6, aparté : Ouagadougou, l'agonie d'un balbuzard pêcheur
Balbuzard pêcheur mortellement blessé; Ouagadougou, Burkina Faso, quartier de Kolog'naaba
/ 2009 10 6 18h20, courtesy © photos par Inno, tous droits réservés |
* Burkina Faso. Ouagadougou, quartier de Kolog'naaba -
SOIR, 18h20-
Aparté : mon fils Inno m'envoie depuis Ouagadougou ces images qu'il a prises ce soir, au crépuscule qui fait tomber la nuit en quelques minutes sur la ville terreuse... Dans le quartier très catholique de Kolog'naaba, un homme rentre probablement chez lui, tenant à bout de bras un rapace - tous les rapaces s'appellent 'silga', au Burkina Faso !- agonisant, mortellement blessé : il s'agit d'un balbuzard pêcheur (pandion haliaetus, osprey, aguila pescadora), espèce strictement protégée*, une femelle de surcroît, malheureusement non baguée !
Inno m'écrit : " (...) un homme, un genre de bonhomme, tu sais ce genre d'abonné au ranmoagha, tout maigre tout malade tout méchant; à la main droite, un coupe coupe; et à la gauche le 'silga' tout fatigué tout mourant. Mais, hélas, quelle merveille, quelle beauté ! "
* En France, espèce protégée par arrêté du 17 avril 1981 et inscrite sur la Liste rouge de la faune menacée, catégorie 'vulnérable'
Ci-contre : balbuzard pêcheur mortellement blessé; Ouagadougou, Burkina Faso, quartier de Kolog'naaba
/ 2009 10 6 18h20, courtesy © photos par Inno, tous droits réservés
Nota : ce balbuzard pêcheur (pandion haliaetus, osprey) a été définitivement arrêté dans sa migration postnuptiale, venu depuis l'Ecosse, la Scandinavie ou le Loiret français* où il niche - il est sédentaire dans le bassin méditerranéen, Corse et Rif marocain notamment-, pour ses quartiers d'hiver tropicaux (delta du fleuve Sénégal et lac de Guiers; Sine Saloum-Gambie-Casamance; delta intérieur du Niger; et les pays riverains du Golfe de Guinée). Au Burkina Faso, le rapace aquatique ne stationne pour l'hiver que sur les confins sud-est du pays, de Nazinga au parc national du W; les inondations exceptionnelles qui ont frappé le plateau mossi de Ouagadougou, le 1er septembre, ont rempli et fait déborder toutes les retenues d'eau de la région : il est fort probable que l'oiseau a été touché par des plombs lors d'une halte au niveau des barrages de la capitale, au vu et au su de tout le monde... Encore un sale coup porté à celles et ceux qui, au Nord, tentent de corriger les errements passés : en France, 3 couples de balbuzards en 1974 (Corse), 49 couples reproducteurs en 2007 (Corse et continent). Il y aura, quelque part, pour sûr, un couple de moins au printemps prochain...
Nota bis, en coup de gueule contenu : tandis qu'au Nord, des Bokkoyas marocaines (cf. http://balbuzards.cfsites.org/) aux étangs du Leicestershire (cf. http://www.ospreys.org.uk/), de longues années d'engagement ont réussi à sauver le balbuzard pêcheur de l'extinction (cf. http://www.balbuzard.over-blog.net/) ainsi que des espèces emblématiques comme les cigognes noire et blanche, des vautours, le gypaète et le pygargue, au sud du Sahara le massacre des oiseaux continue : on peut désormais traverser de part en part l'Afrique sahélienne sans rencontrer une outarde ou un grand rapace ! Partout, ce ne sont que fusils des adultes, frondes des enfants, piégeage systématique des points d'eau à la glu végétale, dénichage des poussins et collecte d'oeufs. Les bonnes âmes bien pensantes atténueront mon constat en évoquant la misère et la faim, ouais ouais ouais... En oubliant délibérément l'ignorance et la crasse satisfaction de soi-même dès lors qu'on est péri-urbain, affublé d'une oreillette, attablé au maquis devant une bière et un porc-au-four, et qu'on a la télé-novela... J'ai toujours été étonné de voir les pseudo-intellectuels du continent toujours prompts à revendiquer leur panafricanisme kadhafiste et à chercher du piment sous la langue vipérine des Blancs, mais guère soucieux, par exemple, de donner un nom aux dizaines de rapaces ici tous rangés sous le même vocable : la science en Afrique, connaît pas ! Chez les Mossè de Ouagadougou, tous 'silga', pour les rapaces diurnes, tous 'viigù', pour les nocturnes ! Une inculture environnementale totale, jusque même dans les appellations des plantes ou des animaux (les trois espèces de crocodiles existantes en Afrique de l'ouest ne sont que des caïmans... américains; les aulacodes si prisés des viandards deviennent des agoutis... sud-américains, etc.), de la vie, quoi ! Une ignorance fondamentale de son milieu d'origine, qui se répand comme une lèpre partout, dans un océan tragique d'ennui, de laxisme, d'incurie gouvernementale. Les 'forestiers' sont au bureau, ou à la parade, ou en séminaire-à-perdiems, jamais sur le terrain; dans les villes, on promène crocodiles et hyènes enchaînés, patas et babouins en laisse, dans l'indifférence générale; on brade sur le bord des routes dakaroises des cages comme des cales d'anciens trafics pleines de perroquets, de perruches et d'estrildidés par milliers. Tout le monde s'en fout. On aime les oiseaux, en sauce ou en brochette, même les immangeables cormorans et mouettes (à Bango...), ou alors derrière des barreaux - les tyrans ont leurs zoos particuliers, avec des lions, le commun des mortels aura donc son youyou !
