8, hautes eaux fluviales et pas d'estran: les Pluviers argentés et un Bécasseau maubèche blessé sont confinés dans la plaine
Bécasseau maubèche - Calidris canutus canutus, sujet juvénile blessé, claudicant 'Canal de décharge' 2016 12 8, 10h50 / © Photo par Frédéric Bacuez |
Un Bécasseau maubèche mais claudicant, sans doute condamné...
- une espèce partout en danger, a fortiori dans notre bas-delta chamboulé
Au bord du 'canal de décharge', un limicole solitaire arpente laborieusement le pourtour d'une flaque de débordement; c'est un (1) Bécasseau maubèche (Calidris c. canutus, Red Knot), un limicole inhabituel pour un endroit pareil (cf. photos en haut de notule et ci-après)... Il boîte fortement, gêné par une patte blessée. Lorsque l'oiseau fait un arrêt, incline de la tête (cf. photo ci-après à d.) pour surveiller le ciel et sa potentielle menace, il a des difficultés à se maintenir immobile sans chanceler... Vaille que vaille, il s'alimente comme il peut même si le site de gagnage me semble inapproprié pour y trouver riche pitance... Cette remarque, on le verra plus bas, est d'importance car elle est la raison de sa raréfaction et de son devenir très aléatoire ! De l'autre coté de la digue qui enserre le canal, des tannes accueillent aussi trente (30) Pluviers argentés (Pluvialis squatarola, Grey Plover), aux cotés desquels quelques Combattants variés (philomachus pugnax), Bécasseaux minutes (Calidris minuta), Grands gravelots (Charadrius hiaticula), Gravelots pâtres (Charadrius pecuarius) et un Chevalier sylvain (Tringa glareola). Sans oublier la présence exceptionnelle d'un visiteur nord-américain, un (1) Bécasseau rousset (Calidris subruficollis), mais ceci est une autre histoire (Lire ICI sur Ornithondar)... La présence des Pluviers argentés sur ces trous d'eau est aussi surprenante que celle des Bécasseaux maubèche et... rousset ! J'en ai trouvé, de ces Pluviers argentés en mal de vasières, un sur une tanne très saumâtre vers la plaine rizicole, et deux autres au moins sur des terres craquelées de la plaine de crue, à distance des berges fluviales (cf. photo plus bas à d.); et ils s'y maintenaient encore le 11 décembre - à ne plus rien y comprendre ! L'explication est pourtant simple: le fleuve est toujours à son étiage maximal, en ce 8 décembre, encore rouille de ses limons et majoritairement en eau douce; une situation hors norme qui a l'heur de perturber l'installation des limicoles hivernants, même si le bas-delta du Sénégal reste une halte plus qu'un séjour; et qu'en comparaison du Banc d'Arguin (Mauritanie), du Sine Saloum (Sénégal) et des immensités intertidales des Guinées (Bissau et Conakry), l'estuaire sénégalo-mauritanien n'est qu'un quartier d'hiver (très) marginal pour les limicoles paléarctiques, Djoudj et Diawling inclus - et cela ne va pas aller en s'améliorant, les Hommes s'y attellent, hélas...
Aucune exondation même réduite pour les Courlis corlieux (phaeopus numenius) et autres arpenteurs des vasières, en particulier les Bécasseaux maubèches et les Pluviers argentés qui dépendent, pour leur survie, de conséquentes zones de balancement des marées, riches d'une faune d'invertébrés benthiques (petits gastropodes, insectes aquatiques, vers de vase, œufs de crustacés) dont ils se nourrissent. En attendant de rejoindre le marnage fluvial, s'il le peut, le Bécasseau maubèche trouve peut-être ici quelques apports nutritifs grâce à la colonisation du récent canal - déjà !- par les Crabes violonistes (Uca tangeri): il y en a partout ! Une aubaine pour notre limicole, qui a un faible pour les œufs de brachyoures...
