2 & 18, du Djoudj au Djeuss : 113 puis 67 vautours fauves - peut-être un record pour le Sénégal

Ci-dessus :
à g., à l'orient du Grand Lac, parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD)
2019 11 2, 10h43 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Rosa & Miguel Lecoq, Vieux Ngom, Bram Piot
à d., en migration active nord-sud, par-dessus le marigot de Djeuss à Bango 
2019 11 18, 15h53 / @ Photo par Frédéric Bacuez
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* Parc national des Oiseaux du Djoudj (PNOD), à l'est du Grand Lac-
* Maroum Diassik, Djeuss et Bango-

Voir aussi mes/nos listes correspondantes sur eBird :
Mon 18 Nov 2019 - Bango sur Djeuss
Sat 2 Nov 2019 - PN des Oiseaux du Djoudj (PNOD)

Le 2 novembre matin dans le parc national du Djoudj (PNOD), avec Vieux Ngom, Bram Piot, Miguel Lecoq & Rosa. C'est Vieux qui voit le premier des volatiles, en premier ! De très loin, quelque deux à trois kilomètres de distance. On cherchait l'une des six (?) dernières outardes arabes (Ardeotis arabs ssp. stieberi) du coin (et du pays ?); à cette distance, malgré les jumelles et les yeux perçants de mes camarades, même un dindon ferait illusion ! Il faut imaginer le décor : une immense steppe herbacée toute jaune, enflammée par l'ardent soleil, brouillée par les vapeurs - il est quand même pas loin de 11 heures du matin... Miguel déballe la longue-vue, mais déjà, en forçant l'attention on se rend compte qu'il ne s'agit ni d'une outarde (même de Denham...) ni d'un tronc mort au milieu de l'océan de blés. Mais oui, évidemment (maintenant) on commence à deviner la collerette avant que de confirmer l'observation dans l'oeilleton imparable du télescope : c'est un vautour fauve (Gyps f. fulvus); et puis deux, trois, d'autres, leurs cous serpentins émergeant les uns après les autres des herbes dans lesquelles les oiseaux semblaient se reposer voire dormir. Rapprochons-nous.

Ci-dessous :
vautours fauves (Gyps fulvus fulvus) dans la plaine du Grand Lac
Parc national des Oiseaux du Djoudj (PNOD) 2019 11 2, 10h42-43 / @ Photos par Frédéric Bacuez

Dans la prairie sèche, une cigogne noire (Ciconia nigra) chasse les acridiens; des phacochères en-veux-tu-en-voilà; il y en a même un qui passe à portée de bec des vautours au sol - laquelle des deux espèces est la plus indifférente à l'autre ? Là-bas, derrière un rideau d'arbustes, des dizaines de vautours fauves apparaissent et décollent peu à peu, par petits paquets avant de cercler et pomper dans le ciel gris-orangé. Miguel constate que la troupe est très largement composée de sujets immatures. Nous imaginons qu'après la traversée du grand désert - le Trarza est à quelques kilomètres seulement, à vol d'oiseau-, les vautours ont fait une halte réparatrice dans la steppe tranquille du Grand Lac; avant de reprendre la voie des thermiques, et poursuivre plus loin vers le sud. C'est qu'il fait aussi très chaud, il fera de plus en plus chaud; il faut s'économiser. Mes camarades se mettent à les dénombrer : 113 ! Jamais vu au Sénégal autant de vautours fauves d'un seul tenant, pour ma part, idem pour mes coéquipiers. Bram Piot avance qu'il s'agit "peut-être (de) l'un des plus grands groupes, si ce n'est le plus grand, jamais observé au Sénégal ?" Vieux nous dit qu'il en avait repéré quelques spécimens dans les parages, il y a plusieurs jours, mais à ce niveau numérique, non, jamais. Je vérifie mes données : évidemment au Sénégal et a fortiori en Afrique subsaharienne, je n'ai jamais observé pareil regroupement, de ces vautours eurasiens comme de vautours spécifiquement africains - à l'exception des charognards (Necrosyrtes m. monachus) à Ouagadougou, mais ça c'était avant, à l'époque (1979-1982). Dans le nord-ouest saint-louisien, précisément vers la mare Ndaymane au sud de la grande cuvette asséchée du Ndiaël, le 10 juillet 2016 avec Jean-Pierre et Etienne, nous avions pu admirer l'amorce d'une pompe rassemblant trois espèces afrotropicales locales, soit 80 vautours africains (Gyps africanus), vautours de Rüppell (Gyps r. rueppellii) et vautours oricous (Torgos t. tracheliotos) accompagnés par un marabout d'Afrique (Leptoptilos crumenifer). En France, mon record était de 65 vautours fauves, un 24 juin 2012 autour du Buclon (2072 m), site d'estive de l'espèce assez récent sur le massif du Bargy (Haute-Savoie). Au printemps de cette année en Espagne, fief du vautour fauve s'il en est, Jérémy Calvo et moi avons logiquement et quelquefois dépassé ces scores, en Aragon (Mallos de Riglos), Castille et Leon, Estrémadure (PN Monfragüe) mais il s'agissait là de colonies reproductrices, pas d'hivernants ni d'estivants. 


