30, un Aigle de Bonelli hiverne à Toddé, waouh !

  Un Aigle de Bonelli immature, rarissime hivernant dans le nord du Sénégal !
Zone de Toddé 2011 10 30, 15h / © Photo par Rozenn Le Roux pour Ornithondar

* Entre Toddé et Mengueye, zone amodiée des Trois-Marigots -

APREM'-
C'est en recherchant le balbuzard pêcheur Leri, née cet été au Pays de Galles et suivie par GPS dans sa première migration vers nos latitudes, que j'ai l'insigne honneur d'observer sur site un Aigle de Bonelli (Aquila f. fasciata, Bonelli's Eagle) juvénile - peut-être de 1er hiver, le plumage n'est même pas encore usé !-, le plus menacé des rapaces de France, et en déclin rapide partout sur son aire de répartition 'de type méditerranéen', du Portugal à l'ouest, à la Chine méridionale à l'est. La présence hivernale de l'aigle de Bonelli est exceptionnellement rapportée au sud du Sahara, et jusqu'alors exclusivement du littoral mauritanien. Depuis quelques années cependant, quelques observations fugaces d'aigle(s) de Bonelli avaient été notées de la zone de... Bango, dans le delta du fleuve Sénégal et mentionnées par l'African Bird Club*. Pour ma part, c'était l'an passé*, bien qu'à distance, j'avais pu identifier sa silhouette de profil - caractéristique !- , du coté de Mboubeune, un peu au nord de la région des Trois-Marigots.

Nota : en sachant que les adultes sexuellement matures se reproduisent sur le pourtour méditerranéen de mi-octobre (parades nuptiales) à début avril (fin de nidification), toute observation d'Aigle de Bonelli dans le bas-delta du fleuve Sénégal ne peut être que celle d'un sujet juvénile/immature/subadulte, non reproducteur. L'hivernage de quelques aigles sous nos cieux est en réalité de l'erratisme, également documenté de la Crau et de la Camargue françaises, d'Espagne, et du Maroc.

Observations et photographies éventuelles dans la vallée du Sénégal peuvent être soumises à Ornithondar, Senegalwildlife,  l'African Bird Club et au Programme français de protection de l'Aigle de Bonelli (cf. site web en bas de notule). Merci. 

* 2004 01 26.

Ci-dessus et dessous: 
un Aigle de Bonelli survole le 'lac' et les marais de Toddé
2011 10 30, 14h45 / © Photos par Rozenn Le Roux pour Ornithondar



De 13h à 15h, nous observons l'aigle juvénile en train de survoler les mares saisonnières, au creux des deux cordons dunaires boisés, d'un coté d'acacias et Prosopis en bon état, et de l'autre de formations à euphorbes (Euphorbia basalmifera). Les marais sont parsemés d'herbiers plus ou moins denses ; un site suffisamment hospitalier, en cette période post-mousson, pour accueillir de beaux effectifs d'ardéidés - dont un Blongios nain (Ixobrychus minutus ssp.) !- et quelques farouches Cigognes noires (Ciconia nigra) - jusqu'à 7 ind. le 2011 11 3. L'écoulement souterrain des eaux drainées de la mousson finit par former au creux des dunes un vaste lac peu profond, peut-être alimenté, aussi, par le débordement des eaux de la rivière N'Galam toute proche. Nous découvrons deux cadavres de Héron cendré (Ardea cinerea, Grey Heron), dont un individu tout juste tué, à la tête, ensanglantée. En altitude, l'Aigle de Bonelli survole l'ardéidé gisant dans les sables, entre lagon et marais. Il se met soudainement à descendre en vrille et par paliers, ailes repliées, pour se poser au sol à quelques mètres de la dépouille. Est-ce lui qui a tué le Héron cendré ? Ou est-ce un Pygargue vocifère - Haliaeetus vocifer, dont nous entendons les cris alentour, sans le repérer ce jour, nous le verrons le 3 novembre-, qui a la réputation d'avoir un faible pour les Hérons cendrés et les flamants, quand il est rassasié de poissons ?... Sur mon bout de marigot du Djeuss, j'ai eu l'occasion de voir les 'aigles pêcheurs' fondre sur les regroupements des hérons stationnés sur les vasières et mangroves de Thiolet ! Si l'Aigle de Bonelli se nourrit à 50% de lapins/lièvres et d'écureuils sur ses sites de reproduction, le reste de l'année il est plus opportuniste : pigeons, corvidés, laridés et même des passereaux font alors 80% de son régime alimentaire, complété de lézards et autres reptiles. Avec l'Aigle ravisseurAquila rapax, résident dans notre région-, l'Aigle de Bonelli est dans le bas-delta du fleuve Sénégal le super prédateur du ciel ! Car bien que plus petit que d'autres aigles (au nord du Sahara : l'Aigle royal, Aquila chrysaetos ; au sud du Sahara: l'Aigle martial, Polemaetus bellicosus), l'Aigle de Bonelli possède des serres presque aussi imposantes... Agile, rapide, efficace, notre aigle du jour plane avec légèreté, et peut chasser au ras du sol en poursuite comme les grands aigles mais aussi en piqué comme un Faucon pèlerin (Falco peregrinus). Pas étonnant que les Perses et les Assyriens en aient fait jadis un symbole de puissance - et de victoire, le représentant ailes déployées au-dessus de leurs étendards. Les Romains avaient, quant à eux, fait de l'Aigle de Bonelli l'oiseau de Jupiter, messager des dieux.

