6, en direct-live : les premières cigognes noires de la saison africaine

Ci-dessus :
cigognes noires - Ciconia nigra
Parc national de Monfragüe, Estrémadure, Espagne 2019 05 13 soir / @ Photo par Frédéric Bacuez


* Plaine de crue du fleuve Sénégal -

A 11h15 et à 13h35 ce 6 octobre 2019, d'abord une (1) puis quatre (4) cigognes noires (Ciconia nigra, Black Stork) arrivent du nord, et donc de Mauritanie, en altitude. Si la première passe assez rapidement, les suivantes semblent inspecter la plaine de crue d'en haut, prudemment méfiantes comme elles le sont de nature, se mettant à cercler puis à pomper avant de reprendre leur itinérance à ce moment escortée par trois (3) tantales ibis (Mycteria ibis, Yellow-billed Stork), des Ciconiidae afrotropicales, et harcelée pour l'une d'elles par un (1) milan à bec jaune (Milvus parasitus, Yellow-billed Kite). Tout juste entre mes dates extrêmes d'observations enregistrées sur ce même site : au plus tôt un 30 septembre (2009); au plus tard un 8 octobre (2011).
- Bonne arrivée aux Dames noires !

Ci-dessus : cigognes noires à la verticale du 'Canal de décharge', plaine alluviale du fleuve Sénégal 
2019 10 6, 13h36 / @ Photo par Frédéric Bacuez (détail)


Nota : la cigogne noire (Ciconia nigra) est le plus grand oiseau habitant nos forêts d'Europe. Au plus profond des bois. Discrètement; très discrètement. Avec de gros nids. Dans la péninsule ibérique, où l'Espagne est son principal bastion dans le Paléarctique occidental, l'échassier peut aussi établir son aire sur des pitons rocheux, des falaises. Dans le parc national de Monfragüe, l'un des plus célèbres sanctuaires sauvages du Vieux continent, nous avons affûté au printemps dernier devant une de ces aires en pleine ébullition reproductive, quelques mètres à l'aplomb du rio Tietar; le couple de cigognes noires était établi à moins de 80 m d'une aire de percnopères d'Egypte (Neophron percnopterus), également à la couvaison. L'une comme l'autre espèce sont réputées extrêmement sensibles au dérangement et souffrent évidemment de l'emprise humaine, sur tout, partout. Malgré l'engagement des protecteurs de la nature, et de réels progrès dans le redressement de leurs populations ouest-européennes. Il n'en reste pas moins que ces oiseaux timides, fragiles, peu abondants en Europe de l'ouest, ont à passer l'essentiel de leur vie au sud, en Afrique subsaharienne, sur leurs quartiers d'hiver ou de maturation sexuelle. Plus de 3000 cigognes noires soit l'essentiel des effectifs de l'Europe la plus occidentale franchissent le Détroit de Gibraltar pour gagner l'Afrique. Nos camarades Marocains se faisaient opportunément la remarque ces derniers jours, sur les réseaux sociaux, suite au stationnement de quelques unes des Grâces sur des gueltas du bas Draa, au seuil du Sahara et juste avant sa redoutable traversée : les ornithos en voient de plus en plus régulièrement survoler le royaume lors de la descente postnuptiale.

