15, le balbuzard Ceulan est mort dans les filets du Diawel
* Marigot de Diawel, 92 kilomètres au nord de Saint-Louis -
A 92 kilomètres au nord/nord-est de Saint-Louis, à l'ouest de la route nationale N2 Saint-Louis-Rosso.
8h45-17h10. En voiture puis à pied.
Participants: Moïse Guiré et Sidiki B. Ouedraogo, Xavier Dressler et Morgan Perez
Temps: relativement frais au matin; vent d'harmattan faible mais soutenu tout le jour, désséchant - avec particules de sable en suspension
Abstract/Résumé:
En rappel sur Ornithondar: Suivi satellitaire de Ceulan, jeune balbuzard gallois, au Sénégal
Lire/Read: Dyfiospreyproject.com/blog/Ceulan dead, a life to remember
Depuis plus de dix jours Ornithondar reçoit des informations alarmistes du Dyfi Osprey Project quant à la situation du jeune Ceulan, un balbuzard pêcheur (pandion haliaetus, osprey) né le 29 mai dernier au pays de Galles et arrivé au Sénégal le 15 septembre pour un long hivernage/estivage de deux années. Une expédition a donc été préparée cette semaine pour rejoindre le site des ultimes géolocalisations du rapace suivi par satellite. L'objectif d'aujourd'hui est d'en savoir plus sur le destin de Ceulan, de le retrouver, mort ou vif, blessé ou captif. Dans le cas, plus que probable, du décès de l'oiseau, il faut surtout tenter de récupérer le matériel satellitaire, les bagues et les restes de Ceulan afin de connaître, aussi, les causes d'une fin tragique. Dernière ambition de l'équipée: documenter l'opération (photos, films, interviews) afin de mieux cerner la zone fréquentée par le balbuzard et d'améliorer nos connaissances quant à l'environnement, géographique et surtout humain, des balbuzards migrateurs.
Dans la plaine rizicole du Diawel
A 83 kilomètres au nord de Saint-Louis, à quelques encablures du fleuve Sénégal et de la Mauritanie, au sud de Rhonk et de Rosso, il faut quitter la route nationale et sur près de 9 kilomètres jouer avec les pièges du terrain pour tenter d'accéder aux berges du Diawel et les dernières localisations satellitaires de Ceulan, toujours sur le même site, depuis le 2 décembre au matin. Dans la vaste plaine sablonneuse, les pistes à véhicules ou charrettes se confondent avec les parcours des bovidés qui vont et viennent entre la steppe et les points d'eau. Quelques huttes d'éleveurs sont au milieu de nulle part, dans le vent d'harmattan et le sable buissonnier, bientôt sous le cagnard. Puis, la terre devient boueuse et blanchâtre de sel. La saison des pluies a été miraculeuse, peut-être la meilleure jamais connue ici depuis plus de quarante ans ! Les casiers rizicoles à point pour la fauche n'attendent plus que les ouvriers agricoles itinérants. Des riziculteurs arpentent les diguettes, pour effrayer les nuées d'oiseaux granivores - dont les impitoyables quelea quelea que les avions lestés de pesticides arrosent sur leurs dortoirs de Mboundoum et de Diawel, chaque année en fin de saison pluvieuse. Les agriculteurs surveillent aussi, d'un mauvais oeil, les bergers et leur cheptel pléthorique aux faux-airs indolents, qu'on accuse de piétiner les céréales à la nuit tombée... Il nous faut contourner à notre tour les casiers vert jaune, pour nous élever sur la grande digue, ses enjambements, ses vannes et stations de pompage. Nous longeons alors un long canal d'irrigation qui court à travers la steppe, souvent bordé de taillis de tamarix senegalensis au milieu desquels se réfugient non seulement les travailleurs à bec rouge (quelea quelea) et les tisserins à tête noire (ploceus melanocephalus) du coin, mais aussi les fauvettes du nord, dont les immanquables passerinettes (sylvia cantillans). Partout, les milans noirs (milvus migrans migrans) dans le ciel bleu orangé, et la voltige des busards des roseaux (circus aeruginosus), au ras des champs, ou des busards cendrés (circus pygargus), au ras des steppes. Au loin, un circaète Jean-Le-Blanc (circaetus gallicus) inspecte le plat pays à la recherche de ses serpents préférés. Dans les rigoles humides des casiers, des chevaliers sylvains (tringa glareola) et guignettes (actitis hypoleucos), et dans les allées sablonneuses, à la fois d'européennes bergeronnettes printanières (motacilla flava) et d'africaines moinelettes à oreillons blancs (eremopterix leucotis).
