De la forêt classée de Maka Diama : à chaque buisson sa 'retombée' de grisettes


 
De Taba Darou Salam, marchons NE/N pour vérifier s'il reste quelque chose de la 'forêt classée de Maka Diama' (FCMD). Au sud d'une ligne imaginaire marquée ici et là par de petites bornes blanches, on a beau chercher sur le téléphone les contours de ladite réserve, on doit se rendre à l'évidence : il n'y a plus de la forêt que d'épars Prosopis juliflora. Quant au terrain, c'est la nudité la plus absolue, pas un brin d'herbe ; le très sec mois de mars n'explique pas tout. Et puis, en vue d'un alignement S/N de discrets cordons de dunes mortes, une sorte de bush s'épaissit assez vite, fait d'arbrisseaux du cru et d'épais buissons d'Arak (Salvadora persica) particulièrement conquérants - et pas déshabillés par le bétail. Tout cela prend ses aises au sol, (très) nettement moins en hauteur, on est loin de la forêt universellement admise et reconnue, mais ici c'est Sénégal ! C'est dans ce secteur que nous établirons l'essentiel d'une liste*1 honorable de 56 espèces d'oiseaux, parmi lesquelles une belle et grosse surpriseet 3 de mammifères - Loup doré, Patas roux, Phacochère commun, plus les empreintes du Lièvre de savane. Maka Diama est cependant considérée comme la forêt classée la plus pauvre du Sénégal d'un point de vue de la diversité floristique. Moins d'une quinzaine d'espèces d'arbres et arbustes y ont été officiellement recensées, dont : Acacia tortilis raddiana (39,67%) ; Salvadora persica (13, 99%) ; Tamarix senegalensis (12,13%) ; Euphorbia balsamifera (11,21%) ; Prosopis juliflora (10, 38%). Je ne suis pas certain que le périmètre que nous explorons, couvert sur les pentes dunaires par Euphorbia balsamifera et dans leurs plis par les fourrés de Salvadora persica et Ziziphus mucronata reflète ces pourcentages issus d'un inventaire botanique de juillet 2020*2.

*2 Thiam, O., Sagna, M. B., Diallo, A., Sarr, O., Ndiaye, D., & Guisse, A. (2020), 'Biodiversité et structure des ligneux de la forêt classée de Maka Diama dans le delta du fleuve Sénégal', in European Scientific Journal, ESJ16(21), 2020 07


* Forêt classée de Maka Diama -
Avec 'Laye. A pied.
19 mars 2023, 7h-15h25
Météo : 9h, 23°, vent du N / 12h, 32°, vent du NNE / 13-14h, 33° / 15h, 31°, vent du NNO quasi nul - toutes températures à l'ombre, bien entendu ; si/quand on en trouve... Sensation de très grande touffeur ; accablante - on vieillit, ou perd l'entraînement.


Dans cette partie insoupçonnée de la 'forêt', les volumineux buissons de Salvadora persica et similaires sont agités d'une foultitude de passereaux. Rien d'anormal à la mi-mars, la grande traversée saharienne débute pour les petites espèces, tandis que dans le ciel migrent une bonne dizaine (11) d'Hirondelles de rivage (Riparia r. riparia) et un (1) Milan noir (Milvus m. migrans) ; c'est juste l'abondance de fauvettes qui impressionne : dans la basse vallée du Sénégal, j'ai rarement vu telle agitation, pareil rassemblement pré-migratoire. Rarement 'découvert' surtout, dans une région écologiquement malmenée, c'est un euphémisme, hospitalité végétale aussi fournie sur un si petit périmètre ; il faut se rendre sur quelques spots épargnés de l'arrière pays du Gandiolais, derrière les dunes, pour rencontrer semblables fourrés et densité pourtant loin d'être aussi impénétrables qu'ici. Si touffus qu'il nous semble que les oiseaux, singulièrement les fauvettes, en préfèrent les bordures plus que l'intérieur, des lisières ouvertes sur des clairières à nu permettant de voleter d'un bosquet à l'autre. En quête d'abord des baies mauves de l'Arak (Salvadora persica) qu'elles engloutissent prestement, comme insatiables. Au coeur de la saison sèche (aujourd'hui écrasante de chaleur, comme c'est récurrent depuis quelques années y compris à proximité du littoral), l'extraordinaire arbuste-fourré revêt à la fois des fleurs à terme et de petites boules vertes, offrant néanmoins aux passereaux de goûteuses grappes mures. Au zénith, je ne peux plus progresser, mon corps s'y refuse ; profitons d'une ombre instable pour nous vautrer comme les phacos', et observer l'activité des Sylviidées. 

