1, en 'piste' vers le Djoudj: les rhynchées peintes de N'Digué

Rhynchée peinte - rostratula b. benghalensis, femelle au marais de N'Digué
2016 03 1, 7h44 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Marais de N'Digué -

Séjour de Jérémy [Jérémy Calvo.fr/], 5/16.
1 mars 2016. 7h30-8h30-
En véhicule 4x4 et à pied. Avec Jérémy Calvo

De Saint-Louis au parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD), parcourir la soixantaine de kilomètres par les pistes de la vallée du Djeuss est un crève-coeur pour qui a connu le chemin, il y a encore moins de cinq années. Le chambardement au seul profit de la riziculture et de l'agro-business n'est pas sans conséquences, immédiates et... à venir... Fini le temps où l'on pouvait dénombrer, parfois, plus de phacochères et de chacals sur ce tronçon que dans le sanctuaire du Djoudj ! Dans un déchaînement de nocence écologique, on a rasé les steppes à tamaris, les seuls arbustes qui pompaient les remontées salines, paradoxalement décuplées depuis qu'en travers le fleuve Sénégal le barrage de Diama avait été érigé (lors d'une précédente période de 'domination' du delta)... pour empêcher la 'remontée' de la langue saline venue saisonnièrement de l'océan. Cette fois, on a ouvert des canaux surdimensionnés pour faire couler les eaux deltaïques vers les rizières, puis... hors les rizières, direction l'aval, soit vers le fleuve Sénégal au sud du barrage de Diama via un titanesque chenal dit "de décharge" (sic), soit vers la retenue bangotine des eaux potables de Saint-Louis. Chargées de résidus, bref de pesticides.*

Lire: Patrimoine du Sénégal: le Djoudj menacé par le rizin Tak3 2016 04 6
Enjeux et impacts des barrages de Diama (Mauritanie) et Arzal (France) : des contextes socio-économiques et environnementaux différents pour de mêmes conséquences, in Norois.revues.org, juin 2007
Et, exquis de préoccupations environnementales, le projet rizicole de CASL, entre PNOD et Ross-Bethio: ICI

Le plus inquiétant, dans cette histoire, c'est la facilité avec laquelle nos 'développeurs' ont pu mener leurs chantiers, et leurs activités, sans qu'aucune expertise indépendante des impacts environnementaux - et il y en a eu, mais plus personne n'écoute ou ne lit aujourd'hui les scientifiques et autres lettrés !- n'ait mis un frein à ces aberrations aux portes du Sahara, dans une région qui n'a aucune tradition agricole depuis la nuit des temps - ce qui n'est pas une tare, loin s'en faut ! Et où, dès que ce sont les villageois qui se mettent à faire du riz, en s'endettant catastrophiquement, les rendements sont si pathétiques qu'on aimerait que les 'patriotes' Wade et Sall, leurs thuriféraires médiatiques et leurs "partenaires" aux financements nous expliquent doctement le pourquoi de la chose. Faudrait-il être puissant, très argenté et possédant la technique, avec d'utiles alliés dans le BTP, pour que cela fonctionne, même dans les nuages oranges de l'harmattan ? On prend rendez-vous: le prochain cycle trentenaire d'années sèches sera vite de retour; avec, comme nouvelle donne, l'augmentation attendue parmi la plus élevée dans les prochaines décennies, des maxima de températures liés au réchauffement climatique. Ils vont continuer indéfiniment à pomper l'eau du fleuve et du lac de Guier comme ils le font aujourd'hui, ces apprentis-sorciers ?

La grande mare de Ross-Béthio et le marais de N'Digué, par pertes et profits ?

Des sites 'naturels' de la vallée reconfigurée, beaucoup ont déjà été défrichés, drainés, arasés, abrasés, noyés sous le riz hallucinogène. Au sud du Djoudj, il y a encore une cuvette qui sert de reposoir pour les canards, tout particulièrement les dendrocygnes veufs (dendrocygna viduata) et les oies-armées de Gambie (plectropterus gambensis); il y a surtout une mare, vers Ross-Béthio, et un marais, à N'Digué, qui n'ont pas encore été effacés de la géographie deltaïque - pour le moment. Autour du reposoir, les machines arrachent les tamaris. La Grande mare de Ross-Béthio est à sec de plus en plus tôt en saison, même en 'hiver'. L'eau passe à coté, désormais, bien dirigée entre les murs bétonnés d'un canal dérivatif; 'on' ne va pas perdre ce liquide précieux pour un reposoir, même reconnu, à spatules blanches (platalea leucorodia), anhingas d'Afrique (anhinga rufa) et autres emplumés has been - ils iront voir ailleurs si l'eau est plus limpide ! Quant au marais de N'Digué, lui-même tarit de plus en plus tôt, coupé d'un coté de son accès au fleuve par une gigantesque typhaie pompeuse d'eau, de l'autre par un net affaiblissement des écoulements venus de l'ancienne plaine désormais aux mains des 'développeurs'... Cet endroit est pourtant une petite merveille de biodiversité, facile d'accès: des hivernants du paléarctique, les cigognes noires (ciconia nigra) y sont bien représentées; des afrotropicaux, c'est l'un des meilleurs sites du bas-delta pour observer des gallinules africaines (gallinula angulata), des talèves (porphyrio sp.) des deux espèces, et surtout des rhynchées peintes (rostratula benghalensis) - une sorte de bécassine africaine colorée. Et en ce petit matin vers 7h15, les rhynchées ne sont pas farouches, à N'Digué (cf. photos ci-après et en haut de notule)... 