Ci-dessous: 
deux cadavres de Hérons cendrés, probablement tués par un Aigle de Bonelli ou un Pygargue vocifère
Zone de Toddé, avec Cheikh Aïdara 2011 10 30 / © Photos par Rozenn Le Roux pour Ornithondar


Les temps ont bien changé. Les persécutions, les empoisonnements, puis les coups de feu gratuits, les dérangements multiformes sur ses sites de nidification (escalade, parapente), le grignotage des forêts méditerranéennes par les lotissements et l'habitat humain 'individualisé', la 'fermeture' faute d'usage des garrigues et maquis - ses terrains de chasse-, et in fine la  raréfaction de ses proies ont fait décliné l'Aigle de Bonelli, partout mais avant tout sur le rivage de Mare Nostrum :  estimés à 20 000 oiseaux dans le monde, les effectifs de l'Aigle de Bonelli sont aujourd'hui d'un millier de couples en Europe (750 couples en Espagne, 110 c. au Portugal, 120 c. en Grèce, 40 c. à Chypre). En France, les populations que l'on croyait stabilisées dans les années 80' de l'autre siècle (40 à 50 couples) ont continué de s'affaisser, lentement mais sûrement jusqu'en 2004, avec seulement 23 couples. Les efforts déployés pour stopper l'hémorragie semblent depuis vouloir inverser la courbe : 29 couples reproducteurs de 2006 à 2009, 30 couples reproducteurs en 2010 avec 33 poussins, 31 couples en 2011 avec 27 poussins*, et une présence sur sept départements du sud-est de l'hexagone.

* En 2010, l'ami Thibault d'Arles (http://www.thibaultgermain.com/) m'avait signalé la mort d'aigles dans sa région, entre Sainte-Victoire et Crau, haut-lieu de vagabondage des juvéniles aquilins... et des hordes de chasseurs-du-dimanche...
Voir: www.aigledebonelli.fr

Ci-dessous: 
Aigle de Bonelli près du lagon de Toddé
2011 10 30 aprem' / © Photos par Rozenn Le Roux pour Ornithondar

Commentaires

  1. Bonjour Frédéric,belle victoire que cette aigle dans le ciel, en lisant ton superbe article,je me suis rappelé avoir fait un dessin de tête,imagine toi la tronche qu'il avait... d'un aigle aux ailes déployées pour les carnavaliers de Nice; amitié de la Camargue

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  2. Hi Fred,

    Great to speak to you on Saturday.

    Youre right - it's a Bonelli's Eagle - and a very nice view of one.

    Tim.

    Ti Mackrill, manager officer
    Rutland Osprey Project (UK)

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  3. Patrick Boudarel7 novembre 2011 à 17:53

    Un grand merci, c'est très intéressant.

    Ca mériterait peut-être un petit commentaire avec renvoi vers le site dans la prochaine lettre Bonelli-Info ?

    Patrick Boudarel,
    Chargé de mission PNA Espèces Menacées
    Montpellier, France

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