Dans les fourrés ça fourmille de fauvettes !

Alentour (ce 19 mars), il y a des dizaines (>50) de Fauvettes grisettes (Curruca c. communis) plus quelques (3) Fauvettes orphées (Curruca h. hortensis). Une semaine plus tard (le 26 mars), pas loin dans une savane arborée riveraine de la grande plaine de dé/crue, une douzaine de grisettes seront très excitées, se poursuivant sans cesse. Etrangement je n'identifie pas de F. passerinette (Curruca cantillans) mais il y a peut-être d'autres fauvettes, de type à lunettes (Curruca c. conspicillata), pour le coup dans le bas des plus gros buissons ; je discerne des jizz menus, affinés, avec des pattes plus rosées mais ce pourrait être aussi bien des grisettes pas encore gavées pour la trans-saharienne - bref, on repassera, un jour, aux mêmes dates inch'Allah, par temps moins anesthésiant. Aujourd'hui mon exténuement assoiffé empêche toute velléité d'identification, contentons-nous d'observer les gobeurs qui acceptent se montrer quelques instants dans leur quête alimentaire effrénée, Fauvettes grisettes et Agrobates roux/menus (Cercotrichas galactotes/minor). Les derniers adorent se barbouiller le bec et les commissures de tout ce que la brousse peut offrir de pulpes rougeoyantes, singulièrement des figues de Barbarie, il y en a quelques parterres au sud-ouest de la forêt. Quant à différencier les deux sous-espèces, l'hivernante paléarctique et l'indigène, ne serait-ce que par la taille, ce n'est jamais évident. Heureusement en mars, les 'minor' africains chantent (cf. photo ci-dessous) et se font déjà la cour ostensiblement. Pour les migrants, ma foi, notre vallée est la seule région du pays à accueillir quelques sujets méditerranéens (jusqu'en mai maximum) : encore faut-il être certain de les distinguer à coup sûr des autochtones...

Ci-dessous, de g. à d. et de haut en bas :
'muraille' d'Arak (Salvadora persica)
Agrobate menu, chanteur
Forêt classée de Maka Diama 2023 03 19 / @ Photos Frédéric Bacuez


Ci-dessus :
Fauvette grisette - Curruca communis communis
ranch de Bango 2016 03 8 / @ Photo Frédéric Bacuez

" Au printemps, les Fauvettes grisettes du Djoudj (...) commencent leur accumulation de réserves pré-migratoires en mars et surtout avril, et doublent quasiment leur poids avant le départ (...). Les réserves accumulées leur permettent de voler 1 500 km ou plus par conditions calmes. Les oiseaux les plus lourds peuvent voler au-dessus du Sahara et de la Méditerranée sans devoir refaire de réserves (Ottosson et al., 2001). "
in Les ailes du Sahel, page 457


