18, Gorgebleue à miroir et Locustelle tachetée - des paludicoles dans le bas-delta sénégalais

Ci-dessus:
en haut, Gorgebleue à miroir blanc - Luscinia svecica ssp. cyanecula (9h40)
en bas, Locustelle tachetée - Locustella naevia ssp. naevia (9h59)
Marais de Toddé 2016 12 18 matin / © Photos par Frédéric Bacuez

* Marais de Toddé -
MATIN-

Une Gorgebleue à miroir blanc et une Locustelle tachetée !

Marcher lentement et sans bruit au plus près du marais. Parmi les nombreux passereaux dits paludicoles (cf. liste ci-après) qui alarment, montrent la tête une fraction de seconde avant de se faufiler et disparaître dans la végétation (massettes, carex, typhas), les afrotropicales Cisticoles des joncs du Nil (Cisticola marginatus ssp. amphilectus [amphilectus], Winding Cisticola) et les paléarctiques Phragmites des joncs (Acrocephalus schoenobaenusSedge Warbler) forment les bataillons (sic) les plus fournis. Viennent ensuite, à moins qu'elle ne soient encore plus fugaces que les autres, les Rousserolles effarvattes (Acrocephalus scirpaceus ssp., European/Mediterranean Reed-Warbler), qui s'échinent à ne pas perdre le contact sous les caquètements conquérants des Phragmites... Il faut dire que ces dernières sont les premières paludicoles du Paléarctique à aborder le Sénégal pour l'hiver, précédant d'un mois ("dès le 19 août", pour Morel et al.) les Rousserolles effarvattes - elles ont donc réquisitionné les meilleurs territoires, et le font bien savoir ! J'ai aussi le bonheur d'observer, aujourd'hui dans de relatives bonnes conditions, deux espèces particulièrement discrètes: un jeune mâle de 1er hiver de Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica ssp. cyaneculaWhite-spotted Bluethroath, cf. photos ci-dessous et en haut de notule) et une Locustelle tachetée (Locustella naevia ssp. naevia, Western/Common Grashopper-Warbler, cf. photos ci-dessous et en haut de notule), aussi intéressées par ma présence que je suis surexcité par leur précaire visibilité.

C'est probablement une année à paludicoles, au Sahel... Depuis la mi-novembre, nous apercevons au moins une Gorgebleue à miroir à chaque inspection du marais ! Gorgebleue et Locustelle sont, comme nombre de passereaux aquatiques, des espèces soumises "à des fluctuations souvent importantes d'une année à l'autre."

Deux espèces de Locustelles hivernent dans l'ouest-africain...

Théoriquement, la Locustelle tachetée est moins observable dans notre bas-delta que sa cousine la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides ssp. luscinioides). Selon Morel et Roux, qui ont été des premiers (1959-1961) à documenter la présence hivernale de ces paludicoles dans l'ouest africain, la Tachetée était supposée n'être que de passage, surtout lors de sa migration prénuptiale, avec des coches printanières du coté de Richard-Toll, "du 6 mars au 13 mai", mais "une seule donnée" pour la descente postnuptiale, un "9 octobre. L'hivernage reste à découvrir." Le stationnement hivernal de la Luscinioïde était en revanche déjà confirmée, avec des captures "du 11 décembre au 23 février" s'ajoutant à la première donnée du "17 mars 1961"... Notre observation (avec photographies, cf. ci-dessous et en haut de notule) de ce 18 décembre 2016 ne laisse aucun doute, dès lors que les conditions le permettent, quant au stationnement hivernal dans la vallée du fleuve Sénégal de la Locustelle tachetée, plus souple dans ses choix d'habitats que la Locustelle luscinioïde, cette dernière étant exclusivement inféodée aux roselières (y compris à Typha), même sur ses sites d'hivernage.

" L’extrême discrétion de l'espèce 
en fait l'un des plus énigmatiques des sylviidés européens. "

Des Gorgebleues à miroir, roux ou... blanc...

