27, des Périophtalmes atlantiques dans la plaine alluviale

Periophtalmus barbarus/atlanticus dans la plaine alluviale du fleuve Sénégal
2012 12 27, 13h30 / @ Photo par Frédéric Bacuez

* Plaine alluviale du fleuve Sénégal -

MIDI-
Au zénith, à l'ombre précaire d'un Tamarix senegalensis au bord d'un marigot de la plaine alluviale, j'observe longuement deux périophtalmes qui se roulent avec entrain dans la vase puis l'eau claire. Ils jouent, se poursuivent, mais ils chassent aussi. Immobiles sur des îlots de boue au milieu de l'eau riveraine, parfois à moitié immergés entre deux jeunes tiges de roseaux, ils attendent patiemment le passage d'un arthropode mais se contenteront bien de tout insecte volant et même de graines flottantes de palétuviers. Ceux qu'on appelle communément Sauteurs de vase sont toujours une attraction qui vaut qu'on prenne un peu de temps pour les regarder - surtout quand le soleil assomme les vastes étendues alluviales. Au moindre mouvement de ma part, les poissons marcheurs filent à toutes nageoires vers l'un des trous d'entrée de leur complexe refuge sous la boue, fait de plusieurs salles, souvent à plus d'un mètre de profondeur. Et pour moi qui ai connu ici dans le delta quelques soucis d'enlisement pédestre, l'incroyable agilité des périophtalmes, en rien gênés par cette gadoue particulièrement collante, me laisse bien songeur...

Ci-dessus :
 Périophtalme atlantique à l'affût
2012 12 27 / @ Photo par Frédéric Bacuez

Nota : parfois appelé Gobie des mangroves, le Périophtalme atlantique (dit aussi Sauteur de vase, Periophtalmus barbarus, Atlantic Mudskipper) est le seul représentant en Atlantique d'une famille largement connue des océans Indien et Pacifique. Bien distribué du sud mauritanien à l'Angola dans les estuaires, de préférence en zones de mangroves, le Périophtalme atlantique est aussi connu du sud-ouest marocain.

Cet étrange animal est une bizarrerie de la nature qui en fait un trait d'union entre le monde des poissons et celui des batraciens :

  • ses deux nageoires pectorales font office de pattes : il 'marche', rampe, glisse, saute et bondit pour capturer certaines de ses proies au vol. A l'aide de toutes petites nageoires pelviennes comme des ventouses, il grimpe aux racines des palétuviers et peut même se retrouver à bonne hauteur des arbres... tel un caméléon.
  • à l'aide de ses yeux protubérants et périscopiques, il voit à 190°. Hors de l'eau, notre phénomène entend si parfaitement qu'il est capable de capter le vol d'une mouche, d'un brachythémis ou de tout agrion passant à proximité.
  • son système respiratoire est si perfectionné que notre poisson (?) est capable de rester hors de l'eau durant deux jours et demi. Non seulement il possède les attributs de la respiration branchyale typique des poissons, qui lui permettent de vivre comme un poisson dans l'eau - et dans la boue -, mais il est également doté de deux outils de respiration à l'air libre : pour se maintenir durablement hors du milieu aquatique, notre périophtalme emmagasine eau et oxygène dans ses bajoues (cf. photo en haut de notule) et respire à travers sa muqueuse bucco-pharyngée. Last but not least, différentes parties de son corps, de la tête à la queue, possèdent un système cutanée tellement élaboré, extrêmement humide et irrigué par une multitude de vaisseaux sanguins hyperactifs, que le périophtalme peut aussi respirer par ces capteurs à fleur de peau. Seul un assèchement rapide des bas-fonds de la plaine alluviale piège parfois le périophtalme et le condamne au dépérissement (cf. photos ci-dessous) si celui-ci ne connaît pas le chemin salvateur d'un marigot pérenne - à moins de deux jours et demi de marche (d'un sauteur de vase) !...

Ci-dessous : 
Périophtalme atlantique 'momifié' dans la plaine alluviale en cours d'assèchement saisonnier (2013 01 3)
Ci-après : 
deux Périophtalmes atlantiques au bord d'un marigot pérenne, dans la plaine alluviale du fleuve Sénégal (2012 12 27)
/ @ Photos par Frédéric Bacuez

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