Sur ses terres d'hiver, d'insectivore à frugivore 

Mais revenons à nos fauvettes. Les ailes du Sahel (titre original de l'incomparable ouvrage : Living on the edge : wetlands and birds in a changing Sahel*1) nous offrent un chapitre profus consacré à la Grisette, dont voici les traits saillants :
- grosso modo, les Fauvettes grisettes d'Europe centrale et orientale ainsi que de Suède et Finlande vont passer l'hiver dans le Sahel central (Mali, Burkina Faso, Niger, nord Nigeria, Tchad) ; ce sont les oiseaux de la façade atlantique européenne (France, Pays-Bas, Danemark) et surtout des îles britanniques qui hivernent dans le Sahel occidental (ouest Mali, Mauritanie, Sénégal, Gambie). L'hivernage tropicalisé court de novembre à avril ; les passages migratoires et les haltes alimentaires dans le nord Sahel se font, à la descente, en (août)septembre-octobre, et surtout à la remontée en (mars)avril-mai. Sur les sites hivernaux du Sahel et des franges sahélo-soudaniennes plus encore, la grisette affectionne les zones agricoles (et) arbustives (le bassin arachidier sénégalais, par exemple), avec une belle variété d'arbres et arbustes indigènes épars, dominés par Balanites aegyptiaca, et une riche couverture buissonnante de Salvadora persica. Les boisements denses à Piliostigma reticulatum (alias Pied de chameau), qui abondent aux latitudes 14°-15°N et en isohyètes 400-1000 mm sont particulièrement recherchés au coeur de l'hiver (in Sidy Diakhaté, UCAD 2014). Avec Balanites aegyptiaca, Ziziphus sp. et Guiera senegalensis, ils sont les hôtes les plus riches en invertébrés (chenilles, fourmis, coléoptères, pucerons, hyménoptères parasites, diptères et larves de lépidoptères, in Jones et al., 1996 & Stoate et Moreby 1995) dont se nourrissent les Fauvettes grisettes lors de leur séjour jusqu'à la mi-mars. Durant cette période, la masse corporelle des fauvettes demeure faible. Cette alimentation insectivore est brutalement arrêtée dans les semaines qui précèdent la migration prénuptiale. A partir de la deuxième quinzaine de mars, la grisette délaisse les invertébrés et se met à ingurgiter de manière quasi frénétique des baies "en grande quantité, et de la bonne taille", qu'elle gobe essentiellement dans les Salvadora persica. Gavée comme une oie, le plumage ébouriffé par l'engraissement forcené, voilà venue pour la grisette l'heure du grand voyage par-dessus le Sahara, le Maghreb et la Méditerranée ; nuitamment et d'une traite (si possible).

*1 Zwarts L., Bijlsma R.G., van der Kamp J. & Wymenga E. (2012), Les ailes du Sahel/Living on the edge, KNNV Publishing, Zeist, Pays-Bas - 'Fauvette grisette' p. 456-463, p. 496-497
*2 Atlas des oiseaux migrateurs de France, vol. 2, coordonné par Jérémy Dupuy & Louis Sallé / LPO/BirdLife France, Muséum National d'Histoire Naturelle ; Biotope éditions (2022) - 'Fauvette grisette', par Nicolas Boileau & Louis Sallé, p. 862-865
*3 Lire précédemment sur OrnithondarFauvettes grisettes, intense ravitaillement avant survol du Sahara, 2015 03 28

Une reproduction dans le Paléarctique dépendante de la pluviométrie dans le Sahel

- La longue période de déficit pluviométrique au Sahel - qu'on a appelé Grande Sécheresse, elle n'est pourtant pas la première à l'échelle du temps- commence avec la saison humide 1971 et va durer peu ou prou un quart de siècle (1968, 1971-1993, 1996). Dans cette période, les années 1972 et 1973 et, surtout, les six saisons successives 1982-1987 auront été catastrophiques. Pour les Hommes, leur bétail et les récoltes. Pour les oiseaux aussi, migrateurs paléarctiques inclus. Notre Fauvette grisette à son corps défendant en sera la victime la plus symbolique, illustrant avant l'heure la célèbre prophétie du papillon qui déclenche un tsunami à l'autre bout du monde... En 1974, un article retentissant (chez les British seulement, car les Frenchies ne s'intéressent pas à ces futiles distractions, il en va de leur sérieux et de leur crédibilité !) s'exclame : "Where have all the Whitethroats gone ?"* Où sont passées nos Fauvettes grisettes ? Le cri d'alarme est doublé en 1989 d'un livre qui élargit le propos inquiet : 'Where have all the birds gone ?' C'est que le désastre sahélien a des répercussions jusqu'aux terres natales de nos petits oiseaux, et la Fauvette grisette en devient la figure victimaire exemplaire. Dans le drame et en raison d'une raréfaction alimentaire sur leurs terres d'hivernage, nombre de fauvettes, réputées pour leur récurrence et leur fidélité territoriale même en Afrique, y meurent avant le retour européen ; permettant aux plus solides d'elles d'élargir leur assiette sahélienne devenue chiche ; et, car voilà la trouvaille, de baisser leur reproduction au pays en prévision de la prochaine escapade sub-saharienne... C'est ainsi qu'avec le retour des pluies tropicales à la fin des années '90 de l'autre siècle, récurrence et reproductivité ont très rapidement rehaussé les effectifs de la précautionneuse fauvette. Sans jamais cependant recouvrer les stocks d'avant 1969. Mais là, sans doute d'autres 'problématiques' (comme on dit aujourd'hui) n'ont pas permis à l'espèce de lutter à la fois contre les aléas sahéliens et contre les misères répétées que le Progrès (ordre remembré et volupté chimique) lui inflige dans ses campagnes natales dévitalisées. 

