Khant-nord : enfin un Pipit à dos uni, sur un tumulus coquillier
* Marigot de Khant-nord : carrières de sable coquillier -
A 8h30 du matin, ce 3 décembre 2013, un Pipit à dos uni est en train de se nettoyer le plumage ébouriffé, à quelques mètres du duo d'Ornithondar occupé à compter ses canards de surface (voir ICI sur Ornithondar)... Sur un petit tertre de sables coquilliers, au seuil des carrières inondées, le passereau n'est pas effarouché par notre présence sur le monticule voisin. Serait-il un juvénile ? L'observation dure une dizaine de minutes avant que le Motacillidé ne s'envole vers d'autres tumulus, un peu plus loin.
Addendum 2023 04.
Nota 1 : Ornithondar est bien heureux de rencontrer le Pipit à dos uni (Anthus cleucophrys ssp. ansorgei, -Western- Plain-backed Pipit) dans cette région du Sénégal où il se fait fort discret, c'est le moins qu'on puisse dire. Nous sommes en lisière des carrières du Khant-nord, spot très favorable à son épanouissement ; l'oiseau semble affectionner les terrains qu'on dira bousculés (par la main de l'Homme), voire 'défoncés' puis abandonnés à leur résilience - on me comprendra. Aux abords de ces sablières du delta sénégalais et en lisière d'une dépression largement ouverte, pas loin de l'eau nécessaire à sa présence (d'où sa préférence pour les zones littorales, et son absence du Ferlo ?), le passereau est à son aise : partout des tumulus de vieux sables et de coquillages (patrimoniaux ?), parsemés d'herbes jaunes et basses. Je reste néanmoins surpris de son invisibilité dans le septentrion sénégalais : à l'exception des constatations de reproduction aux alentours de Richard-Toll rapportées par Morel & Morel (fin mai-juin, in Oiseaux de Sénégambie, Orstom ed. 1990, p. 108), seulement sept (7) mentions ont été récemment signalées de notre région sahélienne sur eBird, dont trois (3) du bas-delta exclusivement par Ornithondar (Trois-Marigots et plaine alluviale). Discrétion confirmée à l'échelle de tout le pays, y compris par Bram Piot et Paul Robinson dans la région dakaroise (novembre 2013) comme à l'extrémité sud de la Petite Côte (août), même si Paul assure que "this is not a rare species and not assumed to be localised in Senegal, but not one seen much here."* Moi je veux bien, mais les faits sont têtus, les contacts dans la durée demeurent très espacés, aléatoires, même avec une pression d'observation en augmentation, y compris en Gambie, fief du tourisme ornithologique ouest-africain. L'oiseau m'était presque plus familier durant mes années burkinabè. J'en avais un jusque dans le jardin de la maison, à Ouagadougou-Patte d'Oie ; et pas une broussarde moagga sans en contacter au moins un, bien que toujours solitaire et localisé, souvent au voisinage des digues de terres bordant boulis, retenues d'eau et autres innombrables petits 'barrages' du plateau mossi. Il est vrai que si l'on se fie aux données 'publiques' d'eBird, il n'y a pas ou quasiment pas de Pipit à dos uni (de la race zenkeri) au Burkina Faso, haha ! Voilà mises en évidence les limites de la 'participation' à caractère 'scientifique', il faut bien en convenir à travers cet exemple. C'est la pression d'observation qui décide de la fréquence de l'espèce : il est certain que cette 'pression' est autrement plus réduite dans 'le pays des Hommes intègres' que sur les terres de 'la Teranga' - il y fait plus durablement chaud qu'à Tambacounda, c'est dire, le Faso étant 3e mondial en moyenne des températures annuelles (chaudes) !-, c'est pauvre, pas particulièrement beau, 'ya pas la mer, et la plage, bref, faire du terrain ornitho' n'est pas à la portée du moindre 'touriste' tapeur de djembé, repentant et bienveillant, là-bas. Pourtant même au Sénégal, le Pipit à dos uni n'est régulièrement noté que de la péninsule du cap Vert et de ses Niayes (gloire au trio Bram-Miguel-Paul !), et encore, surtout pendant la saison humide et les mois qui la suivent soit jusqu'en fin décembre. Plus vers le sud, dans le Sine Saloum l'espèce se retrouverait autant en saison humide qu'en saison sèche mais là aussi avec force parcimonie. Idem pour l'enclave du nord-ouest, il y a été noté aussi au coeur de la saison sèche et peu avant la remontée du FIT, le Front Inter Tropical qui apporte la pluie. Surprise : une seule mention dans le sud-est, du parc national du Niokolo Koba, trois individus en mars... 1982. Les données d'INaturalist sont encore plus éclairantes : hors la basse Casamance, et la Gambie, pas une mention de l'oiseau pour le Sénégal, méridional, oriental ou septentrional. L'idée que le Pipit à dos uni pourrait être un oiseau... naturellement ou conjoncturellement rare est écartée d'un revers de la main par notre vénéré Cornell Lab of Ornithology, lequel envisagerait même une augmentation de ses effectifs, l'espèce (mais de quelle sous-espèce parle-t-on ?) bénéficiant de l'artificialisation et de l'anthropisation des habitats - d'où sa quasi absence des ultimes grands espaces savanicoles ; mouais. Et si notre passereau était tout simplement un timide qui passe aisément sous les radars pressés de l'observateur furtif, et dont la sous-espèce ansorgei serait localisée et du genre plutôt solitaire, ici et là sujette à un erratisme saisonnier ? Voilà une explication qui en vaut bien une autre, non ?! Préservons le mystère ; et ses interrogations.
* Lire et voir sur SenegalWildlife, 3 novembre 2013, par Paul Robinson ; et 26 août 2016, par Bram Piot
Référence :
Tyler, S. (2020). Plain-backed Pipit (Anthus leucophrys), version 1.0. In Birds of the World (J. del Hoyo, A. Elliott, J. Sargatal, D. A. Christie, and E. de Juana, Editors). Cornell Lab of Ornithology, Ithaca, NY, USA. https://doi.org/10.2173/bow.plbpip1.01
Nota 2 : attention à ne pas confondre le Pipit à dos uni avec un Pipit à long bec (Anthus similis). Ce dernier, dont la race asbenaicus fréquente(rait) le delta intérieur du fleuve Niger, au Mali, ainsi que certaines parties centrales du Niger voisin, est pour le coup une grande rareté régionale. Quelques données sporadiques provenant de notre Djoudj (PNOD) témoigneraient d'un nomadisme de l'oiseau vers l'ouest de son aire de distribution connue. A peine plus grand que son cousin à dos uni, ce pipit lui ressemble étrangement : heureusement au Sénégal la race ansorgei du Pipit à dos uni a le dessus gris foncé. Le manteau est, comme son nom l'indique, de couleur unie, très sommairement moucheté chez les juvéniles ; alors qu'il est plus tacheté chez le Pipit à long bec. Bien que l'étymologie grecque du Pipit à dos uni insiste sur son sourcil blanc, qui l'est d'ailleurs significativement chez la race ansorgei du Sénégal, bien plus que chez la zenkeri du Burkina Faso et autres pays d'Afrique occidentale, le Pipit à long bec possède aussi un sourcil clair très prononcé. Son long bec n'est en revanche pas plus long que celui de l'autre... Décidément, la taxonomie, c'est pas facile !
Ci-dessous et en haut de notule :
Pipit à dos uni dans les amas coquilliers du Khant-nord
2013 12 3, 8h30 du matin / @ Photos par Frédéric Bacuez
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