Au bout du bout de la digue, Moïse et moi reconnaissons enfin les lieux que nous avions imaginés au travers des images satellitaires reçues ces dernières semaines. Deux groupements de maisons, la fin des casiers rizicoles, le sol poussiéreux parsemé de quelques buissons et de sachets plastique, et... un balbuzard pêcheur (pandion haliaetus) au sol, au repos mais prompt à l'envol - à 200 mètres à peine de l'ultime géolocalisation de Ceulan ! Nous en verrons un ou deux autres sur zone, dans la journée. On comprend vite pourquoi: la digue s'abaisse en chemin qui s'enfonce comme une trouée dans les amas de glaise aussi dure que du béton, à perte de vue telle une muraille. Juste derrière, du purgatoire au paradis: après le sable et la steppe, l'eau, les roselières, et des centaines de nénuphars courus par les jacanas à poitrine dorée (actophilornis africana), survolés par quelques guifettes noires (chlidonias niger) virevoltantes. Nous escaladons les blocs pour embrasser le panorama, avant d'ouvrir le sac de victuailles, dans la brèche, à quelques dizaines de mètres d'un hameau de pêcheurs, qui nous regardent à peine, occupés à la reprise de leurs filets de nylon.
Les reliques de Ceulan dans un hameau de pêcheurs
Quelques huttes de typhas perdues au beau milieu de la terre nue, de la même couleur brun jaunâtre - pas un arbre; le hameau est à l'orée du Diawel et de son petit pont de terre, coincé entre deux canaux collecteurs qui débouchent dans le marigot. Nous regardons encore une fois nos images satellitaires sur notre tablette, je vérifie les coordonnées sur mon GPS: de toute évidence, les géolocalisations statiques des dix derniers jours proviennent bien de ce campement ! Stratégies d'approche, discours à tenir, hypothèses de contact, pour le meilleur et pour le pire, notre équipe masculine se décide enfin à investir le camp !...
Quatre familles de pauvres pêcheurs habitent le hameau: elles sont réunies sous un apatame - c'est aussi pour elles, et leurs enfants, l'heure d'un repas. Salutations d'usage, courtoises; un homme se lève, souriant et vient à ma rencontre, me coupe vite la parole, me dit d'attendre, je le suis tout de même; il entre derrière un rideau dans une hutte, la sienne, et en ressort aussitôt avec l'attirail satellitaire au nom du célèbre défenseur écossais des balbuzards, Roy Dennis, et deux bagues (cf. photos en bas): l'immatriculation argentée 1118480 du BTO/Museum de Londres, et la carte d'identité bleue de Ceulan, 3C !... A la suite, un autre homme arrive, portant dans les mains deux ailes qu'il nous tend, l'air grave. Sans mots, nous nous étions tous compris, ces gens de peu nous attendaient, depuis ce 2 décembre 2012 quand l'un d'eux, Oumar Diallo (cf. photos en haut et ci-dessous) était parti relever ses filets dans le Diawel tout proche et en était revenu avec le corps inanimé de Ceulan: dans les mailles traîtresses, noyé ou peut-être mort de froid dans l'eau de la nuit sub-saharienne, la veille au soir, ce 1er décembre peu avant que notre balbuzard ne quitte les rives du marigot pour gagner son reposoir nocturne, au sol, souvent sur une bouse de vache, dans la steppe dégagée.
