Avril-mai, les guifettes du pont Faidherbe

2015 05 3 9h50, les guifettes noires à l'aval du pont Faidherbe, Saint-Louis-du-Sénégal / © Photo par Frédéric Bacuez

* Île patrimoniale de Ndar. Du pont Faidherbe à Pointe nord -
MATIN et SOIR-

En avril et mai, des dizaines de guifettes noires (chlidonias niger, black tern) pêchent de part et d'autre du pont Faidherbe, marquant ici une pause dans leur remontée migratoire prénuptiale vers l'Europe. "Sans toutefois interrompre leur vol gracieux, elles virevoltent au ras de l'eau en groupes qui se rassemblent et se disloquent sans cesse, évoquant des hirondelles géantes."* Fin avril, quelques guifettes leucoptères (chlidonias leucopterus, white-winged tern) se mêlaient encore au ballet des guifettes noires, passant avec elles de l'amont vers l'aval du fleuve et vice versa, sous les arches métalliques du célèbre pont eiffélien. Le spectacle est si beau, à portée de mains, que certains passants ndar ndar s'arrêtent parfois pour contempler l'hystérie aviaire; et les petits talibés, accrochés aux rambardes de la passerelle, montrent le visage le plus émerveillé devant ces grâces intenables ! Certains des poulbots locaux tentent de mêler leur petite canne à pêche bricolée à la partie des guifettes pour, comme elles mais plus hypothétiquement, attraper quelque friture au fil de l'eau ...

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(pont Faidherbe et île patrimoniale)

Lire: La guifette noire, sur Migraction.net

2015 05 3 9h50, guifette noire en plumage nuptial, à l'aval du pont Faidherbe,
Saint-Louis-du-Sénégal / © Photo par Frédéric Bacuez

Nota 1: des trois espèces de guifettes hivernant au sud du Sahara (chlydonias hybrida, niger, leucopterus), la guifette noire est la plus commune, en particulier aux passages d'automne (plutôt maritime) et de printemps (avec de nombreuses haltes littorales). L'aire de répartition hivernale de cette guifette va de la Mauritanie méridionale à l'Afrique du sud, avec un bastion hivernal particulièrement dense sur le Golfe de Guinée. L'aire de nidification et de distribution estivale va du sud de l'Espagne au sud de la Scandinavie et, vers l'est, atteint la Mongolie centrale. Une sous-espèce américaine nichant au Canada et dans les États-Unis septentrionaux hiverne de l'Amérique centrale (en particulier au Mexique) à la Guyane française, coté atlantique, et jusqu'au sud du Pérou, coté Pacifique. Au Sénégal, on observera les plus gros contingents en septembre et octobre, singulièrement le long de la Grande Côte et au large du cap Vert où elle est alors "probablement la sterne la plus nombreuse"*: 29 309 individus en vol migratoire nord-sud ont été dénombrés au large de Dakar entre le 5 et le 28 octobre 2007, et 12 645 individus dans la seule journée du 12 octobre 1996*1 ! Dans notre bas-delta, si on peut l'observer sur le fleuve Sénégal jusqu'à Dagana et le lac de Guier, en passant par les marigots du Djoudj, c'est sur la côte et ses lagons immédiats que l'on aura le plus de chance d'observer des guifettes noires en nombre. Et c'est en particulier de la mi-avril à la première décade de mai que ces belles hirondelles de mer pourront être admirées, à quelques mètres, depuis le pont Faidherbe de Saint-Louis ! Avant que celles-ci ne continuent leur remontée prénuptiale, il y en aura de toutes les palettes de noir et de blanc - des adultes déjà complètement vêtus de leur plumage nuptial, des sujets en mue plus ou moins avancée, et beaucoup d'immatures et individus de 1er hiver: c'est magique comme un embrouillamini de Pollock (cf. ci-dessous) !




