6, chacal doré et mangouste ichneumon, par paire

2013 12 6, 8h30 dans la plaine de Biffeche, chacal doré sous les vols matinaux des travailleurs à bec rouge / Photo par Frédéric Bacuez

* Plaine alluviale du fleuve Sénégal. Tannes de Biffeche -

Ce matin, Ornithondar a la chance d'observer et de photographier dans d'assez bonnes conditions - quoique un peu distantes- deux mammifères caractéristiques des plaines et steppes du delta sénégalais: le chacal doré (canis aureus) et la mangouste ichneumon (herpestes ichneumon). Bizarrement, ces deux prédateurs opportunistes, quasi omnivores, typiques de l'espace soudano-sahélien sont aussi connus du Maghreb et de l'Europe méditerranéenne - balkanique pour le premier, ibérique pour la seconde...

MATIN, 8h30-

Deux chacals dorés (canis aureus, golden jackall) longent les tannes encore humides - et sur lesquelles les empreintes s'impriment aisément !- avant de s'enfoncer dans les herbiers. Pendant quelques minutes, les deux canidés tantôt trottinent tantôt observent l'horizon, hument l'air, inspectent et scrutent sans crainte les hommes qui les regardent... Le port altier, l'allure presque aérienne, ils se suivent à quelques mètres l'un de l'autre; l'animal de tête est à l'évidence le plus vigilant - le guide, le chef (cf. photo en haut de notule)... Malgré les dégradations environnementales de la plaine (ripisylve à gonakiers saccagée, braconnage, dérangements par les contrebandiers, renouveau rizicole, drainages divers), nous sommes réconfortés de voir que ce couple de chacals - réputé monogame et très fidèle- se maintient sur la zone, où Ornithondar le note régulièrement depuis plusieurs années, tout comme les singes patas (erythrocebus patas) et les mangoustes d'Egypte (herpestes ichneumoncf. ci-après): mais jusqu'à quand ?

Par défaut, l'ultime prédateur en haut de la chaîne alimentaire - après l'Homme...

Nota 1: le chacal doré était jusqu'à présent l'une des deux espèces de canis, avec le chacal à flancs rayés (canis adustus, side-striped jackal), que l'on pouvait rencontrer en Afrique occidentale. Si le second est un habitant typique des latitudes soudaniennes (en zone dite des savanes, bien que l'on puisse aussi le trouver - théoriquement- au Sahel, localement...), le chacal doré est le canidé des milieux ouverts et secs, voire arides: sahélien et même saharien, il fréquente une grande partie de l'Afrique du nord-ouest et le pourtour méditerranéen - où depuis les Balkans il est en expansion vers l'Europe centrale et occidentale*. Son régime varié (54% carné, 46% végétal et autres), sa discrétion, son opportunisme et ses facultés d'adaptation à tous les changements lui ont permis de maintenir ses effectifs partout où la chasse et l'empoisonnement ne finissent pas par exterminer l'ultime 'grand prédateur' (sic) encore vivant dans une région vidée de sa grande faune (cf. photo ci-dessous): c'est tout dire...

* Désormais installé en Autriche et Slovaquie, photographié dans le Trentin italien (2007) puis en Suisse (décembre 2011) - et bientôt en France ?

Héroïque 'prédateur' au Maroc... / Photo DR














Nota 2: depuis 2009, les recherches de Cécile Bloch dans la région du Djoudj et les progrès dans le séquençage ADN des espèces*1 permettent de penser qu'en lieu et place d'une seule race de canis, deux espèces différentes co-existent, ici dans le delta et ailleurs en Afrique (Sénégal-Mali, Maroc-Algérie, Egypte-Soudan)... depuis fort longtemps: le canis aureus, dont le nouveau nom français pourrait être chacal svelte du Sénégal; et le (re)nouveau canis lupus lupaster, le loup (gris) d'Afrique*2 - dont le célèbre et rarissime loup d'Ethiopie ne serait in fine qu'une variante locale. Cette découverte, qui a fait l'effet d'une bombe dans le landerneau naturaliste, (dé)montre en effet - en rappelant à Ornithondar*3 certaines de ses observations singulières...- que des canis 'jusqu'alors' aureus présentent ici et là des différences physiques, pas toujours évidentes mais parfois réelles: une queue plus épaisse et courte, un pelage plus touffu, un collier blanc plus prononcé, des moeurs plus farouches et solitaires. Ce qui ne semble pas le cas de nos deux canis du matin, trop sveltes en effet (cf. photo en haut de notule)... 