Ci-dessus:
à g., localisation de Ceulan dans le delta du fleuve Sénégal
à g., localisation de Ceulan dans le delta du fleuve Sénégal
- à d., le Diawel et notre cheminement dans la plaine rizicole pour atteindre le campement de pêche
Dans la plaine rizicole du Diawel
A 83 kilomètres au nord de Saint-Louis, à quelques encablures du fleuve Sénégal et de la Mauritanie, au sud de Rhonk et de Rosso, il faut quitter la route nationale et sur près de 9 kilomètres jouer avec les pièges du terrain pour tenter d'accéder aux berges du Diawel et les dernières localisations satellitaires de Ceulan, toujours sur le même site, depuis le 2 décembre au matin. Dans la vaste plaine sablonneuse, les pistes à véhicules ou charrettes se confondent avec les parcours des bovidés qui vont et viennent entre la steppe et les points d'eau. Quelques huttes d'éleveurs sont au milieu de nulle part, dans le vent d'harmattan et le sable buissonnier, bientôt sous le cagnard. Puis, la terre devient boueuse et blanchâtre de sel. La saison des pluies a été miraculeuse, peut-être la meilleure jamais connue ici depuis plus de quarante ans ! Les casiers rizicoles à point pour la fauche n'attendent plus que les ouvriers agricoles itinérants. Des riziculteurs arpentent les diguettes, pour effrayer les nuées d'oiseaux granivores - dont les impitoyables quelea quelea que les avions lestés de pesticides arrosent sur leurs dortoirs de Mboundoum et de Diawel, chaque année en fin de saison pluvieuse. Les agriculteurs surveillent aussi, d'un mauvais oeil, les bergers et leur cheptel pléthorique aux faux-airs indolents, qu'on accuse de piétiner les céréales à la nuit tombée... Il nous faut contourner à notre tour les casiers vert jaune, pour nous élever sur la grande digue, ses enjambements, ses vannes et stations de pompage. Nous longeons alors un long canal d'irrigation qui court à travers la steppe, souvent bordé de taillis de tamarix senegalensis au milieu desquels se réfugient non seulement les travailleurs à bec rouge (quelea quelea) et les tisserins à tête noire (ploceus melanocephalus) du coin, mais aussi les fauvettes du nord, dont les immanquables passerinettes (sylvia cantillans). Partout, les milans noirs (milvus migrans migrans) dans le ciel bleu orangé, et la voltige des busards des roseaux (circus aeruginosus), au ras des champs, ou des busards cendrés (circus pygargus), au ras des steppes. Au loin, un circaète Jean-Le-Blanc (circaetus gallicus) inspecte le plat pays à la recherche de ses serpents préférés. Dans les rigoles humides des casiers, des chevaliers sylvains (tringa glareola) et guignettes (actitis hypoleucos), et dans les allées sablonneuses, à la fois d'européennes bergeronnettes printanières (motacilla flava) et d'africaines moinelettes à oreillons blancs (eremopterix leucotis).
Au bout du bout de la digue, Moïse et moi reconnaissons enfin les lieux que nous avions imaginés au travers des images satellitaires reçues ces dernières semaines. Deux groupements de maisons, la fin des casiers rizicoles, le sol poussiéreux parsemé de quelques buissons et de sachets plastique, et... un balbuzard pêcheur (pandion haliaetus) au sol, au repos mais prompt à l'envol - à 200 mètres à peine de l'ultime géolocalisation de Ceulan ! Nous en verrons un ou deux autres sur zone, dans la journée. On comprend vite pourquoi: la digue s'abaisse en chemin qui s'enfonce comme une trouée dans les amas de glaise aussi dure que du béton, à perte de vue telle une muraille. Juste derrière, du purgatoire au paradis: après le sable et la steppe, l'eau, les roselières, et des centaines de nénuphars courus par les jacanas à poitrine dorée (actophilornis africana), survolés par quelques guifettes noires (chlidonias niger) virevoltantes. Nous escaladons les blocs pour embrasser le panorama, avant d'ouvrir le sac de victuailles, dans la brèche, à quelques dizaines de mètres d'un hameau de pêcheurs, qui nous regardent à peine, occupés à la reprise de leurs filets de nylon.