113 ! 
Au Sénégal, jamais vu 
autant de vautours fauves d'un seul tenant  



L'hiver précoce là-bas, en France mais aussi dans la moitié nord de l'Espagne (avec des températures anormalement basses et de conséquentes chutes de neige dès la première décade de novembre) pousserait-il les frileux charognards alors en plus grand nombre vers nos latitudes subsahariennes ? Possible... Il n'en demeure pas moins que d'année en année le séjour des vautours fauves européens au sud du Sahara se fait plus évident, plus remarqué; il s'intensifie et se propage même, tout doucement, vers d'autres contrées de l'Afrique occidentale. Des observations hors norme dans la région : lors d'un inventaire des rapaces du parc national de Mole (Mole NP, M. di Vittorio & F. Petrozzi 2011) dans le nord-ouest du Ghana, un adulte et un immature de Gyps fulvus y avaient été contactés en mai 2011, une première pour le pays et "probably the southernmost records for the species", les deux sujets volant systématiquement en compagnie de vautours africains et de vautours charognards. Semblable découverte avait été faite dans le Yankari NP, au Nigeria, en 2007 (Waldenström J. & Hellgren O.)En espérant que ces vautours-là n'avaient pas fini sur l'un de ces innombrables marchés de bush meat et grigris vulturins, dans un des plus infréquentables pays au monde pour la gent ailée.

La migration d'automne du vautour fauve par le détroit de Gibraltar ne concernerait guère plus de 5 000 individus, pour une écrasante majorité des juvéniles et immatures. Peu ou prou tous ibériques, l'Espagne hébergeant aujourd'hui 2 544 colonies, entre 31 000 et 37 000 paires (France, 1100 cc; Portugal, 500 cc), soit de 95 930 à 122 542 vautours. Via le Maroc, le Sahara occidental et la Mauritanie (dans une très moindre mesure le Mali) le flux serait assez côtier au regard des observations et reprises faites lors de la traversée saharienne : des vautours fauves sont régulièrement vus se reposant (assoiffés) sur la péninsule du Cap Blanc et dans le parc national du Banc d'Arguin, en Mauritanie. Et le Sénégal serait leur principale villégiature hivernale, celle-ci s'éternisant parfois jusqu'en juillet ! Comme jadis le pays l'était pour la cigogne blanche...

Ci-dessous :
vautours fauves et phacochère commun dans la steppe herbeuse du Grand Lac
Parc national des Oiseaux du Djoudj (PNOD) 2019 11 2 fin de matinée / @ Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

Ci-dessus :
pompe de vautours fauves à la verticale du Maroum Diassik
Bango, Djeuss rive droite 2019 11 18, 15h55 / @ Photo par Frédéric Bacuez

Le 18 novembre après-midi, sur les bords du Djeuss à Bango. Peu avant 16h et à la verticale du Maroum Diassik apparaît une colonne montante de ce que je prends, vue de loin, pour une énième élévation de pélicans blancs de la journée. Dans les jumelles aussitôt, par acquis de conscience : bingo à Bango, il s'agit (encore) de vautours fauves (Gyps fulvus fulvus) ! Il y en a à peu près 65, cette fois, et quand la formation décide de s'élancer haut par-dessus Bango, elle est accompagnée quelques instants durant par une cigogne noire (Ciconia nigra), un balbuzard pêcheur (Pandion h. haliaetus) et un busard (Circus sp.) Quinze minutes plus tard, le flot des migrateurs passé vers le sud, 2 vautours retardataires semblent prendre un vif plaisir dans les thermiques océaniques à voguer parmi les pélicans blancs (Pelecanus onocrotalus). Nous sommes ici à quatre ou cinq kilomètres à peine du trait côtier.


65 + 2 vautours fauves
par-dessus le Djeuss et Bango,
direction plein sud !


" Bientôt plus de vautours d'ailleurs que d'ici !

L'expansion des populations espagnoles - et françaises- de Vautours fauves augmente de fait leurs effectifs hivernant au sud du Sahara. Outre les quelques dizaines de Percnoptères d'Egypte qui préfèreraient les parties orientales et méridionales du Sénégal, les Vautours fauves sont, avec les Oricous autochtones, les nécrophages les plus imposants, et dominants, autour des carcasses. Chose devenue rarissime ailleurs en Afrique occidentale, on pourra, entre novembre et avril, observer ici sur une même bête morte, cinq à six espèces différentes de charognards - une à deux du Paléarctique (Gyps fulvusNeophron percnopterus), quatre d'Afrique tropicale (Gyps africanusGyps rueppelliTorgos tracheliotosNecrosyrtes monachus) ! Si quelques Vautours de Rüppell sont de plus en plus fréquemment observés au-dessus du Détroit de Gibraltar en direction de la péninsule ibérique (des oiseaux subsahariens sans doute à la recherche de territoires plus favorables ?), on a aussi observé ces dernières années au Sénégal dans la région de Kaolack, à quelques reprises en hiver, le Vautour moine (Aegypius monachus) d'Europe, où la population du plus rare des vautours de l'Ancien monde commence à se redresser. "

- In 'Le triangle des vautours', Ornithondar 2014 01 24

Deux billets d'Ornithondar :
Un Marabout et plus de 80 Vautours - oricou, africain, de Rüppell !, 2016 07 10
Vautours du Njaambur: le spectacle fait illusion, hélas il s'éteint à petit feu..., 2017 03 31


Ci-dessous :
vautours fauves en migration active N-S
par-dessus Bango 2019 11 18, 15h56 / @ Photo par Frédéric Bacuez

Commentaires

  1. Ces gros dindons me manquent un peu, je l'avoue. C'est un sacré spectacle de voir une curée s'envoler !

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    1. Beaucoup moins de ces volatiles en mer, c'est clair; ou dans le Finistère... Amitiés bangotines. Jérem' est sur le point d'arriver, on attend plus que toi (avant que Bram ne quitte définitivement, à son tour...)

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