* Winstanley, D., R. Spencer & K. Williamson (1974), 'Where have all the Whitethroats gone ?', in Bird Study 21: 1-14, Grande-Bretagne
* Terborgh, J. (1989), Where have all the birds gone ?, Princeton: Princeton University Press, Etats-Unis d'Amérique


" Alors qu'il fallait autrefois une vie entière pour être témoin de changements environnementaux majeurs, il ne faut plus que quelques décennies aujourd'hui. Pour la Fauvette grisette, qui recherche désespérément les baies des buissons de Salvadora persica dans le nord du Sahel en avril, 
le résultat est toutefois le même : la fin d'un paradis, avec peu d'espoir de retour. "
- in Les ailes du Sahel, page 456


Ci-dessus :
la 'forêt' de Maka Diama depuis sa plus haute dune
2023 03 19 / @ Photo Frédéric Bacuez


Les vieilles histoires de Maka Diama 

Officiellement, la forêt classée de Maka Diama (FCMD) couvre 2 290 hectares. A l'image du considérable et pourtant virtuel patrimoine forestier domanial du pays, singulièrement dans la vallée du fleuve Sénégal, son statut de réserve forestière précède de 26 années l'indépendance politique du pays : 1934, originellement sur 1 500 hectares, combien même les limites de ces périmètres en défens sont toujours très fluctuants. 

Deux campements de la chasse sénégauloise jouxtent la forêt à son extrémité nord, à l'est du barrage frontalier en bord de fleuve. Ils exploitent une 'réserve cynégétique' amodiée de  60 000 hectares, d'une partie de ladite forêt jusqu'aux marges du parc national des oiseaux du Djoudj, au nord, jusqu'à la plaine de dé/crue du fleuve Sénégal, vers la grande mare de Taba Ahmetou, au sud-est. Sauvagine (comme ils disent...), pigeons et phacos' au menu gestionnaire ; ici aussi "les premiers écolos" du pays sont les chasseurs... (séné)gaulois, avec l'onction de leurs experts du 15 janvier tropicalisé. Le terrain de jeu de nos fines gâchettes est pourtant menacé par ce qu'on appelle pompeusement le 'Progrès', exogène. Entre compatriotes néanmoins on mettra la poussière d'éventuelles discordes sous le paillasson ; on fera du "en même temps" tricolore et contradictoire, c'est notre marque de fabrique, de "nos valeurs". L'amodiation n'est guère plus qu'une location, de toute façon, du provisoire suspendu à trois paramètres contre lesquels rien ni personne ne peut lutter : la démographie, le pouvoir et l'argent. Même si le Sénégalais qui voulait s'approprier 1 800 ha du classement au début des années 2010 a eu quelques déboires avec... ses compatriotes-à-lui : les populations périphériques, essentiellement réfugiées définitives de la Mauritanie après le conflit de 1989, ne se voyaient pas dépossédées du peu qu'elles avaient pour (se) chauffer et faire paître le maigre bétail ; dont les saisonniers dromadaires culturels ! En déplaise aux doux décolonialistes, l'autochtone sait d'expérience (quotidienne) qu'entre le mauvais Blanc et le bon Noir, il faut aussi et surtout se méfier... du dernier. Il lui prend vite d'avoir les crocs, le bornage en effet conquérant, et les relations menaçantes pour plus faible(s) que lui. Pour cette fois, les populations-à-la-base ont eu raison d'une mainmise un peu précoce ; elle fera pourtant florès dans les années qui suivent, partout dans la vallée du fleuve, sur ses deux rives. Notre candidat à l'accaparement n'avait peut-être pas suffisamment d'entregent ; ou de xalis. Pour sûr que ce genre d'Homme reviendra vite à la charge. 'Inutile', la relique 'classée' de Maka Diama végète, déjà étouffée entre les deux mamelles du progressisme libérateur : au nord-ouest les butternuts de la mondialisation heureuse, au sud les carrés patriotiques du riz onirique ; et dedans, tous les brouteurs...