Ci-dessous:
en longeant le canal de la plaine rizicole, en direction du Diawel et du campement des pêcheurs
(cf. rectangle bleu photo de gauche)...
en longeant le canal de la plaine rizicole, en direction du Diawel et du campement des pêcheurs
(cf. rectangle bleu photo de gauche)...
2012 12 15 / © Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour les agrandir -
Ci-dessus, de g. à d.:
le Diawel et sa muraille d'argile sèche - le hameau des pêcheurs où les restes de Ceulan sont conservés
le Diawel et sa muraille d'argile sèche - le hameau des pêcheurs où les restes de Ceulan sont conservés
/ © Photos par Frédéric Bacuez et Moïse Guiré (en bas à d.)
Les reliques de Ceulan dans un hameau de pêcheurs
Quelques huttes de typhas perdues au beau milieu de la terre nue, de la même couleur brun jaunâtre - pas un arbre; le hameau est à l'orée du Diawel et de son petit pont de terre, coincé entre deux canaux collecteurs qui débouchent dans le marigot. Nous regardons encore une fois nos images satellitaires sur notre tablette, je vérifie les coordonnées sur mon GPS: de toute évidence, les géolocalisations statiques des dix derniers jours proviennent bien de ce campement ! Stratégies d'approche, discours à tenir, hypothèses de contact, pour le meilleur et pour le pire, notre équipe masculine se décide enfin à investir le camp !...
Quatre familles de pauvres pêcheurs habitent le hameau: elles sont réunies sous un apatame - c'est aussi pour elles, et leurs enfants, l'heure d'un repas. Salutations d'usage, courtoises; un homme se lève, souriant et vient à ma rencontre, me coupe vite la parole, me dit d'attendre, je le suis tout de même; il entre derrière un rideau dans une hutte, la sienne, et en ressort aussitôt avec l'attirail satellitaire au nom du célèbre défenseur écossais des balbuzards, Roy Dennis, et deux bagues (cf. photos en bas): l'immatriculation argentée 1118480 du BTO/Museum de Londres, et la carte d'identité bleue de Ceulan, 3C !... A la suite, un autre homme arrive, portant dans les mains deux ailes qu'il nous tend, l'air grave. Sans mots, nous nous étions tous compris, ces gens de peu nous attendaient, depuis ce 2 décembre 2012 quand l'un d'eux, Oumar Diallo (cf. photos en haut et ci-dessous) était parti relever ses filets dans le Diawel tout proche et en était revenu avec le corps inanimé de Ceulan: dans les mailles traîtresses, noyé ou peut-être mort de froid dans l'eau de la nuit sub-saharienne, la veille au soir, ce 1er décembre peu avant que notre balbuzard ne quitte les rives du marigot pour gagner son reposoir nocturne, au sol, souvent sur une bouse de vache, dans la steppe dégagée.
Ci-dessus: remise des restes de Ceulan par Oumar Diallo à Frédéric Bacuez, d'Ornithondar 2012 12 15 14h / © Photo par Moïse Guiré |
Xavier (cf. photo ci-dessus, à d.), qui parle correctement la langue wolof, s'entretient avec les pêcheurs et pose la question qui taraude:
- Ont-ils mangé Ceulan ?