Nota 1: avec le Bécasseau sanderling (Calidris alba), le Bécasseau maubèche (Calidris c. canutus) était pourtant l'un des quelques limicoles à avoir momentanément bénéficié de l'ouverture de la brèche 'artificielle' dans la Langue de Barbarie, en octobre 2003*. Avec son percement irréfléchi à la demande expresse du fanfaron-en-chef de l'époque, Abdoulaye Wade, le fragile tombolo aujourd'hui scindé par quelque 5 kilomètres de béance tumultueuse, n'assure plus la protection du bas-delta sénégalais. Totalement bouleversée, en surface comme en profondeur, la vallée au sud de Dagana (le Walo) était déjà l'un des systèmes hydriques le plus chamboulé par l'Homme, au monde. Sans aucune compensation écologique à part le blabla et les slogans définitifs chers au pays - on est ici en pleine Réserve de Biosphère Transfrontalière, la RBT - tout un programme ! Sous nos cieux on adooooore les sigles, même virtuels, ça doit faire crédible ! Qu'elle est drolatique, celle-là aussi ! Endiguement du fleuve puis construction d'un barrage anti-sel à Diama dans la seconde moitié du XXe siècle; au XXIe siècle maintenant, canalisation de ses bras et affluents pour la riziculture, maintien et adoucissement permanent d'eaux jadis le plus souvent temporaires (tantôt saumâtres tantôt douces au gré des saisons), favorisant dès lors les métastases humaines sur toutes les berges aquatiques, au profit de l'anarchique maraîchage indigène (l'oignon), ou de l'impitoyable et industrielle exportation exogène vers les (in)délicats consommateurs européens qui exigent de la tomate et des butternuts en hiver (SCL, GDS).
Nota 2: afin d'étudier l'impact de la brèche sur l'avifaune, Patrick Triplet et Vincent Schricke*1 ont observé de plus près, dans les cinq années qui ont suivi la fatidique 2003, la situation des oiseaux d'eau habituellement présents en hiver dans le bas-delta, spécifiquement sur les lagons de Saint-Louis et du Gandiolais ainsi que dans le parc national de la Langue de Barbarie (PNLB). Le constat est sans appel: si les anatidés ont quasiment déserté cette zone, les ardéidés semblent avoir profité de la nouvelle donne tandis que toutes les espèces de limicoles ont été affectées, plus ou moins durablement, par l'ouverture calamiteuse dans le tombolo. A l'exception des (petits) effectifs du Bécasseau maubèche, dans un premier temps. Tandis qu'on constatait à partir des années 2012-2013 le retour progressif, mais laborieux, des espèces auparavant présentes sur le système lagunaire de l'embouchure, a contrario le Bécasseau maubèche voit ses effectifs s'effondrer. Même si sa présence plus régulière sur la rive droite du fleuve, donc en territoire mauritanien à l'amont de Thiong et jusqu'au Diawling, a été concomitamment renforcée.
