du Gabon (souvent des sujets de forme sombre), puis sur les marges camerounaises et nigérianes. Vers l'ouest ensuite, quelques rares mentions, accidentelles (?), du W nigérien, du lac Tchad, des plateaux nigérians - et c'est tout. Les dernières données de Apus Horus en Afrique occidentale sont de 2004 [in African Bird Club, ABC] et proviennent du nord-ouest du Ghana, précisément du parc national de Mole (Mole NP), juste au sud de Nazinga (RGN, Burkina Faso) que j'ai bien fréquenté, jadis. Et que connaît parfaitement le biologiste François Baillon, qui rappelle fort à propos une vérité élémentaire: "tu n'ignores pas que tous les Apodidae se déplacent sur des distances considérables, aussi en fonction des conditions météo locales." Et de me raconter ce souvenir d'août 1995, dans la plaine Tikar (centre du Cameroun), avec ses dix espèces d'apodidés (affinis, parvus, sabini, cassini, ussheri, sladeniae, aequatorialis, melanopygia et horus) : " juste 1 Horus identifié (mais pas certain qu'il était seul) dans un vol polyspécifique de 120 à 150 individus d'Apus apus, aequatorialis, parvus et cassini. [Il y avait un] essaimage important de termites ailés, par milliers au-dessus de la mosaïque périforestière (...)" [conversation F. Bai. & F. Bac. 2018 04 11].
Ces martinets horus fréquentaient en janvier et février un site tout à fait conforme à leur habitat traditionnel en Afrique orientale et australe: si dans toutes ces régions, ainsi qu'au Cameroun, ce martinet a une préférence pour des plateaux d'altitude variable (au-dessus de 700-750 m dans l'Adamaoua et ses replats limitrophes, mais bien plus haut dans les massifs sud-africains), nous sommes ici bien plus bas (10-15 m). Cependant, au bord de la Doué, un effluent paisible du fleuve Sénégal, la berge méridionale est constituée d'un aplomb de falaises d'ocres particulièrement friables dans lesquelles nidifient des martins-pêcheurs sp. et surtout des guêpiers sp. Nous observons au moins deux paires des martinets horus qui à l'évidence utilisent des trous/terriers placés à quelque six-huit mètres au-dessus de la rive de la Doué, très basse à cette époque et dégageant une longue plage (cf. photos en bas de notule). A plusieurs reprises, et soudainement, certains quittent le groupe de haute voltige, piquent et entrent dans les tunnels pour en ressortir quelques minutes plus tard. Le Rhodésien/Zimbabwéen R. K. Brooke décrivait déjà en 1971 un habitat similaire, des rives du Chari (Tchad), vers l'ouest, et du Nil Bleu (Soudan), vers l'est, à la province du Cap (Afrique du Sud): "(...) breeds, as far as is known, only in holes in vertical banks made by other birds, those excavated by members of the Meropidae, Alcedinidae, Hirundinidae and Sturnidae being largely favoured." (in Geographical variation in the Swifts Apus Horus and Apus Caffer). Nous avons même assisté, en janvier, au coucher d'une paire, en toute fin de journée [01 5]; puis assisté à sa première sortie matinale, le lendemain [01 6]. Un bon présage pour une reproduction locale, ce qui donnerait à notre découverte un surcroît d'intérêt. Bram Piot devrait revenir dans la moyenne et haute vallée du fleuve Sénégal pendant la saison humide - ça tombe bien... Nous n'en avons pas fini avec la belle trouvaille de ce début d'année 2018.