Hélas, la guifette noire souffre, en particulier à l'ouest de sa distribution estivale, de la raréfaction de ses sites de reproduction: le marais, cette chose inutile pour nos esprits utilitaristes et aseptisés... aujourd'hui "aménagé" en base de loisirs, en center park "au coeur de la nature", en plage continentale... Si chlidonias niger avait amorcé son reflux très tôt au cours du siècle passé, c'est un déclin modéré mais continu qui affecte encore et toujours les populations de la belle dame des marais: on vient d'apprendre que la population espagnole n'est désormais plus composée que de 16 couples, tous installés dans les marismas du parc national de Donana (Andalousie)*2. Plus grave, les importants effectifs d'Europe orientale, touchée par la boulimie dévastatrice que l'occidentale*3 a connue et continue de connaître, bien que plus insidieusement, a déjà un impact sur la vitalité des populations russes (50-100 000 couples), d'Ukraine (12-26 000 couples) et du Bélarus (6-22 000 couples), les trois principaux bastions de la guifette noire*4

*2 Chiffres 2011, in Ardeola, 'Noticiario ornitologico' 2014, SEO/BirdLife international 
*3 Effectifs français: 1963, 260-300 couples - 2000-2005, 190-400 couples (source: Migraction)
*4 Estimation des effectifs européens à la fin des années '90: 83 000 à 170 000 couples (source: BirdLife international)

Nota 2: la guifette leucoptère et la guifette moustac sont moins inféodées aux eaux maritimes que leur cousine noire. Aussi les observera-t-on plus aisément en hiver à l'intérieur des terres, dans toute la bande sahélienne. Dans le bas-delta du Sénégal, ce sont elles qui suivent inlassablement les navettes qui mènent leurs touristes au célèbre nichoir du marigot de Djoudj, dans le parc national du même nom. Pas du tout rare au Sénégal en hiver, la leucoptère est la plus petite des trois, légère comme une feuille dans le vent, et surtout une migratrice transversale (nord-est>sud-ouest et inversement): rare aux passages dans l'ouest européen, c'est un oiseau des lointains slaves et des grandes plaines marécageuses d'Europe centrale et orientale (avec la Pologne comme bastion). Quant à la moustac, la plus grande et la plus 'tempérée' des trois (du Portugal à l'Eurasie méridionale), elle est aussi la plus solitaire, la plus paisible: on la verra volontiers dans les Trois-Marigots - en particulier de part et d'autre de la digue de Tylla- et sur tout plan d'eau cerné d'une belle végétation riveraine - lac de Guier, par exemple*.

* Breaking news ! Dans le nord-ouest du Maroc, 146 couples nicheurs de guifettes moustacs viennent d'être recensés (5 mai 2015) sur la merja Oulad Sgher (plaines du Gharb)... La dernière nidification connue de l'espèce dans le royaume datait de 1999, sur la merja Oulad Bargha (idem) / In Go-South 2015 05 6


Différencier les espèces de guifettes... 
(quand elles ne sont pas en livrée hivernale...)
De g. à d.: Guifette noire - Guifette moustac - Guifette leucoptère / Courtesy Oiseaux-europe.com/