La farce de l'Histoire : du lion aux pintades - et quid des dindons ?

Encore vivaces, fragiles et un brin marseillaises, de rares mémoires saint-louisiennes tendent à faire de la forêt de Maka Diama l'ultime zone sauvage de la basse vallée du fleuve au tournant des XIXe et XXe siècle. C'est un Bangotin qui aurait fait la peau au dernier lion du coin, au cours du siècle passé. Jusqu'à 200 Pintades de Numidie (Numida meleagris) auraient survécu jusqu'au seuil des années 2010 ; on peine à croire cette confidence de bar d'un notable de la chasse sénégauloise et saint-louisienne, même si l'espèce a perduré bien plus au nord, sur des terres bioclimatiques arides autrement plus hostiles : Banc d'Arguin mauritanien (obs. 2013), Aïr nigérien (obs. 1983), Ennedi tchadien toujours d'actualité (obs. 2022 & 2023). Voilà où mène aussi l'incurie mémorielle propre à ces régions, pour le coup bien transmise de génération en génération : ne rien coucher sur papier, ne rien archiver, ne rien conserver - hormis l'héritage scientifique 'colon' peu à peu voué aux gémonies, et à l'oubli, il en va de sa fierté retrouvée par l'effacement (des autres). Plus de traces, pas de témoignages, seuls les fragments oraux d'un terroir mal approprié voire méprisé bientôt emportés par la mort, les vents de l'harmattan et la frénésie dite progressiste. Aujourd'hui dans cette moitié septentrionale du pays, des pintades décrites comme 'sauvages' ont seulement été notées à l'est vers Ranerou (précisément... de l'enclos de Katané, obs. 2016 10 par Juan Carlos Albero & Co : une compagnie avec pulli). Sur la Grande Côte, les ultimes rescapées de la marmite avaient été contactées vers Kébémer, en 1979 (obs. L & C. Warren) ; un nombre indéterminé et grossièrement géolocalisé dans le même secteur en 2004 (obs. D. N.) me laisse sceptique quant à sa 'wilditude'... Merci cependant à l'eBird occidental, ce peu dit tout. 



Ci-dessus :
in Thiam, O., Sagna, M. B., Diallo, A., Sarr, O., Ndiaye, D., & Guisse, A. (2020), 


Du colonial classement forestier dans la vallée du fleuve Sénégal

Discussion : l'exploitation forestière traditionnelle (charbon, chauffe, ustensiles de cuisine, émondage à bétail, perches, tronc de pirogue), culturellement sans préoccupation de transmission générationnelle, aboutit dès la fin du 19e siècle à un déboisement généralisé à l'ensemble des vallées du fleuve Sénégal (y compris les gonakiers du waalo et les gommiers du dieri). Très tôt l'administration coloniale s'en inquiète*2 - pas que par 'romantisme' (quoique...), on n'est pas naïf. Le classement de Maka Diama doit à l'époque intégrer un système d'exploitation rationalisée pour approvisionner 'durablement' (sic) en charbon de bois la ville de Saint-Louis soumise à une forte émigration de l'hinterland et à une démographie ascendante. Les années d'entre deux guerres voient d'ailleurs une intense patrimonialisation d'un couvert forestier largement dégradé voire éradiqué en bien des parties de la région. En 1936, sept forêts classées couvrent 10 890 hectares de la basse vallée du Sénégal dans la région de Saint-Louis. Dans la décennie qui précède l'indépendance politique, ce sont les mêmes, sans autre ajout que des boisements aussi vite classés que non acceptés et récupérés/colonisés (sic) par les populations. De 1960 à 2023 : rien. Ah si, des déclassements, "une bonne dizaine de forêts (...) entièrement ou partiellement déclassée au profit de certains marabouts, hommes politiques ou sociétés industrielles"*3, autant de récupérateurs qui n'ont rien du peuple, quoique souvent au nom de son bonheur-durable-à-venir. En revanche, forêts de colloques, discours, harangues, ateliers de réflexion, la sébile et les entourloupes, des projets aussi f(l)ous que les structures communicantes censées 'reverdir' le pays, bref une interminable incapacité de passer du y'a-qu'à-faut-qu'on et de la rhétorique à la pratique... du terrain. Sans oublier les aigrefins, de tous les épidermes, certains se targuent même de "reboiser dans les zones boisées" (au micro des gogos de l'UE). La quasi totalité de ces 'forêts' que j'ai pu traverser ou parcourir ne sont que reliques, boqueteaux, lambeaux et vague parc arboré ; certaines n'existent plus que sur... carte géographique. Il reste bien quelques boisements viables, ô miséricorde humaine (ou divine), mais ceux-là ne sont pas classés, allez y décrypter logique et stratégie. A la merci des 'progressistes' qui n'en feront qu'une cognée dès que l'opportunité de "développer" et "aller de l'avant" se négociera en comité restreint - "il n'y a pas d'alternative !". On ne résiste pas à la cupidité d'un état qui spolie d'un trait et n'a pas le goût du 'domaine public', pour ses générations futures, surtout s'il ne rapporte pas et vite sonnantes et trébuchantes. La Nature, c'est l'ennemi, comme dirait Jacques (Attali) le fataliste français, péremptoire érudit de la chose (et du reste). Pouah !

