Aparté: aux falaises de Sidi Moussa (Maroc), in memoriam
* Falaises de Sidi Moussa, Bouknadel (Maroc) -
Ci-dessus: 1985 11, crique au pied des falaises de Sidi Moussa, Bouknadel (nord de Rabat-Salé, Maroc) / Photos par Frédéric Bacuez
Ci-dessous: 1985 11, Sidi Moussa à l'automne, après le départ des faucons d'Eléonore vers... Madagascar ! / Photo par Frédéric Bacuez
C'est avec une indicible joie - mais un brin d'étonnement- que j'apprends par le blog 'Moroccan birds'*1 des ornithologues marocains Mohamed Ameziane et Abdelhak Elbanak (Université de Tétouan) que la colonie de faucons d'Eléonore (falco eleonorae, Eleonora's falcon) installée dans les falaises côtières de Sidi Moussa existe toujours, à quelques kilomètres au nord de la capitale chérifienne ! Il y a trente ans, mes premiers émois d'ornithologue en herbe s'étaient affirmés dans ce cadre minéral grandiose, quand je regardais les rapaces s'élancer depuis les falaises pour chasser les oiseaux au-dessus de l'océan ! Imad Cherkaoui et Adel Bouajaja (SEO/BirdLife Maroc, Salé) viennent d'y faire un recensement estival (2011 07 31), avec de belles photos*1: cette année, une vingtaine de couples y nichent*2 tant bien que mal, de plus en plus repoussés vers le nord des 12 kilomètres de grès sableux et instables du quaternaire qui se succèdent dès les faubourgs de Salé : les faucons grégaires n'occupent plus que quelques unes des quarante criques, sur les six kilomètres qui précèdent la célèbre plage des Nations. Car après des décennies de dénichage et de tirs depuis le haut des falaises, c'est désormais l'urbanisation galopante de la métropole de Rabat-Salé qui pourrait mettre un terme à la seule colonie continentale au monde du maritime faucon d'Eléonore ! Les lotissements péri-urbains et les cultures sous serre grignotent la lande qui servait de terrains de chasse, en retrait des aplombs, non seulement aux faucons de quatre espèces (eleonorae, peregrinus, naumanni, tinnunculus) mais aussi aux chevêches d'Athéna (athene noctua) et aux oedicnèmes criards (burhinus oedicnemus) que j'observais, enfant, derrière la ferme laitière de Nortamer. Même si le biome de 300 hectares*3 est répertorié parmi les Sites d'intérêt biologique et écologique (SIBE, un équivalent marocain des Natura 2000 européens) du royaume, aucune mesure de protection ou de surveillance saisonnière (les faucons d'Eléonore sont présents sur les lieux de mai à octobre) n'a été accordée à cet ensemble sauvage de falaises et de promontoires, d'éboulis et de criques au large desquels croisent non seulement les faucons mais aussi, dès l'automne, entre autres espèces pélagiques, des milliers de fous de Bassan (morus bassanus) et labbes sp. (stercorarius sp.) hivernant dans les froides et solaires eaux marocaines.
*1 Lire et voir les photos: http://moroccanbirds.blogspot.com/2011/08/eleonoras-falcons-at-bouknadel-colony.html
Ainsi que la galerie photos de faucons d'Eléonore aux falaises de Sidi Moussa, par Rih Saad: http://www.index-dev.net/photors/Web/
Et un dessin par Miguel Angel Pinto d'un faucon d'Eléonore de Sidi Moussa à: http://moroccanbirds.blogspot.com/2011/09/drawing-of-eleonoras-falcon-by-miguel.html
*2 A Sidi Moussa: peut-être 72 couples nicheurs en 1966 à raison de 6 couples par kilomètre de falaise, 63 couples en 1972-1974 et 134 adultes et juvéniles comptés en 1972, 22 à 33 couples en 1980, 21 à 24 couples en 1981, 5 à 10 couples au début des années '90, 20 à 25 couples à la fin des années 2000 (chute de 80 à 90% dans les falaises sud et de 60 à 70% au centre, mais légère remontée des effectifs dans les falaises nord). Au niveau national: 200 couples nicheurs en 1968, 150 couples en 1974, 80- couples en 1980, 725+ couples nicheurs en 2010 (grâce aux Îles Purpuraires d'Essaouira, 678+ couples nicheurs recensés en 2001-2002 contre 180 couples en 1999).