- Non !, répondent-ils en coeur, affirmant qu'ils sont musulmans et qu'en Islam on ne mange pas un animal trouvé mort et/ou non sacrifié dans les rites ! Ils ont seulement gardé les ailes pour prouver que l'oiseau n'a pas été abattu délibérément pour la chair ou pour ses attributs satellitaires... Le corps, vite faisandé et racorni par les rigueurs sahéliennes a été jeté, seules les deux ailes ont été découpées pour les remettre à qui de droit... Sans même solliciter quelque retour en espèces sonnantes et trébuchantes pour cet acte citoyen - angoisse de Xavier et Morgan...-, on n'est pas au Nigeria ou au Cameroun, ici, ou à Saint-Louis, Dakar, la Petite Côte ! Frédéric demande aux un(e)s et aux autres s'ils connaissaient le balbuzard pêcheur, avant de l'avoir en mains: bizarrement, ils affirment qu'ils ne le connaissent pas. Tout bien réfléchi, cela ne m'étonne guère: partout en Afrique sub-saharienne la connaissance des oiseaux est des plus rudimentaires, y compris chez les chasseurs. En général, ceux-ci sont regroupés sous le même vocable dans de vastes familles généralistes; les rapaces n'échappent pas à l'ignorance des sciences, hormis quelques espèces phares, spectaculaires ou reconnues par la tradition, les légendes et les proverbes, comme l'"aigle pêcheur" (pygargue vocifère, haliaeetus vocifer). Je me souviens qu'au Burkina Faso, par exemple, tous les faucons, éperviers et milans s'appelaient "silga", en langue mooré. Tout occupés à leur survie et à une existence professionnelle précaire, nos pêcheurs n'ont ni la connaissance ni le temps pour différencier les espèces: qu'un balbuzard soit spécialisé dans le poisson et qu'un circaète le soit dans le serpent, c'est du pareil au même: le mangeur de serpents, d'ailleurs, ils le connaissent... pour le voir souvent voler, un reptile estourbi à moitié avalé dans le bec... comme ils voient sans doute des balbuzards - ainsi que les pygargues vocifères autochtones !- saisir des poissons dans les serres, c'est tout. Quant aux subtilités morphologiques entre busards, élanions, circaètes et balbuzards voire certaines espèces d'aigles (botté, ravisseur, de Bonelli), tout cela n'est pas d'un monde qui, même en ville, ignore avec superbe le savoir scientifique et prétend trouver toutes les réponses dans le Livre saint et ses ersatz...
Les filets, partout la grande faucheuse de balbuzards
Si les balbuzards pêcheurs doivent affronter en Afrique et en Europe, comme tous les grands oiseaux migrateurs, les aléas climatiques et la furia destructrice des Hommes, volontaire (la décharge de plombs !) et involontaire (les électrocutions et collisions diverses), c'est à sa spécialisation alimentaire qu'il doit malheureusement la première cause de sa mortalité ! Et si Ceulan est venu s'empêtrer dans de mauvaises mailles de nylon chinoises sur les bords du Diawel sénégalais, il aurait pu le faire tout autant chez lui, en Grande-Bretagne, ou ailleurs en Europe; en France par exemple*1, en mars 2009 pas moins de 5 balbuzards se sont pris dans les filets protecteurs d'un bassin piscicole du Bas-Rhin*2 ! Quatre en sont morts, un seul a pu être relâché. Plus récemment, un balbuzard écossais est mort dans les mêmes conditions sur les exploitations piscicoles du delta du Guadalquivir, en Espagne. En Afrique, entre autres exemples, un balbuzard d'Allemagne avait été retrouvé noyé en 2001 dans un filet dormant au milieu de quelques tilapias, à la Mare aux hippopotames de Bala, au nord de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. En février 2008, c'est au Cameroun qu'un balbuzard de Finlande était venu se noyer dans les filets, à 6402 kilomètres de son lieu de baguage ! En Israël, connu pour être l'un des rares havres paisibles pour les oiseaux migrateurs dans un Proche-Orient qui tire sur tout ce qui vole et passe, on a évalué à 10 000 les oiseaux qui y meurent annuellement, prisonniers des filets protecteurs des bassins piscicoles industriels. Parmi eux, combien de balbuzards ?