MATIN, 8h45 et 9h30-

2013 12 6, 9h35, mangouste ichneumon sur les tannes de la plaine de Biffeche / Photo par Frédéric Bacuez

Deux mangoustes ichneumon (d'Egypte, herpestes ichneumon, egyptian mongoose) traversent la digue là où les résurgences d'eau de la crue fluviale créent le marais le plus durable, avec des roselières et un bosquet assez touffus alentour. Plus tard, nous observons la même paire dans la steppe des tannes (cf. photo ci-dessus), longuement à découvert entre le marais du Maroum Diassik et la ripisylve de la même digue. Comme pour les chacals vus dans le même coin quelques minutes plus tôt, la mangouste qui marche devant s'arrête fréquemment pour se dresser sur ses deux pattes arrières et nous surveiller - ainsi que l'auraient fait les bien connus suricates d'Afrique australe...

Au Sénégal, plus chasseur d'oiseaux que de serpents...

Là aussi Ornithondar est heureux de retrouver ses mangoustes en 'bonne santé', comme chaque année depuis 2008. C'est toujours un vif plaisir que de les observer, toujours alertes, préoccupées, cherchant activement au sol et aux abords des mares en voie d'assèchement leur menu fretin fait d'oiseaux saisis au vol ou à l'affût, de rongeurs et d'arthropodes imprudents, de crabes en perdition, de poissons asphyxiés, de crapauds recuits, de couleuvres en errance... Néanmoins, si la mangouste est un omnivore au même titre que le chacal, son régime alimentaire diffère d'une région du monde à l'autre, en fonction des disponibilités, des saisons, et... du sexe de la mangouste. Au Portugal les mâles préfèrent leurs proies chez les mammifères (75%), et les femelles optent volontiers pour les reptiles (51%) [Rosalino et al., 2009]. Au Sénégal, ce sont les oiseaux qui font l'essentiel des repas de la mangouste ichneumon [Sillero-Zubiri et Marino, 1997], suivis par les reptiles, les invertébrés et les fruits sauvages. Qui, d'ailleurs, des chacals ou des mangoustes de ce périmètre ont tué quelques ardéidés, au cours de la saison sèche passée (2013 01 4), dans les hautes herbes derrière les mares de la ripisylve voisine ? (voir ICI sur Ornithondar)

Ornithondar ne sait pas quels sont réellement les rapports et intractions entre nos mangoustes et chacals de la plaine de Biffeche ? Il paraitrait que les chacals, comme les genettes (genetta genetta), feraient parfois desdites mangoustes leur casse-croûte... A voir... Ici, près de la digue et sa ripisylve marécageuse, cela fait plusieurs années que les deux prédateurs vivent côte à côte en symbiose... Il y a peut-être suffisamment d'oiseaux à déplumer et se mettre sous la dent !?

" La durée de vie moyenne en Espagne [des mangoustes ichneumon, ndlr.] est de 3% après deux ans. Seulement 6,3% des décès sont dûs à des causes naturelles (prédation) tandis que dans 69% des cas ils sont dûs, directement ou indirectement à l'Homme [Palomares & Delibes, 1992] "
- Leïla Kebbab, université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, Algérie

Ci-dessous: 2013 12 6, mangoustes ichneumon dans la plaine de Biffeche
/ Photo par Frédéric Bacuez

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