3, baobab magique: un couple de Pics gris fignole sa loge !

(petit) Pic gris - dendropicos elachus, mâle à proximité de sa (nouvelle) loge en cours de finition...
Baobab de l'arrière-pays du Gandiolais 2016 03 3, 10h50 / © Photo par Frédéric Bacuez


* Arrière-pays du Gandiolais -

Séjour de Jérémy [Jérémy Calvo.fr/], 9/16.
3 mars 2016. ~10h30-12h30-
A pied. Avec Jérémy Calvo
Temps: montée en puissance de la chaleur... Il fera 38° à 14h !

Ci-contre: Jérémy face au baobab des pics gris...
2016 03 3, 12h / © Photo par Frédéric Bacuez 
- Cliquer sur la photo pour agrandir -

Deux heures enchanteresses autour d'un baobab extraordinaire !

L'arbre, et quel arbre, se voit de loin ! Le séculaire baobab africain (adansonia digitata) émerge majestueusement d'une petite brousse d'arbrisseaux densément resserrés, animés par une jolie farandole sonore de brubrus (nilaus afer), de guêpiers d'Orient (merops orientalis viridissimus) et d'irrisors noirs (rhinopomastus aterrimus), de barbions à front jaune (pogoniulus chrysoconus) et de perruches à collier (psittacula krameri) ! Il n'y a pas de surprise non plus, au vu de la qualité du couvert végétal, de plus en plus rare dans la région, à ce que les passereaux insectivores y soient aussi bien représentés: les afrotropicaux crombecs (sylvietta brachyura) et souïmangas (cinnyris pulchellus), mais surtout les fauvettes paléarctiques - sylvia communis, sylvia cantillans, sylvia hortensis-, les pouillots de Bonelli (phylloscopus bonelli) et les hypolaïs obscures (iduna opaca); sans oublier les immanquables rougequeues à front blanc (phoenicurus phoenicurus)...
Gandiolais: outardes furtives et callitriches voltigeurs !, Ornithondar 2016 03 3

Un couple de pics gris, 
le Graal absolu pour l'ornithologue du delta sénégalais !

" Lorsque vous avez en tête le secret espoir de rencontrer une espèce peu fréquente ou pas encore inscrite à votre inventaire, vous êtes déjà conditionné pour avoir les sens aux aguets... Et lorsque vous savez que cette espèce a été observée tout près de la zone que vous arpentez, vous redoublez de vigilance, le chant et l'aspect physique de l'oiseau parfaitement enregistrés dans le disque dur de votre cervelle (...) " 
- In Nouveauté: un 'petit pic gris' au marigot de Khant !, Ornithondar 2011 12 27

Après avoir mesuré l'envergure du baobab en en faisant le tour, il ne me faut pas longtemps pour déceler dans les petits arbres environnants le flot volubile et haut perché d'une trille évidente: mais oui, il y a là, tout près, un peut-être deux pics gris (dendropicos elachuslittle grey / sahelian woodpecker), le Graal bas-deltaïque des ornithologues 'cocheurs' ! Bis repetita pour Jérémy Calvo, qui écrivait avec Eric Courcier au sujet d'une autre quête d'un picidé emblématique du Haut-Savoyard (voir en bas de notule), le pic tridactyle d'Eurasie et d'Amérique du nord, lequel requiert aussi une bonne dose d'obstination avant récompense - parfois, pas toujours: " Profitant d'une vue dégagée sur une belle clairière, nous nous installons pour scruter les environs. La surprise ne se fait pas attendre: en moins de dix minutes nous voyons apparaître le mâle, bien reconnaissable avec sa calotte (...) sur le crâne; il est rejoint rapidement par la femelle, chacun tambourinant sur un vieil arbre mort très sonore."*1 A quelques détails près - le biotope, et la température ambiante !- la description est applicable à notre expérience sahélienne du jour... L'épicéa est un baobab, l'arbre mort est une branche sèche. C'est d'abord, je crois, le barbion à front jaune (pogoniulus chrysoconus, yellow-fronted tinkerbird) qui apparaît le premier: très agité voire hystérique, il semble obsédé par un seul objectif, visiter la loge qui se niche sous la branche qui pend au bas du vénérable baobab ! Et voici, à bientôt onze heures de ce matin béni, un premier pic gris (dendropicos elachuslittle grey / sahelian woodpecker) qui surgit, passablement irrité par les gesticulations de l'importun... A peine entrevus, les voilà tous deux se poursuivant jusque dans les boisements alentours, et c'est notre pic qui paraît prendre l'avantage... Il s'agit d'une femelle. Elle revient à la loge et se remet à en extraire fébrilement des fragments d'écorce; tâche peu ardue, le baobab étant imputrescible car spongieux, il suffit de tirer un peu sur la chair de l'arbre et des lamelles viennent immédiatement... Le barbion n'a pas abandonné la partie, il reviendrait bien à la charge; las, son irrépressible besoin de chanter lui passe par la tête, le voici tout près de l'antre à lancer son infatigable tempo, monotone et monocorde, indissociable sonorité des heures chaudes de toutes les savanes d'Afrique... Le pic mâle arrive: il n'a pas besoin de s'emporter, le barbion ne demande pas son reste et s'en va poursuivre la ritournelle un peu plus loin, dans la brousse... Le couple de pics gris se remet à l'ouvrage. Il est midi, pas le temps de souffler ! Préparer la prochaine saison de reproduction nécessite de se façonner une nouvelle loge, confortable et sécurisée, à l'abri du vent et de la pluie, des rôdeurs prédateurs et des chenapans parasites. On reviendra vous saluer, petits lutins du grand baobab...