*1 En 2009, 14 cas connus de balbuzards morts en France: 4 dans des filets + 1 pendu dans un arbre avec un hameçon et filin enroulés autour du tibia / 4 par des tirs de fusils / 2 par électrocution + 1 par collision indéterminée / Et 2 pulli morts au nid en Forêt d'Orléans
Ceulan (29 05 - 1 12 2012), une vie brève sur le fil du rasoir*
A peiné éclos, le 29 mai 2012, Ceulan était déjà un miraculé, ultime survivant d'un trio de poussins nés au cours du pire printemps de tous les temps gallois ! Il avait fallu l'intervention in extremis d'Emyr Evans, du Dyfi Osprey Project (DOP) pour que l'oisillon ne périsse pas comme ses deux soeurs, détrempées par le déluge du siècle qui a dévasté le pays de Galles les 9 et 10 juin, quelques jours à peine après la naissance des balbuzards. Le rescapé s'était envolé pour la première fois à 53 jours et avait vite montré une forte résistance à l'été de mémoire de Gallois le plus pourri, aussi... Ceulan avait quitté les rives de la Dyfi pour sa première grande migration trans-saharienne le 3 septembre et en un temps record avait atteint le fleuve Sénégal le 15 septembre 2012. A l'exception d'un tour du lac de Guiers, Ceulan avait établi ses premiers quartiers d'automne à l'est de Rosso, partageant son temps de part et d'autre du grand fleuve, tantôt en Mauritanie tantôt au Sénégal. Entre le 5 et le 8 novembre, nouvelle alerte: Ceulan se déplace vers l'est et donne des sueurs froides aux techniciens qui suivent ses déplacements via Argos-GPS: pendant quelques heures, déjà, on le croit définitivement perdu, peut-être suite à une collision ou une électrocution dans les énormes pylônes à haute tension qui écrasent le plat pays de leur toute puissance; en fait, Ceulan avait simplement battu tous les records de repos et de stabilité, restant pendant sept heures perché au sommet de l'un de ses mastodontes métalliques et... ultra dangereux ! A la mi-novembre Ceulan avait quitté le fleuve Sénégal et gagné le marigot du Diawel, où le poisson en cette saison desséchante est facile à capturer. Ceulan concentrait son activité diurne sur la rivière et survolait régulièrement les étendues rizicoles de la cuvette de Rhonk, entre le fleuve Sénégal et le Diawel. Il semblait affectionner, par contre, la plaine plus sèche au sud du Diawel pour se reposer et passer la nuit, sur des terrains bien ouverts, histoire de ne pas être surpris par un chien errant ou un chacal doré (canis aureus). Malheureusement cette précaution n'y a rien fait, Ceulan est mort, noyé au coeur du Sahel, dans la soirée fatidique du 1er décembre 2012, à quelques dizaines de mètres d'un petit hameau de pêcheurs déshérités, dans les filets dormants. A quelques semaines d'un probable départ du jeune rapace vers d'autres points d'eau plus hospitaliers, après l'assèchement dès lors rapide du marigot et la fin d'une pêche saisonnière accidentellement mortelle pour bien d'oiseaux d'eau. En espérant que Ceulan n'a pas longuement agonisé et qu'en effet, l'oiseau était bel et bien mort quand le pêcheur Oumar Diallo l'a trouvé dans ses filets au matin du 2 décembre 2012...
Ci-dessus: Ceulan, à 38 jours, détrempé par les pires printemps et été de tous les temps gallois 2012 05 29 - 12 1, IN MEMORIAM / Courtesy © photo par Emyr Evans et le Dyfi Osprey Project |
Ceulan, 29 05 - 1 12 2012
/ © Photos par Emyr Evans, Frédéric Bacuez et Moïse Guiré
A life to remember...
Ceulan est mort, après Joe*1 et sans doute Leri*2, peut-être Einion*3; mort mais retrouvé, pour combien d'oiseaux migrateurs disparus chaque année, sans que l'on sache où et comment ?! Beaucoup en Afrique, c'est vrai, mais encore trop souvent aussi chez nous, en Europe, où la mort accidentelle y est encore plus fréquente qu'ici et où tuer volontairement des oiseaux, même protégés, n'est plus depuis longtemps une question de survie, un problème d'ignorance ou d'oisiveté juvénile. Et pourtant, dans la seule France la chronique des horreurs faites aux rapaces semble même reprendre du poil de la bête (sic): oisillons de busards piétinés avec acharnement au milieu des champs de céréales (Charentes); vautours torturés, la boîte crânienne enfoncée à coup de pieds (Pyrénées); tirs gratuits sur des aigles de Bonelli (Gard), etc... L'ami Ugo Mellone qui se consacre à la survie du circaète dans la botte italienne a vu l'un de ses protégés suivis par GPS abattu par un braconnier sicilien au-dessus du détroit de Messine, cet été... Partout, au choix, ou la misère, ou la bêtise...
