En saison sèche, nos calaos à bec noir sont des immatures

 A Bango, deux calaos à bec noir immatures - à gauche le garçon, plus jeune que la fille à droite... 
2015 03 1 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Sahel. Bas-delta du Sénégal -

Sans eux, la brousse ne serait pas ce qu'elle est avant tout: un auditorium. Tous ceux qui ont fréquenté les latitudes soudaniennes associent à la chaleur et aux senteurs poussiéreuses de la saison sèche le roucoulement de toutes les tourterelles, la ritournelle monocorde, et monotone, de l'invisible barbion immanquablement au rendez-vous du zénith le plus torride, la crécelle croassante du francolin furtif. Dans les savanes plus sahéliennes, les oreilles sensibles retiendront le vibrato sifflé du martin-chasseur strié, dès le point du jour. Quant au mélancolique chant du tchagra - à nul autre pareil, mon préféré, on se dit que dame nature a bien du s'amuser en organisant son orchestre: à celui-ci le soprano cristallin, à celui-là le baryton hululé ! Voilà la grosse caisse, la flûte traversière et le violon; toi tu feras le Dhafer Youssef ('Birds requiem') et toi l'histrion d'une confrérie ndar ndar... Indissociables de l'ambiance, surtout, les vocalises crescendo des calaos qui finissent inévitablement en staccatos hystériques - tiens tiens, comme chez nos mystiques soufis !- quand les duos s'interpellent de loin en loin dans la brousse. Quant aux paysans, tous savent que la saison change dès lors que certaines espèces subsahariennes, dont les migrations inter tropicales sont bien visibles, passent dans un sens ou dans l'autre sous les regards informés, des zones guinéennes ou pré-guinéennes vers le Sahel et les marges soudano-sahéliennes, et vice versa: les guêpiers à gorge blanche piaillent haut dans le ciel en remontant avec les flux de mousson vers nos confins pré-sahariens (avril-mai); les calaos à bec noir en troupes lâches à quelques mètres au-dessus du sol refluent nonchalamment de leur vol papillonnant et glissé vers le sud avec le même front intertropical (octobre)...

Garderie sahélienne pour les calaos à bec noir immatures

Après la reproduction, qui s'étire de décembre à avril (en Afrique de l'ouest), les calaos à bec noir (tockus nasutus, african grey hornbill) de l'année, qui peuvent sortir du nid dès leur 20e jour, s'envolent pour une courte migration, soit en moyenne 500 à 1000 kilomètres de déplacement vers le nord et ses biomes soudano-sahéliens. Ces migrations partielles - nombre d'individus adultes restent dans leur aire de reproduction- dépendent en fait de la qualité des pluies au-delà du 15e parallèle et de l'émergence consécutive d'insectes: la densité d'acridiens (sauteriaux) est capitale pour attirer les troupes vagabondes de ces calaos, mais aussi de rolliers d'Abyssinie, et, dans l'hinterland, de busards des sauterelles, des grandes outardes et des bucorves, ou, plus à l'est encore, des cigognes d'Abdim. Les insectes ailés et les araignées forment 70 à 80% du régime alimentaire des calaos à bec noir, complété de grenouilles, de quelques petits rongeurs, et de fruits. A défaut, les calaos malins n’hésiteront pas à satisfaire leur faim à la mangeoire des jardins (cf. photos en haut et en bas de notule)... où ils viendront temporairement repousser bulbuls, tisserins et autres moineaux dorés pour ingurgiter leurs restes de tiep bou dien...

En saison sèche donc, en ce qui concerne le bas-delta du fleuve Sénégal, les petits groupes de calaos immatures stationnent de préférence dans les mangroves et dans les jardins arborés riverains des cours d'eau (cf. photo ci-dessous en bas). On peut les voir chasser sauterelles et libellules jusque dans la plaine alluvionnaire (cf. photo ci-dessous en haut) dont ils reviennent vite pour déguster leurs proies dans la profondeur des bosquets de palétuviers.

 Dans la plaine alluviale du Sénégal, calao à bec noir, femelle immature 
2015 03 7, 8h30 du matin / © Photo par Frédéric Bacuez


 Sur la berge du Lampsar 'doux', trois calaos à bec noir immatures 
2012 12 18 / © Photo par Frédéric Bacuez












































Les calaos à bec rouge sont sédentaires et territoriaux

A la différence de leurs erratiques cousins à bec noir, les calaos occidentaux (tockus kempi, western red-billed hornbill, race endémique d'Afrique de l'ouest récemment élevée au statut d'espèce) défendent vigoureusement un territoire contre toute intrusion... de leurs semblables ! Moins communs au Sahel qu'en zone soudanienne, ils n'en restent pas moins faciles à observer, dans toutes sortes de milieux légèrement arborés. Beaucoup moins exigeants que les calaos à bec noir, on les entendra glousser autant dans le Walo (basses terres) que dans le Dieri (hautes terres) de la vallée du fleuve Sénégal. A tous les coups par paire - ils sont monogames comme leurs cousins à bec noir. Et comme eux les mâles murent la cavité dans laquelle la femelle nidifie, incube, nourrit les oisillons éclos et mue avant sa libération, dans une quasi obscurité pendant près de trois mois: de l'intérieur de sa prison volontaire, elle ouvre une fente verticale quasiment imperceptible, afin de permettre au mâle d'apporter toute la nourriture nécessaire, En dehors de la saison de reproduction, les calaos à bec rouge vagabondent, parfois en bande nombreuse, d'arbre en arbre qu'ils utilisent comme affût pour scruter le moindre déplacement alentour, surtout au sol: les calaos à bec rouge sautillent à terre plus volontiers que leurs cousins à bec noir.


Ci-dessous: à g., calao à bec noir, femelle immature - à d., calao occidental, mâle 
2015 03 1 & 2 à Bango / © Photos par Frédéric Bacuez
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