Aparté (2e mise à jour) : empoisonnement massif - et délibéré- de Vautours charognards en Guinée Bissau



* Guinée Bissau -

Mises à jour 2/2 (22 avril, 5 mai et 17 juin 2020) : ce sont finalement 1 603 cadavres de Vautours charognards (Necrosyrtes monachusHooded Vulture) qui ont été retrouvés en Guinée Bissau ; empoisonnés. Le décompte funèbre envisagé de 2 000 victimes sera probablement loin de la morbide réalité. En raison de l'instabilité politique (un 'fait culturel' dans le pays) et des affres de la COVID-19, les investigations sont laborieuses et parcellaires. L'hécatombe aurait probablement débuté en décembre et continuait de faire ses victimes fin mars. Quelque 200 des dépouilles récupérées in situ étaient décapitées, les têtes non retrouvées par les 'enquêteurs'. Une mise à mort sacrificielle qui n'a plus rien d'accidentelle (comme on l'espérait au début de l'hécatombe), sur des décharges et environs immédiats de trois localités orientales du petit pays. Un 'braconnage' répondant à une ou plusieurs commandes spécifiques doit être sérieusement envisagé. Le marché ouest-africain de poudres de perlimpinpin est toujours plus florissant, et ne concerne pas exclusivement, loin s'en faut et de moins en moins des populations 'broussardes' (sic), censées être crédules et ignorantes, habitées par la seule superstition ou croyance animiste. La recrudescence de ces massacres industriels dans toute l'Afrique sub-saharienne, singulièrement dans les pays côtiers du Golfe de Guinée et pas uniquement au Nigeria, est désormais le fait des citadins. Onguent, amulettes et viande de brousse : on tient à conserver, à défaut de patrimoine naturel, tous ses ancrages civilisationnels. Nouveaux riches et politiciens moyenâgeux de l'Emergence africaine veulent protéger leurs fortunes, leurs affaires, leur business, leur pouvoir. Taper le sable, boire une tisane de cervelle vulturine ou ceindre d'amulettes l'élastique de son slip Calvin Klein, voilà l'harmonieux mariage de l'authenticité panafricaine et de la mondialisation. D'autant qu'elles restent encore rarissimes, sur ce continent, en Afrique de l'Ouest notamment, les réussites qui doivent tout au seul talent, à de longues et belles études universitaires, ou à un processus incontestablement démocratique. Dans la seule périphérie du Sénégal, les cas pathologiques de la Gambie, du Mali, de la Guinée Bissau, de la Guinée et même du Libéria démontrent combien... le Descartes africain n'est pas encore né. 

Une pétition :
Guinea-Bissau’s Mass Vulture Deaths - PETITION, par African Bird Club (ABC) 2020 06 17

Lire : 
- Biggest ever vulture mortality event in the world unfolds in Guinea-Bissau: estimates of over 2000 Hooded Vultures poisoned to death due to belief-based use,
in Vulture Conservation Foundation (VCF) 2020 04 21 
Investigating the mystery behind Guinea-Bissau’s mass vulture deaths,
par Lewis Kihumba in Birdlife.org 2020 05 5
Ainsi que :
The vultures aren't hovering over Africa – and that's bad news,
par Stephen Moss, in The Guardian 2020 06 13