Il est d'ailleurs admis qu'au contact de l'Afrique centrale et occidentale, loin de notre vallée sénégalaise il faut encore le rappeler ici, la présence d'Horus n'est pas permanente. Selon des auteurs sud-africains, l'espèce serait partiellement migratrice, du sud vers le nord avant reflux (mais à quel moment ?), et serait même en lente expansion, avec une tendance à l'augmentation de ses effectifs, jamais abondants, en tout cas peu grégaires au regard d'autres espèces d'Apodidae. Les mentions incidentes de Centrafrique, du Niger, du Nigeria, du Tchad et surtout du Ghana tendraient à confirmer ces observations australes. Comme l'écrit fort justement Bram Piot dans le billet de Senegal Wildlife, "it's always exciting of course to find an addition to a country's species list, but in this case we have a highly unexpected record since it comes down to a range extension of no less than 1 600 km, and because the species may even breed here. Plus, one can now safely assume that Horus Swift occurs in Mauritania, Mali and Burkina Faso, and why not in northern Cote d'Ivoire and NE Guinea too", voire même au-delà du fatidique 21°N, frontière virtuelle entre l'Afrotropical et le Paléarctique occidental (WP). A vos jumelles, têtes en l'air !
Post-scriptum: on ne surveille pas assez les Apodidae dans les cieux, sous nos latitudes en particulier. Mohamed Amezian (Maroc) vient de publier un article passionnant dans Maghreb Ornitho, relatant le suivi par balises satellitaires en 2013-2014 de plusieurs martinets unicolores (Apus unicolor, Plain Swift), une espèce inféodée aux îles Canaries, à Madère et au littoral atlantique marocain de la région d'Agadir. Surprise ! La technologie et l'équipe de Tristan Norton (in African Bird Club et SOC, 2018) nous révèlent que cette espèce vient hiverner dans les cieux guinéens de l'Afrique occidentale après avoir traversé, inévitablement, l'espace aérien de notre région (Mauritanie, Mali, Sénégambie)... Allez, une prochaine première coche pour la liste du Sénégal ?!
Lire: Geolocator study reveals that Plain Swifts winter in equatorial West Africa, in MaghrebOrnitho 2018 03 29
" Quelque dix-huit sujets en début janvier;
et trois à quatre par temps poussiéreux à la mi-février "
Bram Piot décrit parfaitement notre oiseau dans son billet: son jizz, sa morphologie, son éthologie, sur la base de la cinquantaine de mes photos prises sur le spot et mises à disposition pour expertise. Mon premier jeu d'images, des 5 et 6 janvier, nous avait durant un mois tenu en haleine: s'agissait-il de martinets cafres (Apus caffer) en compagnie de quelques martinets des maisons d'Afrique de l'ouest (Apus affinis ssp. aerobates) ? Nous n'étions pas convaincus. Peut-être alors une hybridation entre ces deux espèces, déjà observée ailleurs, notamment en Espagne ? Cela faisait cependant beaucoup d'hybrides sur un même site. Quant aux deux apodidés sus-cités: Affinis est commun, largement répandu au Sénégal et dans la région ouest-africaine. Caffer est dans notre Sahel sénégalais, et sur sa Grande Côte (in Borrow & Demey, 2014) un hivernant (?), ou un dispersif déjà documenté de Richard-Toll; il demeure en Afrique occidentale un résident peu fréquent, y compris au Sénégal, à la différence de son aire de répartition le long du Rift où l'espèce est commune dans les villes. Mon deuxième jeu d'images, de mi-février, en dépit de conditions atmosphériques exécrables (sables oranges de l'harmattan en suspension) sera bien plus prometteur. Des trois à quatre oiseaux bien observés le 12 février en fin de journée, l'un d'eux, au plumage fort usé (cf. photo ci-après), est franchement coopératif et nous survole à courte distance, à faible hauteur, Daniel Nussbaumer et moi. In situ comme devant les photos, nous n'avons guère de doute: il ne s'agit pas de martinets connus de cette partie du Sénégal, ni du Sahel d'Afrique occidentale. Exit surtout Apus caffer, le martinet cafre, celui qui lui ressemble le plus. Les nôtres sont autrement plus massifs, bien que la taille est globalement similaire; même queue fourchue, cependant un peu plus courte