Ci-dessous:
 Rongé par la curiosité et l'envie, le barbion à front jaune vient houspiller les pics gris jusqu'au seuil de leur nouvelle loge !
Gandiolais 2016 03 3 midi / © Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -


Plus ou moins bis repetita et d'hier à demain... Pour Jérémy...

" Nota: le pic gris (dendropicos elachus, little grey / sahelian woodpecker) est une espèce monotypique; le picidé sahélien par excellence, le seul qui est intimement et exclusivement lié au biome sub et pré saharien. Dans le bas-delta du fleuve Sénégal, dans sa partie brousse - du Dieri-, l'espèce est l'une des deux spécialités du crû prisées des visiteurs ornithos, avec la rémiz du Soudananthoscopus punctifrons (et dans une moindre mesure avec la prinia à font écailleuxspiloptila clamans). Notre pic a tout pour le rendre peu visible: sa taille minuscule - 11 à 13 cm !-, sa distribution géographique fragmentée (du Soudan et du nord Cameroun à la Mauritanie) et sa répartition locale éparse ou peu connue (une vidéo d'un mâle dans la région de Tombouctou, Mali, mai 2005), sa rareté - même si l'oiseau n'est pas à proprement parler menacé de disparition-, et ses apparitions aussi explosives que fugaces ! On ne sait d'ailleurs pas grand chose sur l'animal, son statut, son éthologie, à peine mieux sur son alimentation ou sa reproduction. Visiblement, ce matin, le deux pics adultes sont en train de finir de creuser une nouvelle loge, pour une prochaine couvée... Ils s'y prennent tôt, car la saison de reproduction finit tout juste... 
- le 23 février 2016 pas très loin de la loge découverte ce matin, en compagnie de nos ami(e)s du Kielder Ospreys Project nous avions repéré une famille au grand complet, se déplaçant rapidement d'arbre en arbre: deux adultes et deux juvéniles capables de voler mais encore dépendants de leurs parents. Le mâle semblait alimenter son rejeton de petites larves dénichées dans les anfractuosités d'un acacia et des balanites environnants. Le juvénile photographié avec son paternel n'était à l'évidence pas sorti de la loge depuis longtemps - cela correspondrait, peu ou prou, à la période de nidification dans le pays. Si au Sénégal le pic gris est susceptible de nicher en janvier-février, ce serait entre mars et mai au Niger, et en octobre au Tchad... Bref, on reste dans les choux... Mais que la petite chose est belle !
- Ce 3 mars 2016, le couple en train d'extraire des copeaux d'une loge dans la branche morte d'un vénérable baobab du même périmètre, découvert et 'documenté' par Ornithondar avec Jérémy Calvo, est à coup sur le même duo qui finira son nettoyage de printemps le 27 mars 2016 devant l'appareil photographique d'Etienne Henry, puis les 5 et 10 avril 2016 tiendra ostensiblement la loge ainsi que ses environs, avec volubilité, spécialement pour l'enregistreur de Bram Piot, plein la vue et les oreilles de Daniel Nussbaumer [à suivre sur Ornithondar] et pour le plus grand bonheur partagé... de leur accompagnateur à tous... 