*2 Bernard, C. (1993),  Les débuts de la politique de reboisement dans la vallée du fleuve Sénégal (1920-1945), in Outre-mers. Revue d'histoire n°298, pp. 49-82

Ci-dessous :
CECI EST UNE FORÊT (CLASSEE)
Forêt classée de Maka Diama (FCMD) 2023 03 19 / @ Photos Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -


OISEAUX / 52 espèces + 4 autres taxons
MAMMIFERES / 3 espèces

Vu :
  • Oie-armée de Gambie (gambensis) (Plectropterus g. gambensis), 29 ind. (1 + 5 + 15 + 8 ind.)
  • Francolin à double éperon (Pternistis b. bicalcaratus), 6 ind.
  • Pigeon roussard (Columba g. guinea), 8 ind.
  • Tourterelle pleureuse (du Niger, Streptopelia decipiens shelleyi), 1 ind.
  • Tourterelle maillée (Spilopelia s. senegalensis), 11 ind.
  • Tourtelette d'Abyssinie (Turtur abyssinicus), 17 Ind
  • Tourtelette masquée (Oena c. capensis), 17 ind.
  • Ganga à ventre brun (groupe exustus) (Pterocles e. exustus [exustus Group]), 12 ind.
  • Outarde arabe (Ardeotis arabs stieberi, NT/UICN), 1 ind., farouche
  • Outarde de Savile (Lophotis savilei), 8 ind. Contacts territoriaux. Un seul mâle commence à 'chantonner'.
  • Engoulevent à longue queue (Caprimulgus c. climacurus), 1 ind.
  • Oedicnème du Sénégal (Burhinus s. senegalensis), 2 ind.
  • Grand Cormoran (à poitrine blanche) (Phalacrocorax carbo lucidus), 145 ind. (92 + 52 + 1 ind.)
  • Pélican blanc (Pelecanus onocrotalus), 57 ind. (50 + 7 ind. à la pompe)
  • Balbuzard pêcheur (d'Eurasie) (Pandion h. haliaetus), 1 ind.
  • Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus g. gallicus), 1 ind. De type femelle
  • Busard des roseaux (Circus a. aeruginosus), 2 ind.
  • Milan sp. (Milvus migrans ssp.), 1 ind.
  • Milan noir (groupe migrans) (Milvus m. migrans [migrans Group]), 1 ind. Migration active
  • Coliou huppé (Urocolius m. macrourus), 162 ind. "Conservative count - Absolument partout ! Dénombrement de carnet assez proche de la réalité, en dessous même !"
  • Huppe fasciée (Upupa epops ssp.), 2 ind.
  • Huppe fasciée (senegalensis/waibeli) (Upupa epops senegalensis), 2 ind.
  • Calao de Kemp (Tockus kempi), 9 ind.
  • Martin-chasseur strié (Halcyon c. chelicuti), 4 ind. Dont chanteur(s)
  • Barbican de Vieillot (Lybius vieilloti buchanani), 3 ind.
  • Pic goertan (groupe goertae) (Dendropicos g. goertae [goertae Group]), 5 ind.
  • Faucon crécerelle (groupe tinnunculus) (Falco t. tinnunculus [tinnunculus Group]), 1 ind.
  • Pririt du Sénégal (Batis s. senegalensis), 1 ind.
  • Brubru africain (Nilaus a. afer), 1 ind.
  • Tchagra à tête noire (groupe senegalus) (Tchagra s. senegalus [senegalus Group]), 4 ind. Le chant n'est pas encore bouleversant comme il va le devenir très bientôt...
  • Pie-grièche à tête rousse (senator) (Lanius s. senator), 1 ind.