Il en a fallu, du temps, pour que l'hivernage de la Gorgebleue au sud du Sahara soit accepté par nos plus hautes vigilances scientifiques. Et ce, malgré les coches d'Heim de Balsac dès 1949 suivies de celles des Morel, Roux et consort pendant les quinze années qui suivent sa première mention documentée... C'est dire que l'oiseau, pourtant le plus coloré de tous les paludicoles, est aussi un petit cachottier, de ses atours, il est vrai moins somptueux que pendant la reproduction (cf. peinture ci-dessous), comme de ses mœurs hivernales. Deux sous-espèces du 'Rossignol suédois' hivernent au sud du Sahara dans la bande sahélo-soudanienne, de l'Atlantique à la Mer rouge: la race nordique svecica svecica dite à miroir roux est normalement la moins rare ("uncommon to locally fairly common Palearctic visitor, north Senegal mainly mid September-April", in Borrow-Demey, cf. peinture ci-dessous) tandis que la race ouest-européenne svecica cyanecula dite à miroir blanc, résidente de latitudes plus tempérées que sa parente scandinave, ne franchit le Sahara qu'à l'occasion de rigueurs hivernales plus prononcées qu'à l'accoutumée ("rare, in North Senegal", in Borrow-Demey). Je suis donc doublement chanceux, ce matin: d'abord de pouvoir observer une Gorgebleue perchée et attentive, avec quelques minutes pour la photographier, la suivre et la revoir une seconde fois, toujours aussi 'joueuse' avec mes nerfs; et de cocher un exemplaire d'une race réputée hivernante rare au sud du Sahara ! C'est d'ailleurs un mâle de première année civile (1ère AC), une explication à sa curiosité bienveillante; la peur de l'Homme ne tardera pas, il en ira de sa survie que de n'avoir aucune confiance en mon espèce mortifère ! A croire que la Gorgebleue à miroir blanc est moins craintive que sa cousine de Fennoscandie: depuis 2012, c'est la seconde fois que la Cyanecula daigne se montrer dans de bonnes conditions ! La dernière fois que j'ai eu le temps d'identifier la couleur du petit miroir sous le cou, c'était dans la plaine de crue du fleuve Sénégal, un sujet mâle adulte, un 2 décembre...

Des deux races de Gorgebleues à miroir 
- roux, Luscinia svecica svecica & blanc, svecica cyanecula  
qui peuvent hiverner au sud du Sahara,
la Gorge blanche d'Europe occidentale est la plus rare, ici
- c'est mon jour de chance: 
ce jeune mâle de 1ère année civile en est !

Gorgebleues à miroir roux, adultes
Aquarelle et gouache 21 x 23,5 cm, 1967 / Par Paul-André Robert (1901-1977)


Locustelle tachetéeLocustella naevia ssp. naevia
De la Haute-Savoie aux Trois-Marigots, 
du plateau de Samance (France) au marais de Toddé (Sénégal)

Ci-dessous:
à g., Locustelle tachetée sur le plateau de Samance (1550 m) 2013 08 30, 15h / © Photo par Frédéric Bacuez pour LPO-74
à d., Locustelle tachetée au marais de Toddé 2016 12 18, 10h / © Photo par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

Gorgebleue à miroir blanc - Luscinia svecica ssp. cyanecula, mâle de 1er hiver
Marais de Toddé 2016 12 18, 9h40 / © Photo par Frédéric Bacuez

Quatorze espèces et sous-espèces de passereaux paludicoles... 
- si ce n'est pas une raison pour sauver les marais bas-deltaïques !?