Ornithondar - et Jérémy Calvo !- prolongent l'aire de distribution du pic gris dans notre région

Depuis dix ans, les quelques observations bas-deltaïques du pic gris par Ornithondar*, dans les Trois-Marigots (marigot de Khant-sud) et dans l'arrière pays du Gandiolais au sud de Gueumbeul, prolongent l'aire de distribution de dendropicos elachus dans notre région vers le littoral atlantique. Elle était, jusqu'alors, seulement attestée de la région du Dimar, au nord-est du lac de Guier. Il est fort probable que les brousses qui survivent entre les alignements dunaires et boisés depuis le lac de Guier, via le Ndiaël (à confirmer) et surtout les Trois-Marigots, le Gandiolais, le Djambour et le nord des Niayes sont favorables à la discrète présence de notre oiseau à la sympathique petite frimousse... Avis aux chercheurs de jolis trésors ! "
- Avec des extraits de: Une curiosité de l'arrière-Gandiolais: quatre pics gris !, Ornithondar 2016 02 23


" (...) Rare and little-known species. Sparsely distributed throughout its range. 
Rare in Senegal, occurs in North at Richard-Toll (...) "


* Précédemment sur Ornithondar:

Ci-dessous:
le couple des pics gris - dendropicos elachus, autour de leur nouvelle loge...
Arrière pays du Gandiolais 2016 03 3 / © Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -


Ci-dessus:
Jérémy Calvo en place pour photographier les pics gris du grand baobab...
Arrière pays du Gandiolais 2016 03 3 midi / © Photo par Frédéric Bacuez


Aparté: du pic tridactyle au pic gris... 
le picidé local, une affaire de Haut-Savoyards !

Le pic local et/ou rare, telle est notre affaire, à nous autres Haut-Savoyards, ha ha ha ! Dans notre donjon alpin nous avons l'honneur d'accueillir un des oiseaux le plus rare de France (et de Navarre), le pic tridactyle (picoides tridactylus). C'est ainsi notre bonheur, et parfois nos missions avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO 74 et 73), que de le trouver, de localiser ses territoires et loges pas encore connus, bref l'inventorier; et en savoir plus du picidé des vieux épicéas*1&2. A une différence près, mais elle est de taille: si le pic tridactyle est l'un des oiseaux les moins observés de France - 30 à 50 couples, pas plus, en vieilles forêts de résineux montagnards !- il doit d'abord sa rareté 'locale' au fait qu'il atteint dans les départements altitudinaux de l'est français (Jura, Doubs, Haute-Savoie, Savoie) les limites occidentales d'une (très) large distribution eurasienne et nord-américaine: "14 600 000 kilomètres carrés" pour "350 000 à 1 100 000 couples" dans la seule Europe, et peut-être jusqu'à 66 millions d'individus à l'échelle mondiale ! Avec une population jugée démographiquement "stable"*1 voire abondante dans bien des régions couvertes par la taïga. On est très loin, avec le pic gris, des estimations chiffrées et de la répartition géographique du pic tridactyle: on ne sait en réalité pas grand chose du pic sahélien, encore moins de sa distribution, exclusivement sahélienne en effet, à l'évidence fragmentée, numériquement faible, et autrement plus menacée que celle de son cousin nordique (cf. carte plus haut), sauf en ce qui concerne les bouleversements climatiques actuels qui auront un impact certain sur les deux espèces. Mais où se trouve donc la vraie coche, hein ?

*1 A la rencontre du pic tridactyle, par Eric Courcier & Jérémy Calvoin L'Oiseau Magazine n° 121 (LPO), pages 50-54, janvier 2016
*2 'Une femelle de pic tridactyle aux Glières', avec Nicolas Moron (LPO 74) 2013 10 21, in Ornithos 21-4, notes d'ornithologie française (été 2013), octobre 2014


Du pic gris au pic tridactyle, ce qui change ce sont les arbres - et le climat !
Ci-dessous:
en haut à g., pic gris - dendropicos elachus, Gandiolais (Sénégal) 2016 03 3 / © Photo par Frédéric Bacuez
en haut à d., pic tridactyle - picoides tridactylus, Haute-Savoie (France) 2016 03 31/ Courtesy © photo par Jérémy Calvo pour Ornithondar
au milieu, obs. 2013 10 21 par Nicolas Moron et Frédéric Bacuez, Ornithos 21-4, octobre 2014
en bas à g. et au centre, à la recherche du pic tridactyle, Glières, Haute-Savoie (France) 2013 10 21 et 2015 06 26, avec Nicolas Moron et al. (LPO 74 & 73) / © Photos par Frédéric Bacuez
en bas à d., à la recherche du pic gris, Gandiolais (Sénégal) 2016 03 3, avec Jérémy Calvo / © Photo par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Galerie photos : le Traquet de Seebohm, du Maroc au Sénégal

Hyaenidae: appel à témoins...

5, un varan des savanes: la gueule-tapée ou plus coriace-tu-meurs !