chez nos oiseaux; le croupion blanc est nettement plus épais, et descend surtout jusque sur les flancs - c'est ce qui frappe le plus quand on regarde les martinets évoluer dans le ciel. La tête paraît plus globuleuse que chez d'autres apodidés, avec un marquage au cou souvent plus beige que blanc, assez large; et pas de pointes blanches aux secondaires, quand on peut le vérifier, à la différence du martinet cafre. Quant au vol, il est puissant comme celui d'un martinet noir, pâle ou des maisons, alors que celui du cafre est léger, gracieux, aérien. Le photographe remarque aussi que nos martinets "mystérieux" sont particulièrement agiles, rapides, virant à angles droits pour changer de direction, soudainement, brutalement, en tout cas bien plus abruptement qu'Affinis et Caffer. Le preneur de sons tente de capturer les cris des martinets qui virevoltent devant les talus d'ocres (cf. vidéo ci-après et ICI sur Xeno-Canto), malgré les camions qui rugissent au sud sur la route nationale... En les "comparant avec les sonagrammes de Horus et Cafre (sur la base Xeno-Canto et les sons de Chappuis), ça correspond bien plus à du Horus là aussi." [corr. B.P. à F. B., 2018 03 18]
Ci-dessous:
martinet horus - Apus horus, Horus Swift, en plumage usé
A la verticale de la Doué et des falaises d'ocres
Vers Gamadji Saré 2018 02 12, 16h28 / © Photo par Frédéric Bacuez, tous droits réservés
"Vous avez bien une nouvelle espèce pour le Sénégal"
Simon Cavaillès et Benoît Maire, qui ont déjà observé le martinet horus en Ethiopie, penchent aussi pour cette espèce, toujours sur la base de mes photos jetées au monde comme bouteilles à la mer. Benoît Maire, Jacques Franchimont et Mohamed Amezian confirment qu'ils ne connaissent pas cette espèce de leur périmètre marocain, pas plus de la zone méditerranéenne. Jusqu'à présent. Mohamed [2018 02 13] résume bien leur avis: " les réponses [cf. ci-après, ndlr.] de Jacques et Benoît sont très claires. Vous avez bien une nouvelle espèce pour le Sénégal. " Et tac. Pourquoi se torturer les méninges, et s’abîmer les yeux, quand on peut faire simple, concis, définitif ?!
" L'échancrure de la queue, la largeur du croupion blanc, qui déborde sur les cotés,
la couleur interne des ailes et même quelque chose de presque roussâtre sur la tête (...) "
- F. Bac. à B. P., 2018 01 9
" Le croupion blanc paraît trop étendu pour du Cafre, car il descend bien sur les flancs (...).
Je ne vois pas de blanc sur le bord de fuite à la base de l'aile. Vous avez fait attention à ça sur le terrain ?
La tête est quand même nettement brunâtre (...)
- S. C. à B.P. & F. Bac., 2018 01 29
" En tout cas ce ne sont pas des martinets cafres:
queue pas assez longue et fourchue, trop de blanc au croupion
et surtout aucune trace de liseré blanc à l'extrémité des secondaires, détail caractéristique du Cafre. "
- B. M. à M. A. pour Ornithondar, 2018 02 3
" (...) Quant à la majorité des autres photos, si pas toutes,
ce ne sont pas pour moi des Martinets des maisons, ni des Martinets cafres
(la queue ne me semble pas assez fourchue, le blanc du croupion me semble trop étendu en particulier vers les flancs
et il n'y a pas non plus de pointes pâles aux secondaires (...)) "
- prof. J. F. à M. A. pour Ornithondar, 2018 01 31
" Une telle tâche gigantesque à la gorge...
Les sous-caudales sombres dessus et dessous sont aussi bien visibles. "
- G. D. à B. P., correspondances
A tout maître tout honneur, le dernier mot sera pour Gerald Driessens, "l'illustrateur de l'ouvrage de référence pour les martinets" du monde, rappelle opportunément Bram Piot. De ses correspondances adressées à mon camarade de Dakar, retenons finalement ceci: "Aucune possibilité que les Cafres aient un tel croupion large et une telle étendue de la gorge et des sourcils (même le front)." "Le fait que vous en ayez vu autant ensemble, bien sûr, signifie qu'ils ne peuvent pas être des hybrides, comme Ron [Demey] l'a déjà indiqué." "De plus je suis tout à fait convaincu qu'avec la structure de la queue sur la photo 7122 [troisième photo ci-après, ndlr.] vous pouvez prouver que c'est Horus."