Ci-dessous: 
Situation géographique de trois sites d'intérêt ornithologique au sud du parc national du Djoudj (PNOD)...
2016 02 26 / Avec Google Earth 
- Cliquer sur les images pour agrandir -

" Rhynchée peinte: 
pour une fois chez les oiseaux, c'est madame qui porte les couleurs - et la culotte !

(...)
Les rhynchées peintes sont des limicoles afro-asiatiques à large distribution. Leur présence dans le nord du Sénégal est circonscrite à la basse et à la moyenne vallée du Sénégal, depuis l'île à Morphil en amont du fleuve jusqu'au seuil du Gandiolais à l'aval, en incluant le lac de Guier, le Ndiaël et les Trois-Marigots. Cette enclave est séparée de l'aire de répartition globale de l'espèce qui court d'ouest en est, en gros des Niayes de Dakar à l'Erythrée. L'espèce étant vagabonde, on peut envisager que les rhynchées peuvent sans difficulté échanger avec le gros des troupes qui stationne au sud du 15e parallèle. Dans la vallée du fleuve Sénégal, les oiseaux sont tributaires de la qualité plus que de la quantité des eaux, dans lesquelles elles se nourrissent d'insectes mais aussi de mollusques, de vers et de graines de céréales (riz sauvage comme domestique) ou de graminées des marais. Jusqu'à ces derniers mois, (...) surtout avant les travaux hydrauliques qui refaçonnent toute la vallée, le marais de N'Digué, sur la piste qui mène au parc national du Djoudj, était probablement le meilleur spot deltaïque pour observer plusieurs dizaines de ces rhynchées peintes: souvent, elles restaient à l'ombre des tamarix senegalensis, à l'endroit le plus improbable du site, coté villageois, près d'une mare vite à sec, au milieu des immondices et des détritus volatiles...

Cet étrange limicole a quelque chose des bécassines paléarctiques quand il s'immobilise en pariant sur son mimétisme pour ne pas être repéré, et de la bécasse des bois européenne quand il s'envole pattes pendantes pour se reposer quelques mètres plus loin. Mais c'est son dimorphisme sexuel qui en fait un cas original chez les oiseaux: au contraire de très nombreuses espèces, c'est la femelle qui arbore les couleurs chatoyantes - vert, jaune, blanc et rouille (...) ! Le mâle est de la même facture, mais en version terne, et sa taille est plus réduite. C'est aussi la femelle qui dirige les opérations amoureuses: c'est elle qui parade, tente d'attirer le regard de ces garçons dont elle use et abuse le plus souvent, en particulier dans les régions où les densités de rhynchées ne sont pas élevées - ce qui est le cas dans le nord-ouest du Sénégal: à peine conquis son amant, les affaires faites la voilà déjà à la poursuite d'un autre gogo ! Polyandrie, sexualité débridée: notre séductrice volage confie même la couvaison de ses œufs au géniteur de passage. Les oisillons ne connaîtront même pas leur mère, le plus souvent, déjà envolée vers d'autres conquêtes...

Polyandrie, sexualité débridée: 
notre séductrice volage confie même ses œufs au reproducteur passager
 - déjà abandonné, vite cocufié:
il aura à charge et la couvaison et l'élevage des oisillons de la mère indigne  "*

Ci-dessous:
Rhynchées peintes - rostratula benghalensis, marais de N'Digué
2016 03 1, 7h43 / Courtesy © photos par Jérémy Calvo pour Ornithondar