" Hormis 354 oiseaux en 1994, les effectifs du Bécasseau maubèche étaient particulièrement bas avant la brèche. Entre 2005 et 2010, ils ont été significativement supérieurs à ceux des cinq années qui ont précédé l'ouverture de la brèche. On pourrait donc supposer un effet positif de celle-ci sur les possibilités pour cette espèce d'hiverner dans le delta. Cependant les effectifs se sont effondrés en 2011 et aucun oiseau n'a été observé de 2012 à 2014, laissant planer un doute sur cette hypothèse, à moins d'une modification récente du fonctionnement récent des écosystèmes lagunaires, qui pourrait expliquer qu'après avoir été favorable au Bécasseau maubèche, le site a perdu la possibilité d'accueillir des oiseaux en hivernage. "
- Patrick Triplet & Vincent Schricke, in Alauda 82 (3), 2014
Discussion: malgré l'intérêt de telle étude dans la durée, on peut cependant en relativiser les conclusions, d'autant qu'à la fin les effets négatifs de cette malheureuse brèche d'abord constatés sur les populations d'oiseaux (limicoles et anatidés) ont été atténués par un relatif rééquilibrage avec le retour des mêmes espèces in situ. Une seule date chaque année, le 15 janvier, pour extrapoler à partir de ce que l'on peut observer et dénombrer ? Et les éléments, les aléas météorologiques, on en fait quoi ? L'harmattan ou la tempête marine ? Et un dérangement de type entraînements militaires aériens - si si, ça existe !? Il suffit que ce jour-là les Bécasseaux maubèches soient un peu plus loin et hop ! Ils passent par pertes et profits ! En outre, quand on a eu accès aux comptages réalisés, dans des conditions pour le moins rocambolesques, par les agents et les écogardes (qu'importe leur épiderme !) du parc national de la Langue de Barbarie (PNLB), on est en droit de douter des seuls chiffres, peut-être erronés voire fantaisistes (cf. graphique ci-après des comptages de Calidris canutus au PNLB), pour en tirer des conclusions peut-être hâtives... localement. Pour l'avoir éprouvée personnellement, nous savons que la compétence des 'compteurs' est très très rudimentaire... Il est loin d'être acquis que tous les observateurs, souvent sans jumelles et pas tous très motivés, soient en capacité d'identifier un Gravelot à collier interrompu (vécu !) ou de différencier un Bécasseau variable d'un Bécasseau cocorli, de loin, peut-être même de près. Nous avons entraperçu des listes top secrètes - après coup on comprend pourquoi...- avec des noms d'oiseaux des plus farfelus dont on épargnera de leur joliesse puérile nos lecteurs, pour ne pas accabler nos hôtes qui font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont, pesanteurs culturelles y compris.
Aucune exondation même réduite pour les Courlis corlieux (phaeopus numenius) et autres arpenteurs des vasières, en particulier les Bécasseaux maubèches et les Pluviers argentés qui dépendent, pour leur survie, de conséquentes zones de balancement des marées, riches d'une faune d'invertébrés benthiques (petits gastropodes, insectes aquatiques, vers de vase, œufs de crustacés) dont ils se nourrissent. En attendant de rejoindre le marnage fluvial, s'il le peut, le Bécasseau maubèche trouve peut-être ici quelques apports nutritifs grâce à la colonisation du récent canal - déjà !- par les Crabes violonistes (Uca tangeri): il y en a partout ! Une aubaine pour notre limicole, qui a un faible pour les œufs de brachyoures...
Bécasseau maubèche - Calidris c. canutus, sujet juvénile blessé près du 'Canal de décharge' 2016 12 8, 10h44 / © Photo par Frédéric Bacuez |
Nota 1: avec le Bécasseau sanderling (Calidris alba), le Bécasseau maubèche (Calidris c. canutus) était pourtant l'un des quelques limicoles à avoir momentanément bénéficié de l'ouverture de la brèche 'artificielle' dans la Langue de Barbarie, en octobre 2003*. Avec son percement irréfléchi à la demande expresse du fanfaron-en-chef de l'époque, Abdoulaye Wade, le fragile tombolo aujourd'hui scindé par quelque 5 kilomètres de béance tumultueuse, n'assure plus la protection du bas-delta sénégalais. Totalement bouleversée, en surface comme en profondeur, la vallée au sud de Dagana (le Walo) était déjà l'un des systèmes hydriques le plus chamboulé par l'Homme, au monde. Sans aucune compensation écologique à part le blabla et les slogans définitifs chers au pays - on est ici en pleine Réserve de Biosphère Transfrontalière, la RBT - tout un programme ! Sous nos cieux on adooooore les sigles, même virtuels, ça doit faire crédible ! Qu'elle est drolatique, celle-là aussi ! Endiguement du fleuve puis construction d'un barrage anti-sel à Diama dans la seconde moitié du XXe siècle; au XXIe siècle maintenant, canalisation de ses bras et affluents pour la riziculture, maintien et adoucissement permanent d'eaux jadis le plus souvent temporaires (tantôt saumâtres tantôt douces au gré des saisons), favorisant dès lors les métastases humaines sur toutes les berges aquatiques, au profit de l'anarchique maraîchage indigène (l'oignon), ou de l'impitoyable et industrielle exportation exogène vers les (in)délicats consommateurs européens qui exigent de la tomate et des butternuts en hiver (SCL, GDS).