Le (grand) risque africain

Et ensuite ? C'est ici que les choses se gâtent*1. Tout juste au sortir de l'enfer saharien, ce sont les amoureux de la gâchette et de l'ennui qui font des cartons guerriers sur les cigognes, singulièrement dans la bande sahélienne frontalière de la Mauritanie et du Mali. Le Mali, n'en parlons pas, un tombeau pour tout ce qui vit ! Au Niger et au Nigeria, mêmes goûts mortifères et carnassiers insatiables. Dans le nord de la Côte d'Ivoire, pas plus de bienveillance avec l'oiseau-qui-se-mange-c'est-trop-bon-dèh ! Au Burkina Faso il y a quelques années, j'ai eu vent d'au moins un cas de braconnage de cigogne noire sur les lacs de Koubri, au sud de Ouagadougou. C'est pourtant dans ce dernier pays au début des années 90' du siècle passé, précisément à Nazinga (RGN), que l'intérêt (nassara !) pour les quartiers d'hiver de Ciconia nigra avait pris son envol, avec la découverte d'un hotspot, puis l'étude y compris par balises des cigognes du site sous la houlette de l'ami biologiste François Baillon. Quel n'avait été mon choc émotionnel quand j'ai vu pour la première fois quelques dizaines de ces échassiers au reposoir dans les arbres qui ceinturaient une sorte de boulis ! A cette occasion, un premier et vaste quartier d'hiver s'était dessiné de la Comoé ivoirienne aux confins du W (Burkina-Bénin-Niger). Plus à l'ouest, concomitamment ou presque, un second pole d'hivernage d'importance se confirmait dans la moyenne et la basse vallée du fleuve Sénégal, des deux cotés de la frontière naturelle. Dans le Ndiaël (RSAN) par exemple, il est admis qu'entre 5 et 20 cigognes noires hivernent ici en moyenne; nous y en avions dénombré 48 à 52 sujets le 30 décembre 2015, dont deux baguées*2. Du même sanctuaire, un record de 117 cigognes cerclant ensemble avait été rapporté de février 2006 (source African Bird Club). Les stationnements se prolongent évidemment plus au sud vers le Boundou, le Sine Saloum, la Gambie, la Casamance; certaines cigognes pourraient s'aventurer jusqu'en Guinée Bissau.

Fin programmée pour la plaine de crue

Comme si la mitraille ne suffisait pas, voilà qu'une nouvelle menace pèse lourdement sur la destinée africaine de la cigogne noire : la perte de certains et non des moindres de ses quartiers d'hiver. Pour ce qui est de la vallée du fleuve Sénégal, on peut le dire sans se tromper : non seulement la situation environnementale y va de mal en pis, mais la colonisation agricole bat son plein, celle des 'grands' puis désormais des 'petits', avec entre les deux pléthore d'aventureux margoulins en agro-farmers irresponsables, incompétents, cupides et surtout ravageurs - bien pire que des Queleas. Toute la vallée y compris sur sa périphérie (Trois-Marigots, rive orientale du lac de Guiers) et maintenant jusqu'au bord même du fleuve à l'aval du barrage de Diama est prise d'assaut par les fous furieux de la riziculture (et de la chimie), de la plus disciplinée (en apparence, ce sont les inspirateurs 'étrangers' des suivants, les 'locaux') à la plus désordonnée, avec comme corollaire le saccage/bricolage à défaut de destruction totale des plaines et cuvettes herbeuses de (dé)crue. Nous reviendrons bientôt sur les hérésies en cours. Pour témoigner de la mise à mort de cette malheureuse vallée. A la gloire du dieu Profit, vite fait; et parfois pour rien du tout - si si, ici c'est Sénégal, on l'a vu de nos propres yeux. Nous n'achèterons pas, de toute façon et plus vite que ces écocidaires ne le croient, de leur riz sale, de leurs productions pseudo certifiées X ou Y duperie. Pour vous aussi, c'est la fin programmée.

Ecouter :
La migration des cigognes noires, de l'Afrique de l'Ouest à l'Europe, ne connaît pas les frontières, avec Nicolas Gendre (LPO) in Radio France Internationale (RFI) 2012 09 25
Lire :
Protéger la cigogne noire, avec Paul Brossault (ONF) in Le Bien Public 2013 08 4
Ainsi que :
L’hivernage 2015-2016 des cigognes noires en Afrique de l’Ouest..., in Réseau national Cigogne noire - Office National des Forêts (ONF, France) & Ligue de Protection des Oiseaux (LPO, France), avec la petite contribution de l'Ornithondar*2
*Des 4 cigognes noires 'satellisées' là-bas, 3 sont mortes par ici !, in Ornithondar 2015 03 23

Ci-dessous :
à g., une cigone noire et trois tantales ibis, 13h35 - à d., la première cigogne noire, 11h15
plaine de crue du fleuve Sénégal 2019 10 6 / @ Photos par Frédéric Bacuez (détails)
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

Commentaires

  1. Merci de nous faire connaitre ces beaux oiseaux .

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  2. Avec plaisir. Merci de suivre Ornithondar depuis plusieurs années... Cordialement. F.

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