OISEAUX / 38 + 4 espèces cochées, 2 sp. entendues
MAMMIFÈRES / 1 espèce cochée

Vu (liste non exhaustive):
  • Blongios nain (ixobrychus minutus ssp., little bittern ssp.), 1 ind.
  • Crabier chevelu (ardeola ralloides, squacco heron)
  • Aigrette ardoisée (egretta ardesiaca, black heron), 4 ind.
  • Aigrette garzette (egretta garzetta, little egret)
  • Grande aigrette (egretta alba, great egret)
  • Héron cendré (ardea cinerea, grey heron), quelques ind.
  • Héron pourpré (ardea purpurea, purple heron), 1+ id.
  • Tantale ibis (mycteria ibis, yellow-billed stork), 3 ind.
  • Cigogne noire (ciconia nigra, black stork), ~8 ind.
  • Spatule blanche (platalea leucorodia, eurasian spoonbill), quelques ind.
  • Oie-armée de Gambie (plectropterus gambensis, spur-winged goose), vol passant de 15 ind.
  • Busard des roseaux (circus aeruginosus, western marsh harrier), 1 ind. soulève  les cigognes, spatules et ardéidés à chacun de ses survols du marais
  • Râle à bec jaune (amaurornis flavirostra, black crake), 1+ ind.
  • Gallinule poule-d'eau (gallinula chloropus, common moorhen), 2+ ind.
  • Talève sultane d'Afrique (porphyrio porphyrio madagascariensis, african swamphen), 2 ind.
  • Oedicnème du Sénégal (burhinus senegalensis, Senegal thick-knee), 2+ ind.
  • Gravelot pâtre (charadrius pecuarius, Kittlitz's plover), 2 ind.
  • Vanneau éperonné (vanellus spinosus, spur-winged lapwing)
  • Bécasseau minute (calidris minuta, little stint), plusieurs ind.
  • Bécasseau cocorli (calidris ferrugineacurlew sandpiper - inscrit à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées de disparition, dans la catégorie Near Threatened/NT-Bientôt menacé), 1 ind. solitaire
  • Chevalier gambette (tringa totanus, common redshank), 1 ind.
  • Rhynchée peinte (rostratula benghalensis, greater painted-snipe), au minimum 3 ind.
  • Sterne caspienne (hydropogne caspia, caspian tern)
  • Sterne hansel (gelochelidon nilotica, gull-billed tern)
  • Guifette moustac (chlidonias hybrida, whiskered tern), 1 ind.
  • Tourterelle pleureuse (streptopelia decipiens ssp. shelleyi, african mourning dove)
  • Coucal du Sénégal (centropus senegalensis, Senegal coucal), 1 ind.
  • Martin-pêcheur huppé (alcedo cristata ssp. galerita, Malachite kingfisher), 2 ind.
  • Martin-pêcheur pie (ex alcyon pie, ceryle rudis, pied kingfisher), 2 ind.
  • Coliou huppé (à nuque bleue, 'oiseau souris', urocolius macrorus, blue-naped mousebird), 9 ind.
  • Hirondelle de rivage (riparia riparia, common sand martin)
  • Hirondelle rustique / de Guinée (hirundo rustica / lucida, barn swallow / red-chested swallow), quelques ind. sur le fil {à suivre sur Ornithondar...}
  • Bergeronnette grise (motacilla alba, white wagtail), 1 ind.
  • Bergeronnette ibérique (motacilla flava, yellow wagtail), 1 + 1 ind.
  • Phragmite des joncs (acrocephalus schoenobaenus, sedge warbler)
  • Pouillot véloce (phylloscopus collybita, common chiffchaff), 1 + 1 ind.
  • Prinia modeste (prinia subflava, tawny-flanked prinia), 2 ind.
  • Tisserin à tête noire (ploceus melanocephalus ssp. capitalis, yellow-backed weaver), en mue prénuptiale

Entendu:
Râle à bec jaune (amaurornis flavirostra) / Cisticole roussâtre (cisticola galactotes ssp. amphilectus, greater black-backed cisticola) / Gonolek de Barbarie (laniarius barbarus, yellow-crowned gonolek), 1 ind. /

Des cigognes noires et un tantale ibis, spatules blanches, hérons cendrés et autres ardéidés, levés par le survol d'un busard des roseaux
Marais de N'Digué 2016 03 1, 8h25 / © Photo par Frédéric Bacuez

























* Pistes Bango-PNOD -

Séjour de Jérémy [Jérémy Calvo.fr/], 4/16.
1 mars 2016. 6h20-8h40-
En véhicule 4x4. Avec Jérémy Calvo

Vu:
  • Oie-armée de Gambie (plectropterus gambensisspur-winged goose), vol au loin, non compté
  • Circaète Jean-Le-Blanc (circaetus gallicus, short-toed snake eagle), 1 ind. au repos sur un poteau électrique (7h20) [ZIC Djeuss]
  • Oedicnème du Sénégal (burhinus senegalensisSenegal thick-knee), 1 ind.
  • Grand gravelot (charadrius hiaticula, common ringed plover)
  • Chevalier gambette (tringa totanuscommon redshank), 1 ind.
  • Engoulevent à longue queue (caprimulgus climacurus, long-tailed nightjar), 2 ind. en vol
  • Coucal du Sénégal (centropus senegalensisSenegal coucal), 1 ind.
  • Cochevis huppé (galerida cristata ssp. senegallensis, crested lark)
  • Hirondelle rustique (hirundo rustica, barn swallow)

AUTRES:
  • Gerbille sp. (gerbilla sp.), 1 ind.

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