En conclusion...
"Vous avez fait fort, pour le Sénégal"
"A moins qu'il y ait quelque part des martinets que nous ne connaissons pas."
"ça reste un groupe intrigant"
- Gerald Driessens, correspondances avec Bram Piot
Ci-dessous:
martinet horus - Apus horus, Horus swift, en plumage usé
Au-dessus des talus d'ocres de la Doué,
vers Gamadji Saré 2018 02 12, 16h27 / © Photo par Frédéric Bacuez, tous droits réservés
Ci-dessus:
répartition d'Apus Horus,
les mentions d'Afrique occidentale et le site de notre découverte sénégalaise
par Senegal Wildlife / Ornithondar du 2018 01 4
F. B., sur la base de la cartographie IUCN Red List
Notre découverte ouvre de nouvelles perspectives pour l'espèce, peu documentée de toute l'Afrique atlantique. On sait que sur le versant ouest du continent, le martinet horus est présent dans la bande littorale de l'Angola et des deux Congo, sur quelques sites du Gabon (souvent des sujets de forme sombre), puis sur les marges camerounaises et nigérianes. Vers l'ouest ensuite, quelques rares mentions, accidentelles (?), du W nigérien, du lac Tchad, des plateaux nigérians - et c'est tout. Les dernières données de Apus Horus en Afrique occidentale sont de 2004 [in African Bird Club, ABC] et proviennent du nord-ouest du Ghana, précisément du parc national de Mole (Mole NP), juste au sud de Nazinga (RGN, Burkina Faso) que j'ai bien fréquenté, jadis. Et que connaît parfaitement le biologiste François Baillon, qui rappelle fort à propos une vérité élémentaire: "tu n'ignores pas que tous les Apodidae se déplacent sur des distances considérables, aussi en fonction des conditions météo locales." Et de me raconter ce souvenir d'août 1995, dans la plaine Tikar (centre du Cameroun), avec ses dix espèces d'apodidés (affinis, parvus, sabini, cassini, ussheri, sladeniae, aequatorialis, melanopygia et horus) : " juste 1 Horus identifié (mais pas certain qu'il était seul) dans un vol polyspécifique de 120 à 150 individus d'Apus apus, aequatorialis, parvus et cassini. [Il y avait un] essaimage important de termites ailés, par milliers au-dessus de la mosaïque périforestière (...)" [conversation F. Bai. & F. Bac. 2018 04 11].
Ces martinets horus fréquentaient en janvier et février un site tout à fait conforme à leur habitat traditionnel en Afrique orientale et australe: si dans toutes ces régions, ainsi qu'au Cameroun, ce martinet a une préférence pour des plateaux d'altitude variable (au-dessus de 700-750 m dans l'Adamaoua et ses replats limitrophes, mais bien plus haut dans les massifs sud-africains), nous sommes ici bien plus bas (10-15 m). Cependant, au bord de la Doué, un effluent paisible du fleuve Sénégal, la berge méridionale est constituée d'un aplomb de falaises d'ocres particulièrement friables dans lesquelles nidifient des martins-pêcheurs sp. et surtout des guêpiers sp. Nous observons au moins deux paires des martinets horus qui à l'évidence utilisent des trous/terriers placés à quelque six-huit mètres au-dessus de la rive de la Doué, très basse à cette époque et dégageant une longue plage (cf. photos en bas de notule). A plusieurs reprises, et soudainement, certains quittent le groupe de haute voltige, piquent et entrent dans les tunnels pour en ressortir quelques minutes plus tard. Le Rhodésien/Zimbabwéen R. K. Brooke décrivait déjà en 1971 un habitat similaire, des rives du Chari (Tchad), vers l'ouest, et du Nil Bleu (Soudan), vers l'est, à la province du Cap (Afrique du Sud): "(...) breeds, as far as is known, only in holes in vertical banks made by other birds, those excavated by members of the Meropidae, Alcedinidae, Hirundinidae and Sturnidae being largely favoured." (in Geographical variation in the Swifts Apus Horus and Apus Caffer). Nous avons même assisté, en janvier, au coucher d'une paire, en toute fin de journée [01 5]; puis assisté à sa première sortie matinale, le lendemain [01 6]. Un bon présage pour une reproduction locale, ce qui donnerait à notre découverte un surcroît d'intérêt. Bram Piot devrait revenir dans la moyenne et haute vallée du fleuve Sénégal pendant la saison humide - ça tombe bien... Nous n'en avons pas fini avec la belle trouvaille de ce début d'année 2018.