" Le delta du fleuve Sénégal joue un rôle mineur dans les stationnements hivernaux des limicoles
et les nouvelles conditions n'ont rien changé à cette situation (...) "
- Patrick Triplet & Pierre Yésou, 1998
" (...) ajoutant encore plus d'interrogations
dans le rôle à long terme du delta du fleuve Sénégal
pour de nombreuses espèces aviaires majoritairement migratrices. "
Nota 2: afin d'étudier l'impact de la brèche sur l'avifaune, Patrick Triplet et Vincent Schricke*1 ont observé de plus près, dans les cinq années qui ont suivi la fatidique 2003, la situation des oiseaux d'eau habituellement présents en hiver dans le bas-delta, spécifiquement sur les lagons de Saint-Louis et du Gandiolais ainsi que dans le parc national de la Langue de Barbarie (PNLB). Le constat est sans appel: si les anatidés ont quasiment déserté cette zone, les ardéidés semblent avoir profité de la nouvelle donne tandis que toutes les espèces de limicoles ont été affectées, plus ou moins durablement, par l'ouverture calamiteuse dans le tombolo. A l'exception des (petits) effectifs du Bécasseau maubèche, dans un premier temps. Tandis qu'on constatait à partir des années 2012-2013 le retour progressif, mais laborieux, des espèces auparavant présentes sur le système lagunaire de l'embouchure, a contrario le Bécasseau maubèche voit ses effectifs s'effondrer. Même si sa présence plus régulière sur la rive droite du fleuve, donc en territoire mauritanien à l'amont de Thiong et jusqu'au Diawling, a été concomitamment renforcée.
" Hormis 354 oiseaux en 1994, les effectifs du Bécasseau maubèche étaient particulièrement bas avant la brèche. Entre 2005 et 2010, ils ont été significativement supérieurs à ceux des cinq années qui ont précédé l'ouverture de la brèche. On pourrait donc supposer un effet positif de celle-ci sur les possibilités pour cette espèce d'hiverner dans le delta. Cependant les effectifs se sont effondrés en 2011 et aucun oiseau n'a été observé de 2012 à 2014, laissant planer un doute sur cette hypothèse, à moins d'une modification récente du fonctionnement récent des écosystèmes lagunaires, qui pourrait expliquer qu'après avoir été favorable au Bécasseau maubèche, le site a perdu la possibilité d'accueillir des oiseaux en hivernage. "
- Patrick Triplet & Vincent Schricke, in Alauda 82 (3), 2014
Discussion: malgré l'intérêt de telle étude dans la durée, on peut cependant en relativiser les conclusions, d'autant qu'à la fin les effets négatifs de cette malheureuse brèche d'abord constatés sur les populations d'oiseaux (limicoles et anatidés) ont été atténués par un relatif rééquilibrage avec le retour des mêmes espèces in situ. Une seule date chaque année, le 15 janvier, pour extrapoler à partir de ce que l'on peut observer et dénombrer ? Et les éléments, les aléas météorologiques, on en fait quoi ? L'harmattan ou la tempête marine ? Et un dérangement de type entraînements militaires aériens - si si, ça existe !? Il suffit que ce jour-là les Bécasseaux maubèches soient un peu plus loin et hop ! Ils passent par pertes et profits ! En outre, quand on a eu accès aux comptages réalisés, dans des conditions pour le moins rocambolesques, par les agents et les écogardes (qu'importe leur épiderme !) du parc national de la Langue de Barbarie (PNLB), on est en droit de douter des seuls chiffres, peut-être erronés voire fantaisistes (cf. graphique ci-après des comptages de Calidris canutus au PNLB), pour en tirer des conclusions peut-être hâtives... localement. Pour l'avoir éprouvée personnellement, nous savons que la compétence des 'compteurs' est très très rudimentaire... Il est loin d'être acquis que tous les observateurs, souvent sans jumelles et pas tous très motivés, soient en capacité d'identifier un Gravelot à collier interrompu (vécu !) ou de différencier un Bécasseau variable d'un Bécasseau cocorli, de loin, peut-être même de près. Nous avons entraperçu des listes top secrètes - après coup on comprend pourquoi...- avec des noms d'oiseaux des plus farfelus dont on épargnera de leur joliesse puérile nos lecteurs, pour ne pas accabler nos hôtes qui font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont, pesanteurs culturelles y compris.