Vu, de mars à mai 2015:
  1. Pélican blanc (pelecanus onocrotalus, great white pelican), dont 50+ ind. stationnés sur le fleuve (aval du pont Faidherbe) [2015 03 20] + 15 et 4 ind. en vol du soir N>S (19h10, 2015 05 3] (Voir aussi: ICI sur Facebook)
  2. Pélican gris (pelecanus rufescens, pink-backed pelican), régulièrement 1 à 3 ind. à l'aval du pont Faidherbe, à marée basse
  3. Cormoran africain (phalacrocorax a. africanus, long-tailed cormorant)
  4. Grand cormoran à poitrine blanche (phalacrocorax carbo lucidus, white-breasted cormorant)
  5. Anhinga (roux) d'Afrique (anhinga rufa, african darter), 2 ind. qui semblent être des femelles, en vol N>S [19h10, 2015 05 3]
  6. Héron garde-bœuf (bubulcus i. ibis, cattle egret)
  7. Héron cendré (ardea cinerea, grey heron), sur les bancs de sable à marée basse
  8. Grande aigrette (egretta albagreat egret), dont 10 ind. reposant sur arbres riverains du fleuve, sur l'île (Flamingo) [2015 04 3]
  9. Ibis sacré (d'Egyptethreskiornis a. aethiopicus, sacred ibis), vol en formation de 22 ind. N>S à la verticale du fleuve [19h, 2015 05 3], acompagné par deux courlis 
  10. Milan parasite (à bec jaune, milvus m. parasitus, yellow-billed kite)
  11. Courlis corlieu (numenius p. phaeopus, whimbrel), 2 ind. accompagnant un vol N>S de vingt-deux ibis sacrés [19h, 2015 05 3]
  12. Goéland brun (larus fuscus ssp., lesser black-backed gull)
  13. Goéland railleur (larus genei, slender-billed gull), le plus abondant des laridés, pêche en nombre avec les guifettes
  14. Mouette à tête grise (larus cirrocephalus ssp. poiocephalus, grey-headed gull)
  15. Sterne royale (sterna maxima ssp. albididorsalis, royal tern), nombreuses passantes S>N [2015 03 20] + aussi nombreuses que les goélands railleurs [2015 04 23] mais aucune en mai [2015 05 3 & 5]
  16. Sterne naine (sterna albifrons ssp., little tern), ~40 ind. avec les guifettes et laridés divers [seulement le 2015 04 13], à l'amont du pont Faidherbe coté Sor
  17. Guifette noire (chlidonias n. niger, black tern), toujours entre 80 et 100+ ind. de part et d'autre du pont Faidherbe [avril & mai]
  18. Guifette leucoptère (chlidonias leucopterus, white-winged tern), avec les guifettes noires, mais en moindre quantité [fin avril], mais aucune en mai [2015 05 3 & 5]
  19. Tourterelle maillée (streptopelia s. senegalensis, laughing dove)
  20. Pigeon roussard (de Guinée, columba guinea, speckled pigeon)
  21. Martinet des maisons (apus affinis ssp. aerobates, little swift), l'oiseau de l'île patrimoniale - innombrables !
  22. Hirondelle rustique (hirundo rusticabarn swallow), dizaines de migratrices (adultes et immatures) stationnées près du pont Faidherbe, chassant au-dessus de  la place et du quai, coté continental (Sor) [2015 04 13 & 3, notamment]
  23. Hirondelle de rivage (riparia riparia, common sand martin)
  24. Bulbul des jardins (pycnonotus barbatus ssp. inornatus, common bulbul)
  25. Corbeau pie (corvus albus, pied crow), dont 7 ind. en vol bruyant à la verticale du pont Faidherbe amont [2015 05 5]
  26. Moineau domestique (passer domesticus ssp. indicus, house sparrow)
  27. Moineau doré (passer luteus, Sudan golden sparrow)
  28. Tisserin à tête noire (ploceus melanocephalus ssp. capitalis, black-headed weaver)
Entendu: 
Oedicnème du Sénégal (burhinus senegalensis, Senegal thick-knee), particulièrement volubiles à la nuit tombante [Sor et île patrimoniale]


Les guifettes du joli mois de mai
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

Ci-dessous: 2015 05 3 9h50 du matin à l'aval du pont Faidherbe, Saint-Louis-du-Sénégal...
Guifettes noires, immatures et adultes nuptiales - dont une blessée (cf. en bas de galerie au centre), et goélands railleurs à la curée
/ © Photos par Frédéric Bacuez







AUTRES:
  • Varan du Nil (varanus niloticus, Nile monitor), toujours au moins 1 ind. adulte - énorme !-  à l'entrée de son trou ouvert dans les soubassements de briques de l'île [entre le pont Faidherbe et le Flamingo]

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