  • Corbeau pie (Corvus albus), 2 ind.
  • Cochevis huppé (Galerida cristata senegallensis), 1 ind. Ssp. senegallensis
  • Crombec sittelle (brachyura/carnapi) (Sylvietta b. brachyura), 1 ind.
  • Érémomèle à croupion jaune (du Tchad, Eremomela icteropygialis alexanderi), 5 ind.
  • Camaroptère à tête grise (groupe brevicaudata) (Camaroptera brachyura [brevicaudata Group]), 6 ind.
  • Hirondelle de rivage (Riparia r. riparia), 11 ind. Migration active
  • Hirondelle de Guinée (Hirundo l. lucida), 5 ind.
  • Bulbul des jardins (groupe barbatus) (Pycnonotus barbatus inornatus [barbatus Group]), 8 ind. 
  • Fauvette orphée (Curruca h. hortensis), 3 ind.
  • Fauvette grisette (Curruca c. communis), >50 ind. "Conservative count - Invraisemblable retombée ! 50 est le strict minimum : chaque buisson de Salvadora persica est occupé ! Cris, chamailleries, poursuites !"
  • Sylvia ou Curruca sp. (Sylvia/Curruca sp.), X. "De type Conspicillata, plusieurs sujets envisageables, bien plus menus que C. communis - dont ind. bien vu avec pattes roses orangées"
  • Cratérope brun (Turdoides plebejus platycirca), 2 ind.
  • Choucador à ventre roux (Lamprotornis p. pulcher), 5 ind.
  • Choucador à oreillons bleus (Lamprotornis c. chalybaeus), 19 ind.
  • Agrobate podobé (Cercotrichas p. podobe), 12 ind.
  • Agrobate roux (Cercotrichas galactotes ssp.), 6 ind.
  • Agrobate (roux) menu (minor/hamertoni) (Cercotrichas galactotes minor), 4 ind. Dont femelle attirée par le chant d'un mâle
  • Alecto à bec blanc (Bubalornis a. albirostris), 7 ind.
  • Tisserin vitellin (Ploceus v. vitellinus), 2 ind.
  • Travailleur à bec rouge (Quelea q. quelea), X
  • Bengali zébré (Amandava s. subflava), 4 ind.
  • Amarante du Sénégal (Lagonosticta s. senegala), 2 ind.
  • Moineau doré (Passer luteus), X
  • Bergeronnette printanière (Motacilla flava ssp.), 16 ind.
  • Bergeronnette grise (alba/dukhunensis) (Motacilla alba alba), 1 ind.
  • Loup doré (d'Afrique) (Canis Lupaster), 1 ind., superbe spécimen adulte
  • Phacochère commun (Phacochoerus a. africanus, photos ci-dessous et en haut de notule), 11 ind. au total
  • Patas roux (Erythrocebus p. patas, NT/UICN), 5 ind.


Ci-dessus :
Sur les petits matins sahéliens, le ciel est bleu comme une orange...
Grands Cormorans à poitrine blanche - Tourterelle maillée
Forêt classée de Maka Diama 2023 03 19 / @ Photos Frédéric Bacuez
Ci-dessous :
empreintes, présences, à la croisée des chemins...
le plus bigleux, ou le plus interloqué, des onze phacochères du jour...
Forêt classée de Maka Diama (FCMD) 2023 03 19 / @ Photos Frédéric Bacuez



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Galerie photos : le Traquet de Seebohm, du Maroc au Sénégal

Hyaenidae: appel à témoins...

Adieux : vole, maintenant, tonton Aïdara !