Rousserolle effarvatte: y voir plus clair dans les sous-espèces, ça ne s'arrange pas, ha ha ha !

Rousserolle Scirpaceus de type Scirpaceus, Ambiguus ou Baeticatus Guiersi - that is the question ?
Marais de Toddé 2016 12 18, 10h / © Photo par Frédéric Bacuez

Officiellement et jusqu'à présent, notre bas-delta du Sénégal accueillait quatre espèces et sous-espèces de la Rousserolle (Acrocephalus sp. ssp., Reed/Swamp warbler sp. ssp., cf. ci-après), un passereau paludicole sans particularisme morphologique notable, de couleur fauve en effet - et c'est à peu près tout. Deux de ces Rousserolles sont des résidentes de l'Afrotropical (Acrocephalus rufescens senegalensisAcrocephalus - scirpaceus - baeticatus guiersi); deux sont des hivernantes venues du Paléarctique occidental (Acrocephalus scirpaceusAcrocephalus arundinaceusoctobre-avril/mai, cf. ci-après). Une cinquième espèce, la Rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris) est supposée être accidentelle au Sénégal (notée du Djoudj en janvier 1994, in Borrow & Demey). On précisera qu'au Sénégal deux sous-espèces de la Rousserolle africaine peuvent être rencontrées, l'une au nord, l'autre au sud: si la Guiersi est (très faiblement) documentée de la basse vallée du fleuve Sénégal et de la Mauritanie voisine, la Cinnamomeus est connue de quelques sites en Casamance (Sénégal) et en Gambie:

AUPARAVANT (dans le bas-delta):

  • Rousserolle des cannes (Acrocephalus rufescens ssp. senegalensis, Greater Swamp-Warbler)
  • Rousserolle africaine (Acrocephalus - scirpaceus - baeticatus ssp. guiersi, African Reed-Warbler)
  • Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus ssp. scirpaceus, European Reed-Warbler)
  • Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus ssp. arundinaceus, Great Reed-Warbler)

Une étude de 2016 menée par Urban Olson*2 et une équipe de sept chercheurs dont notre camarade Mohamed Amezian de MaghrebOrnitho a révélé qu'une sous-espèce d'Acrocephalus Scirpaceus intermédiaire entre l'européenne Scirpaceus et les ouest-africaines Guiersi (vallée du fleuve Sénégal et Mauritanie) et Cinnamomeus  (Casamance, Gambie et Afrique occidentale) avait été occultée depuis un siècle et demi - la science a parfois des trous de mémoire, elle-aussi... Précisément depuis 1857 quand Brehm avait décrit de la péninsule ibérique une Rousserolle effarvatte dite Ambiguus, qui n'était pas de la classique race Scirpaceus. Confirmation et donc résurrection en 2016 avec cette re-découverte du Maroc et d'Espagne au sud de la Catalogne (cf. carte ci-après) ! 

MAINTENANT (dans le bas-delta):

  • Rousserolle des cannes (Acrocephalus rufescens ssp. senegalensisGreater Swamp-Warbler)
  • Rousserolle africaine (Acrocephalus - scirpaceus - baeticatus ssp. guiersiAfrican Reed-Warbler)
  • Rousserolle effarvatte 'des scirpes' (Acrocephalus scirpaceus ssp. scirpaceusEuropean Reed-Warbler)
  • Rousserolle effarvatte 'ambiguë' (Acrocephalus scirpaceus ssp. ambiguus, 'mediterranean' Reed-Warbler)
  • Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus ssp. arundinaceusGreat Reed-Warbler)

Une re-découverte, et un nouvel hivernant ouest-africain 
- mais plus de difficultés encore pour les identifications de terrain !

Pas d’ambiguïté en revanche sur la répartition de cette nouvelle Effarvatte: aux printemps-été au Maroc et en Espagne, en automne-hiver au sud du Sahara ! Car, comme toutes les Rousserolles du Paléarctique, Acrocephalus -Scirpaceus- Ambiguus est derechef une migratrice qui vient passer ses hivers quelque part sous nos latitudes soudano-sahéliennes; on peut raisonnablement envisager qu'elle optera de préférence pour les mêmes sites que sa sœur ou cousine nominale Acrocephalus Sirpaceus Scirpaceus. Cette découverte et cette ribambelle de sous-espèces, c'est au demeurant bien joli mais ça nous complique le boulot, sur le terrain. La Rousserolle n'est pas le passereau le plus visible, le moins farouche, en effet. Ce n'est pas comme si, à l'instar de ses congénères du marais, elle ne passait pas le plus clair de son temps à se faufiler dans la végétation palustre et inextricable, hein !? Allez mesurer au coup d’œil la longueur des projections primaires au niveau du croupion, en quelques fractions de secondes lorsque la fauvette daigne, mue par la curiosité, se montrer pendant quelques instants ! Je veux bien qu'on me dise que la nouvelle promue est plus "small and intermediate between Scirpaceus and Baeticatus in morphology but similar to Scirpaceus in plumage"*1 mais allez gloser de ces subtilités devant un petit oiseau qui brille au soleil, ou devient plus sombre à l'ombre du fouillis végétal, remue des ailes de façon à ce qu'elles ne soient jamais à équidistance et bien disposées comme sur une planche à dessins pour savoir si celles-ci sont plus longues, moins longues ou... moyennement longues ?! A moins d'utiliser la mitraille comme aux bons vieux temps ou de tendre des filets dans tous les marais du bas-delta, il nous sera difficile de prouver que cette Rousserolle effarvatte est un passereau paludicole d'Europe occidentale, des pays riverains du détroit de Gibraltar ou une autochtone du lac de Guier et environs... A ce niveau-là, je m'incline et abandonne mes incertitudes aux spécialistes patentés (qui doutent) ou aux experts autoproclamés (qui ne doutent jamais). Bon courage - et bravo quand même aux chercheurs-qui-(re)trouvent !

Quizz: quelle effarvatte suis-je donc ? 
Et mon petit nom ? Mon surnom ?
Ci-dessous:
Rousserolle effarvatte sp. ou/et ssp. au bord du marais
Aire communautaire patrimoniale des Trois-Marigots, Toddé 2016 12 18, 10h / © Photos par Frédéric Bacuez


Lire:
in MaghrebOrnitho, Birding in Morocco and the Maghreb, 2016 12 12 


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