Ainsi que la galerie photos de faucons d'Eléonore aux falaises de Sidi Moussa, par Rih Saad: http://www.index-dev.net/photors/Web/
Et un dessin par Miguel Angel Pinto d'un faucon d'Eléonore de Sidi Moussa à: http://moroccanbirds.blogspot.com/2011/09/drawing-of-eleonoras-falcon-by-miguel.html
*2 A Sidi Moussa: peut-être 72 couples nicheurs en 1966 à raison de 6 couples par kilomètre de falaise, 63 couples en 1972-1974 et 134 adultes et juvéniles comptés en 1972, 22 à 33 couples en 1980, 21 à 24 couples en 1981, 5 à 10 couples au début des années '90, 20 à 25 couples à la fin des années 2000 (chute de 80 à 90% dans les falaises sud et de 60 à 70% au centre, mais légère remontée des effectifs dans les falaises nord). Au niveau national: 200 couples nicheurs en 1968, 150 couples en 1974, 80- couples en 1980, 725+ couples nicheurs en 2010 (grâce aux Îles Purpuraires d'Essaouira, 678+ couples nicheurs recensés en 2001-2002 contre 180 couples en 1999).
*2 Quelques espèces d'oiseaux nicheurs des falaises de Sidi Moussa: faucon d'Eléonore (falco eleonorae, Eleonora's falcon), faucon pèlerin (falco peregrinus, peregrine falcon), faucon crécerelle (falco tinnunculus, common kestrel), faucon crécerellette (falco naumanni, lesser kestrel), goéland leucophée (larus cachinnans, yellow-legged gull), chevêche d'Athéna (athene noctua, little owl), pigeon biset (columba livia, rock dove), martinet pâle (apus pallida, pallid swift), monticole bleu (monticola solitarius, blue rock thrush), grand corbeau (corvus corax, raven).
Nota 1:
les falaises atlantiques de Sidi Moussa hébergent l'une des deux colonies marocaines du très méditerranéen faucon d'Eléonore: si la Mare nostrum européenne accueille 95% des effectifs mondiaux du faucon maritime (soit de 5 900 à 6 200 couples nicheurs, 17 700 à 18 600 individus), le Maroc peut s'enorgueillir d'abriter l'unique population continentale connue - découverte en 1966 seulement, en l'occurrence celle de Sidi Moussa/Bouknadel, au maximum 25 couples nicheurs - et une colonie insulaire, celle des Îles Purpuraires au large d'Essaouira, identifiée dès 1868, désormais parmi les plus viables de l'espèce: plus de 700 couples nicheurs en 2010 ! Appelé là-bas afalkay ('mignon', 'beau', en langue berbère), on croit savoir que le nom local du faucon d'Eléonore vient du kabyle afalku, qui veut dire faucon; on pense que le roi kabyle Juba II, connu pour ses traités sur les oiseaux, les animaux et les plantes, ayant résidé dans la maison romaine de la Grande Île des Purpuraires y trouva probablement les gracieux faucons et leur attribua le surnom afalkay. Quant au nom scientifique "d'Eléonore", il s'agit d'un hommage à Eléonore d'Arborée de Sardaigne (v.1350-1404) à l'origine d'une première législation protégeant les rapaces. Il est urgent de l'appliquer à Sidi Moussa !
Nota 2: on pourra voir en complément:
- un document de 1981 par Michel Thévenot et Patrick Bergier: http://www.go-south.org/11_Biblio/thevenot_&_al_1981_falco_eleonorae.pdf
- un compte-rendu d'étude aux Îles Purpuraires: http://www.initiative-pim.org/images/documents/NoteanaturalisteaEssaouira.pdf
- des photos d'un 'Eléonore' en pleine mer entre Canaries et Maroc !: http://www.beneluxnaturephoto.net/forumf/index.php?topic=114187.0
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