Ce 15 décembre 2012, tandis que nous ramenions avec nous les restes de Ceulan, en marchant sur la digue vers notre véhicule garé au loin dans la steppe, un magnifique balbuzard illuminé par le soleil (cf. photo ci-dessous) quittait au-dessus de nos têtes un groupe cerclant de milans noirs et se dirigeait vers le Diawel... A 200 mètres du hameau des pêcheurs qui avaient consciencieusement gardé les reliques du jeune Ceulan, pour nous. La vie, plus forte que la mort ?
Lire, sur Ornithondar:
*1 http://ornithondar.blogspot.com/2011/12/13-ornithondar-retrouve-les-restes-de.html
*2 http://ornithondar.blogspot.com/2011/12/27-au-khant-2-mois-apres-la-disparition.html
*3 http://ornithondar.blogspot.com/2012/03/8-balbuzards-einion-le-frere-de-leri.html
et http://ornithondar.blogspot.com/2012/10/24-un-gars-de-greenpeace-en-quete-du.html
Mais aussi: http://ornithondar.blogspot.com/2012/09/23-suivi-satelllitaire-de-la-migration.html
Ce 15 décembre 2012, tandis que nous ramenions avec nous les restes de Ceulan, en marchant sur la digue vers notre véhicule garé au loin dans la steppe, un magnifique balbuzard illuminé par le soleil (cf. photo ci-dessous) quittait au-dessus de nos têtes un groupe cerclant de milans noirs et se dirigeait vers le Diawel... A 200 mètres du hameau des pêcheurs qui avaient consciencieusement gardé les reliques du jeune Ceulan, pour nous. La vie, plus forte que la mort ?
Lire, sur Ornithondar:
*1 http://ornithondar.blogspot.com/2011/12/13-ornithondar-retrouve-les-restes-de.html
*2 http://ornithondar.blogspot.com/2011/12/27-au-khant-2-mois-apres-la-disparition.html
*3 http://ornithondar.blogspot.com/2012/03/8-balbuzards-einion-le-frere-de-leri.html
et http://ornithondar.blogspot.com/2012/10/24-un-gars-de-greenpeace-en-quete-du.html
Mais aussi: http://ornithondar.blogspot.com/2012/09/23-suivi-satelllitaire-de-la-migration.html
Ci-dessous:
à 200 mètres des restes de Ceulan, un balbuzard pêcheur vole en direction du Diawel;
la vie, plus forte que la mort ?
à 200 mètres des restes de Ceulan, un balbuzard pêcheur vole en direction du Diawel;
la vie, plus forte que la mort ?
/ © Photo par Frédéric Bacuez
Frederic,I cannot thank you enough for your work to bring us this tragic news. How desperately sad that a bird that survived so much met such an unpleasant end.
RépondreSupprimerThis just shows how humans can have a bad effect, even if it is not intended.
(...)
Thank you for recovering the tracker and the rings, I know you have recovered one for Roy before so you know better than me how to switch it off and the best way to send it back to the UK.
Once again, we are extremely graceful to you and your friends for helping us.
Kindest regards. Janine.
Hi Frederic,
RépondreSupprimerFinally, we wanted to let you know that nobody here blame the fishermen at all - they need to eat just like everybody else. It is just a sad accident. Ospreys get caught in fishing line/nets all around the world including here in the UK. In fact, we feel better that he died this way and was not intentionally killed by shooting or trapping. We also feel better that the GPS tracker played no part in his death.
Thank you Frederic
Janine