23, de mal en pis sur la Grande Côte, cimetière de la biodiversité


Ci-dessus:
à g., restes découpés d'un Dauphin commun à bec court - delphinus delphis - à d., jeune Tortue caouanne - loggerhead turtle, perforée par l'hélice d'un moteur (de pirogue)
2016 06 sur la Grande Côte / Courtesy © photos par Wim Mullié, droits réservés
Voir d'autres photos de l'inventaire: ICI sur African Aquatic Conservation Fund

* Grande Côte, de Dakar à Saint-Louis-du-Sénégal -

2016 06 20-23-

Comme un rituel, en hommage posthume aux victimes de l'écocide en cours... Nouvel inventaire morbide sur l'estran de la Grande Côte, de Dakar à Saint-Louis-du-Sénégal. Du 20 au 23 juin 2016, Wim C. Mullié avec Lucy Keith Diagne pour l'African Aquatic Conservation Fund et Abdel Kader Diagne pour l'African Chelonian Institute ont dénombré et tenté d'identifier les restes de cétacés et de tortues marines échoués sur les quelque 185 kilomètres de la plage qui court de Dakar-Thongor au parc national de la Langue de Barbarie, juste au sud de Saint-Louis-du-Sénégal. Comme nos amis le disent pudiquement, "les nouvelles ne sont pas bonnes..." L'hécatombe continue et s’aggrave, dans le silence assourdissant, et complice, de nous tous: citoyens de ce pays et d'ailleurs, personnel politique et intellectuel, fonctionnaires de l'Environnement qui n'en peuvent mais, et les innombrables pêcheurs qui détruisent et gaspillent leur gagne-pain, leur mer à tous !

The most sea turtle and cetaceans carcasses in a single survey so far. "
- Lucy K. Diagne, African Aquatic Conservation Fund

Près de 200 kilomètres d'échouages de tout et n'importe quoi ! La Grande Côte, exposée plein nord-ouest, c'est le dépotoir et le cimetière de tout ce que l'Atlantique rejette sur le rivage comme une vomissure. Du Sénégal, certes, mais aussi de la haute mer via les courants. Les plastiques, évidemment, en quantité qui dépasse désormais tout entendement. Voilà aussi, parmi les déchets dont l'Homme ne sait plus que faire, des dizaines de pièges à octopodes (poulpes, octopus sp.) rapportés par la houle. "Des milliers et des milliers de Maquereaux". Un bon millier de Diodons (poisson porc-épic, porcupine fish). Des ossements de Baleines (type megaptera ?, whale sp.). Neuf Marsouins communs (phoconea phoconea, harbor porpoise) dont au moins un nouveau né. De nombreux juvéniles de Tortues vertes (chelonia mydas, green turtle). Une carcasse de Tortue luth (dermochelys coriacea, leatherback sea turtle). Une jeune Tortue caouane (caretta caretta, loggerhead turtle), morte de ses blessures comme plusieurs Dauphins de Risso (grampus griseus, Risso's dolphin). Un inventaire qui n'a rien, hélas, d'une poétique énumération à la Prévert... ou d'un comptage d'oiseaux vivants par Ornithondar !

Des restes trouvés de tortues marines et de cétacés sur la plage, Wim Mullié et ses collègues ont recensé:

2016 06 20-23:
  • 35 tortues marines, de 4 espèces différentes
  • 31 cétacés, de 5 espèces différentes

2014 07 22-25:
  • 36 tortues marines (47 ind. estimés), de 4 espèces différentes
  • 26 cétacés 

Restes...
Au PC du parc national de la Langue de Barbarie (PNLB) 2016 01 15, 15h20 / © Photo par Frédéric Bacuez


Les vaillants et braves pêcheurs sénégalais, 
aussi coupables que les autres pillards de la mer !

Sur la base des premiers constats et dans l'attente d'un énième rapport sur les causes de ce grand gaspillage, Wim et les siens nous suggèrent en filigrane quelques pistes, pour expliquer la mort de ces espèces marines - à nous d'interpréter les prudences scientifiques: il y a des dauphins découpés, dont seules la tête et la queue ont été rejetées à la mer... A coté des ossements indéchiffrables des grands cétacés, la majorité des delphinidés ont été affreusement blessés, tronçonnés, dépecés - "butchered" ! Idem pour certaines tortues: cadavre rejeté sur l'estran, mutilé par l'hélice d'une pirogue; dorsale arrachée à la bête pour en conserver seulement et discrètement la chair - pas vu pas pris ! Cette fois la dorsale a été rejetée à l'eau, d'autres fois elle est conservée pour la vente aux imbéciles de touristes. Tonnes de poissons rejetés à la mer: la pirogue dégorge (Maquereaux); ou alors les prises ne sont pas consommées (Diodons) par les Sénégalais - qui ont des techniques de pêche aberrantes mais le palais en revanche exigeant ! Quant aux jeunes Marsouin et Tortues vertes, comme la Tortue luth, la noyade dans les filets dérivants a toutes les chances d'être la cause de leur abandon tragique sur l'estran sénégalais.


" (...) captures up to 15 turtles 
during a fishing trip frequently occurs. "
- Témoignage d'un pêcheur sénégalais (cf. ci-dessous)

En 2016 comme en 2015 et 2014... 
" The causes of death are often difficult to determine without detailed necropsy, but several individuals found showed signs ofhuman consumption. The shell of Leatherback turtle was removed, probably for collection. All these individuals were probably victims of fisheries bycatch. The owner of a Yoff based pirogue, fishing with purse seines off West Africa, told us that captures up to 15 turtles during a fishing trip frequently occurs. As these are well appreciated by consumers, they are then unloaded and sold in the fishing ports where boats landed, whereas cetaceans were said to be thrown overboard. "
- Wim Mullié, Abdoulaye Djiba, Abdelkader Diagne, in African Sea Turtle Newsletter n°3, 2015


A la suite, sur l'estran mauritanien: 

Voir des photos de l'inventaire 2016: ICI sur African Aquatic Conservation Fund et, pour 2015, ICI sur African Chelonian Institute (pages Facebook en accès libre)

Lire: 
par Wim C. Mullié, Abdoulaye Djiba, Abdelkader Diagne, in African Sea Turtle Newsletter n°3, 2015
par Mamadou Diallo & Justine Dossa, WWF Wampo et PRCM, 2012 11

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