Pas moins de neuf (9) espèces et sous-espèces de passereaux paludicoles du Paléarctique peuvent hiverner au sud du Sahara, notamment dans la vallée du fleuve Sénégal ! Et cinq (5) espèces afrotropicales, auxquelles on peut adjoindre deux (2) passereaux utilisant aussi les roseaux, complètent cette impressionnante liste (cf. ci-après)... Le bas-delta à l'aval du lac de Guier est la région humide de SénéGambie voire de toute l'Afrique occidentale sahélo-soudanienne qui accueille le plus grand nombre d'espèces et sous-espèces de passereaux paludicoles ! Au premier rang desquels le plus rare des petits oiseaux d'Europe (Pologne, Bélarus, Ukraine, Lithuanie), la Phragmite aquatique (Acrocephalus paludica), dont les trois-quarts des effectifs hivernants ont été découverts à partir de 2007, pour le moment quasi exclusivement sur les marges du Djoudj (PNOD, Sénégal), ainsi qu'à quelques unités sur des tamourts de Mauritanie et des bourgoutières du Mali*.
La liste ci-après démontre à l'envi combien la basse vallée du fleuve Sénégal, tant du coté sénégalais que du bord mauritanien, est d'une importance cruciale pour la bonne santé des populations de ces oiseaux si particuliers, à l'avenir plus qu'aléatoire tant il est tributaire de la pérennité des marais et roselières qui peuvent les accueillir. Ici comme là-bas. Hélas, ici on adore les slogans et l'onirisme (Rire ICI ou Rire LA): les urbains soliloquent, séminarisent et perdiémisent, leurs "braves" "masses" toujours plus nombreuses continuent de vivre (ou survivre) en invétérées prédatrices de leur environnement, et les gros 'développeurs' Blancs ont commencé à s'installer sur les rives des marigots et des rivières pour pomper, pomper, pomper, arroser à douches ininterrompues leurs cultures d'exportation et rejeter où bon s'en vont leurs chimies agricoles... Comme l'écrit Bram Piot dans la dernière livraison de Senegal Wildlife: "Il n'y a qu'à se rendre dans le delta du Sénégal pour se rendre compte de ce désastre environnemental" en cours et à venir. Dans l'indifférence générale et le 'Y a qu'à' des bonnes âmes positivistes (ou cyniques). Pas de pitié: de tous les milieux naturels, le marais a toujours été, partout, le plus méprisé, considéré comme le plus "inutile", donc le plus détruit. Pourquoi cela changerait-il ? Les Hommes ont-ils évolué ? ça se vérifierait, sur le terrain... Encore faut-il y aller, sur le terrain...


Passereaux paludicoles, 
espèces et sous-espèces dans le bas-delta et la vallée du fleuve Sénégal:

  • Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica ssp. cyaneculaWhite-spotted Bluethroath)
  • Gorgebleue à miroir roux (Luscinia svecica ssp. svecica, Northern Bluethroat)
  • Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus, Sedge Warbler)
  • Phragmite aquatique (Acrocephalus paludica, Aquatic Warbler - Vulnerable/VU-Vulnérablesur la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées de disparition)
  • Rousserolle effarvatte 'des scirpes' (Acrocephalus scirpaceus ssp. scirpaceusEuropean Reed-Warbler)*
  • Rousserolle effarvatte 'ambiguë' (Acrocephalus scirpaceus ssp. ambiguus, 'mediterranean' Reed-Warbler)*
  • Rousserolle africaine (Acrocephalus - scirpaceus - baeticatus ssp. guiersi, -westernAfrican Reed-Warbler)
  • Rousserolle des cannes (Acrocephalus rufescens ssp. senegalensisGreater Swamp-Warbler)
  • Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus ssp. arundinaceusGreat Reed-Warbler)
  • Locustelle tachetée (Locustella naevia ssp. naevia, Common/Western/European Grass-Hopper Warbler)
  • Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides ssp. luscinioides, Western Savi's Warbler)
  • Cisticole roussâtre du Nil (Cisticola marginatus ssp. amphilectus [amphilectus], Winding Cisticola)
  • Cisticole des joncs du Nigeria (Cisticola juncidis ssp. uropygialis [uropygialis], Nigerian Fan-tailed Cisticola)
  • Prinia aquatique (Prinia fluviatilis, River Prinia)

  • Gobemouche des marais (Muscicapa aquatica ssp. aquatica, Swamp Alceonax/Flycatcher)
  • Tarier pâtre d'Afrique (Saxicola torquatus ssp. moptanus, -western- African Stonechat)

Lire:
Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica)in Migraction.net
Locustelle tachetée (Locustella naevia), in Cahiers d'habitat 'Oiseaux' - MEEDDAT-MNHN
* Sur Ornithondar:


Ci-dessous:
à g., Phragmite des joncs - Acrocephalus schoenobaenus - à d., Rousserolle effarvatte - Acrocephalus scirpaceus ssp.
Marais de Toddé 2016 12 18, 9h06 et 10h / © Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

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