Des Pluviers argentés décontenancés: où sont les vasières ?
Sur les flaques riveraines du Canal de décharge, il y a une troupe de trente (30) Pluviers argentés (Pluvialis squatarola), réunion pas si fréquente en hiver car ces limicoles sont dans leurs quartiers africains, plus encore que les Courlis corlieux (Phaeopus numenius), plutôt vindicatifs pour défendre leur bout de vasière ! Or il n'y a pas de vasières, en ce début d'hiver sénégalais, le fleuve est encore et anormalement trop haut: pas d'estran avec ses stocks alimentaires à protéger contre les intrus ! Faute de mieux, les Pluviers stationnent ici plus qu'ils ne cherchent à se nourrir, espérant peut-être une légère marée descendante pour pouvoir accéder à la zone de marnage, à quelques centaines de mètres de leur position de repli. Considéré comme hivernant en tout petit nombre et sur une étroite bande du bas-delta littoral (en gros à l'aval du Djoudj), le Pluvier argenté me paraît plus fréquent depuis peu, en tout cas dans la zone qui va de Thiong/Bango au barrage de Diama, sur environ vingt-cinq kilomètres du fleuve, sur ses deux rives: les conditions de stationnement alimentaire seraient-elles devenues, après la brèche de 2003, plus favorables dans cette partie peu courue par les ornithologues officiels ?... Comme le Bécasseau maubèche (cf. par ailleurs), le Pluvier argenté pousse en général plus loin vers le sud sa migration pour l'hiver tropicalisé: il devient plus commun dans le Sine Saloum et plus au sud encore, surtout d'octobre à avril.
Lire:
- Pluvier argenté (Pluvialis squatarola), in Migraction.net
Ci-dessous:
Pluviers argentés - Pluvialis squatarola, aux premiers rayons du soleil rasant dans la plaine de crue asséchée
et près du 'Canal de décharge' tandis que passe le Bou el Mogdad sur le fleuve Sénégal...
et près du 'Canal de décharge' tandis que passe le Bou el Mogdad sur le fleuve Sénégal...
2016 12 8, 11h13-14 / © Photos par Frédéric Bacuez
Ci-dessus:
Bécasseau maubèche - Calidris c. canutus, sujet solitaire et blessé...
Au bord du 'Canal de décharge', plaine de crue du fleuve Sénégal rive gauche
2016 12 8, 10h50-51 / © Photos par Frédéric Bacuez
Des Bécasseaux maubèches 15% plus malingres en 2015 qu'en 1985 !
Des six sous-espèces de Bécasseaux maubèches fréquentant les cinq continents, c'est Calidris canutus canutus qui visite en migration hivernale notre région littorale ouest-africaine (cf. cartes ci-dessous). Le plus grassouillet des limicoles nous arrive précisément de la péninsule de Taymyr, en Sibérie occidentale (Russie). Sa distribution hivernale va des estuaires méridionaux du Maroc à ceux de l'Afrique du sud, le bas-delta du fleuve Sénégal n'étant qu'une halte migratoire au seuil du Sahara, ou un quartier d'hiver secondaire entre les trois sites majeurs que sont le Banc d'Arguin mauritanien, le Sine Saloum sénénégalais et les estuaires de la Guinée-Bissau à la Guinée-Conakry. Probablement guère plus de quelques dizaines à quelques centaines de ces Bécasseaux passent leur hiver ici, en nombre très faible et surtout extrêmement fluctuant. C'est donc l'un de nos limicoles le moins commun, le moins fréquemment observé, dans le bas-delta sénégalais. De surcroît Inscrit depuis 2015 à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées d'extinction, dans la catégorie Neart Threatened/NT - Quasi menacé de disparition. Ce qui n'arrange pas en effet sa visibilité.