Ci-dessous, de g. à d. :
choucadors juvéniles dénichés par des enfants - dendrocygnes braconnés - autour gabar imature capturé par un enfant
Ci-dessous, de g. à d. :
choucadors juvéniles dénichés par des enfants - dendrocygnes braconnés - autour gabar imature capturé par un enfant
Zoundweogo, sud du Burkina Faso / © Photos par Frédéric Bacuez, 1989-1996, tous droits réservés
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Merci pour l'info, même si ce n'est pas beau à voir...
RépondreSupprimerIci, et j'imagine que c'est pareil chez toi, les plus touchés sont aussi les nocturnes (ça mange les enfants !). Il y a encore un gros travail d'éducation à faire. Mais petit à petit on y arrive. Je me rappelle qu'en janvier 2002, dicutant avec un chauffeur je lui demande où sont les vautours. Il me répond qu'il y en a partout... Effectivement, après quelques jours et après avoir rabattu d'autres chauffeurs il a du se rendre à l'évidence : il n'y a plus de vautours !
Bonne journée. Thierry Helsens.
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour l'info concernant ce malheureux balbuzard à l'aile broyée... Je la transfère à mon pote pour qu'il puisse mettre ces clichés sur notre site.
J'ai passé près de 32 ans dans l'ouest africain (dont 10 ans au Sénégal, et 6 à Ouaga) et j'ai constaté, partout, ce type de massacre ou d'indifférence à la souffrance animale...
On aurait sans doute beaucoup de choses à échanger car les images sur votre blog me sont très familières (Djoudj, entre autre...).
Cordialement.
François Baillon
IRD,Unité des Virus Emergents
Faculté de Médecine de Marseille
C'est triste pour ce balbuzard. Malheureusement il y en a beaucoup, des animaux qui souffrent à chaque instant à cause de l'être humain...
RépondreSupprimerJe découvre votre blog par la même occasion. Je l'ai rajouté à ma page Sénégal de http://www.valeryschollaert.com/
Amicalement,
Valéry, 'Le monde de l'ornithologie'
Salut Fred,
RépondreSupprimerTriste... Cela me rappelle cette histoire de cigogne noire, il y a quatre ou cinq ans (je te l'avais rapporté), que mon gardien avait achetée un matin, au bord d'une mare du coté de Koubri, pour 750 francs cfa...
Courage.
R., Ouagadougou, Burkina Faso
Plus exactement à une petite dizaine de kilomètres de Koubri*, à Arzouma. Je pêchais accompagné par mon gardien Lazare. Moins patient que moi, il est parti faire un tour. Il est revenu avec, entre les mains, un grand oiseau noir. Une envergure incroyable et une teinte anthracite tout aussi surprenante. Il me dit: "regardez, patron, j'ai acheté "un pigeon". C'est bon, j'en mangeais souvent quand j'étais en Côte d'Ivoire". Il avait acheté la cigogne de toute beauté à un paysan chasseur pour 750 francs CFA. Nous étions en mars ou au début avril. Le gars faisait régulièrement le tour de l'étang avec son vélo et son vieux Simplex à un coup. Il tirait ce qu'il trouvait et revendait le produit de sa chasse au hasard de ses rencontres. Ni le chasseur, ni le chaland ne se préoccupaient de protection de la nature, de mal ou d'interdit. Ils voulaient juste bien manger.
RépondreSupprimerRinaldo, Ouagadougou, Burkina Faso
* A une vingtaine de kms au sud de Ouagadougou
Quel désastre que ce continent africain
RépondreSupprimerPJB
Thank you very much for your report regarding the incident you witnessed with the osprey.
RépondreSupprimerUnfortunately, following up such an incident would be outside the jurisdiction of the RSPB in Britain. Therefore I haved forwarded the information to our Birdlife International partner in Sierra Leone, as they are the closest participating country to Senegal and Burkina Faso.
Yours sincerely.
Vicki Blair,Investigations Co-ordinator, RSPB UK HQ
Nous transmettons votre information à nos collègues de la LPO Mission Rapaces.
RépondreSupprimerAvec nos cordiales salutations.
Sandrine Grayon, Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO)
It is a real shame to hear about the osprey that was shot in Burkina Faso, but great that you have two wintering birds close to your house in Senegal. It is always very nice for us to hear of ospreys in West Africa.
RépondreSupprimerIt would be particularly interesting to know if any of the birds you see are colour ringed -please keep in touch.
With best wishes.
Tim Mackrill, project officer
Rutland osprey project
Leicestershire and Rutland Wildlife Trust
United Kingdom
Bonjour,
RépondreSupprimermerci pour cette information et ces photos, bien que dures à voir.
Malgré tous les efforts que nous déployons pour le balbuzard sur les sites de reproduction, nous avons très peu d'informations sur la situation et les menaces en Afrique de l'ouest.
Votre contact nous est donc précieux.
Cordialement.
Renaud Nadal, Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO)Mission Rapaces
Salut Fred,
RépondreSupprimerPutain ! Je viens de rechercher ton post, car je savais que le jour où je l'avais reçu je n'avais pas eu le temps d'aller sur ton blog !
Je suis consterné ! Révolté ! J'en ai même les larmes aux yeux ! Putain mais comment peut-on faire ça !?!
Je crois que si j'avais été le témoin d'une telle ignominie, je bousillais le type !
@ +
Amitiés,
Alain, photographe animalier
http://www.alain-fournier.fr
Difficile a croire à notre époque. Ce n'est pas beaucoup mieux chez nous... ou l'on meurre pas de faim pourtant et ou l'on assasine la faune uniquement pour le plaisir de quelques uns.
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