Il est d'ailleurs admis qu'au contact de l'Afrique centrale et occidentale, loin de notre vallée sénégalaise il faut encore le rappeler ici, la présence d'Horus n'est pas permanente. Selon des auteurs sud-africains, l'espèce serait partiellement migratrice, du sud vers le nord avant reflux (mais à quel moment ?), et serait même en lente expansion, avec une tendance à l'augmentation de ses effectifs, jamais abondants, en tout cas peu grégaires au regard d'autres espèces d'Apodidae. Les mentions incidentes de Centrafrique, du Niger, du Nigeria, du Tchad et surtout du Ghana tendraient à confirmer ces observations australes. Comme l'écrit fort justement Bram Piot dans le billet de Senegal Wildlife, "it's always exciting of course to find an addition to a country's species list, but in this case we have a highly unexpected record since it comes down to a range extension of no less than 1 600 km, and because the species may even breed here. Plus, one can now safely assume that Horus Swift occurs in Mauritania, Mali and Burkina Faso, and why not in northern Cote d'Ivoire and NE Guinea too", voire même au-delà du fatidique 21°N, frontière virtuelle entre l'Afrotropical et le Paléarctique occidental (WP). A vos jumelles, têtes en l'air !
Post-scriptum: on ne surveille pas assez les Apodidae dans les cieux, sous nos latitudes en particulier. Mohamed Amezian (Maroc) vient de publier un article passionnant dans Maghreb Ornitho, relatant le suivi par balises satellitaires en 2013-2014 de plusieurs martinets unicolores (Apus unicolor, Plain Swift), une espèce inféodée aux îles Canaries, à Madère et au littoral atlantique marocain de la région d'Agadir. Surprise ! La technologie et l'équipe de Tristan Norton (in African Bird Club et SOC, 2018) nous révèlent que cette espèce vient hiverner dans les cieux guinéens de l'Afrique occidentale après avoir traversé, inévitablement, l'espace aérien de notre région (Mauritanie, Mali, Sénégambie)... Allez, une prochaine première coche pour la liste du Sénégal ?!
Lire: Geolocator study reveals that Plain Swifts winter in equatorial West Africa, in MaghrebOrnitho 2018 03 29
Horus,
"celui qui est au-dessus", "le lointain",
fils d'Isis et d'Osiris, est dans l'Egypte antique
le dieu de l'azur, des espaces célestes
- des sables de l'harmattan aussi ?
Ci-dessous:
martinets horus au-dessus de la Doué, par temps calme [01 5] et dans le chasse-poussière de l'harmattan [02 12]
Ente Gamadji Saré et Ndioum 2018 01 5-6 & 02 12 / © Photos par Frédéric Bacuez (détails), tous droits réservés
Un grand merci à Jérémy Calvo pour la post-production !
Un grand merci à Jérémy Calvo pour la post-production !
In situ...
Avec les martinets horus !
Ci-dessous:
Bram Piot en preneur de sons
Et les deux équipes au boulot - (janvier et février, c'est à la couleur des photos qu'on fera la différence !
2018 01 5-6 & 02 12 au-dessus de la Doué, vers Gamadji Saré / © Vidéo et photos smartphone Frédéric Bacuez
Ecouter l'enregistrement ICI sur Xeno-Canto, par Bram Piot 2018 01 6, 8h30
- Cliquer sur les photos pour agrandir -
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