" The Canutus population decreased strongly in the short- and long-term (2003-2014 and 1979-2014, respectively) "
- in Van Roomen et al., 2014
A peine croyable, c'est dire l'affaiblissement de toutes les vies sur notre planète souffreteuse, la cause de ce déclin tel un "crash" (Dr. van Gils dixit) en est premièrement la raréfaction de ses sites et stocks alimentaires, imputable aux bouleversements du changement climatique ! En Mauritanie, une équipe scientifique emmenée par le Dr. van Gils*2 a pu constater que certains Bécasseaux maubèches, faute de pouvoir atteindre avec leur bec les petits gastropodes sous la vase en étaient réduits à arracher des racines d'herbes marines pour se nourrir ! Incroyable mais vrai ! Et savez-vous pourquoi ? Faute de nourriture adéquate sur plusieurs générations, les Maubèches ont perdu du poids, de leur taille et même de la longueur de leur bec. Les petits mollusques ne le savent pas, c'est ça le problème ! Les Bécasseaux maubèches d'aujourd'hui sont 15% plus réduits en taille que leurs ancêtres de... 1985 ! Les spécialistes envisagent très sérieusement l'extinction de l'oiseau à brève échéance... Mort de faim.
" I foresee some sort of crash "
- CONSÉQUENCES DE L'OUVERTURE D'UNE BRÈCHE SUR L'AVIFAUNE AQUATIQUE DES LAGUNES DE SAINT-LOUIS (SÉNÉGAL),
par Patrick Triplet (OMPO/Syndicat mixte Baie de Somme, Abbeville-France) et Vincent Schricke (ONCFS, Nantes-France), in Alauda n°82(3), p. 215-219 (2014)
*2
- Body shrinkage due to Arctic warming reduces red knot fitness in tropical wintering range,
par Jan van Gils et al., in Science Vol. 352 Issue 6287 p. 819-821 (mai 2016)
Et: Climate Change and the Case of the Shrinking Red Knots,
par Carl Zimmer, in The New-York Times (mai 2016)
- Calidris canutus, in the IUCN Red List of Threatened Species (2016)
En complément:
- Évolution de quelques espèces d’oiseaux d’eau dans le delta du fleuve Sénégal – Période 1989-2010,
par Patrik Triplet (OMPO/Oiseaux migrateurs du Paléarctique occidental, Paris-France), Maurice Benmergui et Vincent Schricke (ONCFS CNERA Avifaune migratrice, Nantes/Brieux-France, in Faune sauvage n°289 (2010)
- Controlling the flood in the Senegal Delta: Do waterfowl populations adapt to their new environment ?,
par Patrick Triplet (OMPO/Syndicat mixte Baie de Somme, Abbeville-France) et Pierre Yésou (ONCFS, Nantes-France), in Ostrich - Journal of African Ornithology n°71(1) p. 106-111 (2000)
- The likely impact of sea level rise on waders (Charadrii) wintering on estuaries,
par Mark Rehfisch et Graham E. Austin, in Journal for Nature Conservation n°11, p.43-56 (2003), British Trust for Ornithology (BTO, UK)
Ci-dessous:
l'étude du Dr. van Gils et al. dans Science, mai 2016
Bécasseau sanderling et Bécasseau maubèche, plage de Cotonou, Bénin / Courtesy © photo par Bruno Portier, 2012
Distribution et routes migratoires des six sous-espèces de Bécasseau maubèche
Comptage de Calidris canutus canutus, par 'parc national de la Langue de Barbarie' (PNLB) 2000-2016
Comptage de Calidris canutus canutus, bas-delta du Sénégal, par Patrick Triplet et al., 1999-2010
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