Toute ressemblance avec des événements affectant des stocks d'hominidés, pour le coup pléthoriques, serait fortuite. Quoique; peut-être pas. Une dizaine de jours seulement, il n'aura fallu que dix jours pour assister, impuissants que nous sommes, à ce qui pourrait être les prémices d'un effondrement du Vautour charognard (Necrosyrtes monachusHooded Vulture) en Guinée-Bissau, ultime sanctuaire ouest-africain de l'espèce. Partout sur le continent, les trois dernières décennies ont vu disparaître du quotidien africain un élément essentiel et emblématique de son décor, de ses ambiances. Commun et répandu depuis la nuit des temps autour des marchés et des dépotoirs, dans les villes et les villages, le nécrophage est devenu au tournant des XXe et XXIe siècles l'une des espèces qui a connu et continue de connaître le plus rapide déclin au monde ! -83% des siens ont disparu en 53 ans (soit en trois générations seulement, in Ogada et al., 2016). Le Vautour charognard est même au seuil critique de l'extinction, selon les critères de l'Union pour la Conservation de la Nature (UICN)*3 : il n'en resterait que 197 000 représentants sur tout le continent ! La Guinée Bissau à elle seule en hébergeait il n'y a pas si longtemps pas moins de 76 000 ! Lors des comptages les plus récents dans le pays, en 2015 Wim Mullié*4 rapportait de la capitale gambienne et de sa région 3 416 de ces Vulturidés. En février 2016, avec Mohamed Henriques et Jean-Marc Thiollay, Wim avait dénombré quelque 669 Charognards dans quelques quartiers de la capitale bissau-guinéenne, estimant qu'il devait encore y avoir à Bissau plusieurs milliers de Vautours charognards. Dans les agglomérations de l'intérieur, Henriques et Thiollay en avaient quant à eux compté 2341 en mars de la même année. Et pour finir le travail, en 2017 un important dénombrement (em)mené par Mohamed Henriques et ses collègues dont notre ami Miguel Lecoq*1 enregistrait encore 43 347 Charognards dans le petit pays, faisant de la Guinée Bissau le premier bastion de Necrosyrtes monachus au sud du Sahara. 

Encore 43 347 Vautours charognards 
dans le petit pays en 2017,
faisant de la Guinée Bissau 
le premier bastion africain de l'espèce


Hélas, en cette dernière semaine de février et dans cette splendide Guinée Bissau bénie des dieux (d'antan), on annonce dans l'urgence la mort subite de 200 puis 240 et enfin 648*2 Vautours charognards, essentiellement dans les zones de Bafata et de Quebo, puis dans le célèbre archipel des Bijagos (où le Charognard est protégé car sacré); la capitale à son tour est très rapidement concernée. Sans que l'on sache, à cet instant, quelle est la cause de cet effondrement, soudain, brutal, expéditif, définitif. Dans la région ouest-africaine, les (relativement) importants effectifs de Gambie, Guinée Conakry et Guinée Bissau n'avaient pas été réellement touchés par le déclin massif qui a fauché les populations de Necrosyrtes monachus dans les pays limitrophes. Y compris celles de la ceinture soudanienne, dont le Burkina Faso qui en accueillait des dizaines voire des centaines de mille, pays dans lesquels les éboueurs du ciel étaient indissociables du folklore, autrement plus sérieux et assidus à leur tâche que les puérils Cleaning Days (si si, en anglais !) à la sauce sénégalaise d'aujourd'hui, sans lendemains, déjà fatigués... 

Breaking news : contacté par Ornithondar ce soir (1er mars, ndlr.), Miguel Lecoq, qui fait partie de l'équipe d'enquêteurs sur les causes de "l'hécatombe", me confie que le chiffre macabre de 1 000 Charognards morts a déjà été dépassé. Ajoutant que dans les circonstances post-électorales compliquées qui affectent la Guinée lusophone, il est assez hasardeux de recenser le désastre ou de faire bouger les autorités - et lesquelles (ndlr.)

Mise à jour 1/2 (15 mars 2020, ndlr.) et l'hypothèse d'un empoisonnement (contre les chiens errants, pffff...) :
Vulture conservation disaster in Guinea Bissau is nearing 1000 vulture fatalities,
in Vulture Conservation Foundation (VCF, Suisse), 2020 03 5
Hooded vultures 'on brink of extinction' in Africa after mass poisoning,
par Patrick Barkham in The Guardian (Royaume Uni) 2020 03 6


" Plus de 1000 (morts) maintenant...
Et avec l'instabilité en GB,
c'est pas facile de régler ce problème "
- Miguel Lecoq à F. B., 2020 03 1

" The likeliest cause of death 
is accidental poisoning after strychnine 
- which is banned in Europe - 
was used to control the feral dog population 
around rubbish dumps (...) "
- Patrick Barkham in The Guardian 2020 03 6

" The poisoning is 
the biggest mass death of vultures 
for more than a decade, (...) "
- Vulture Conservation Foundation (VCF)

*1 
Not in wilderness: African vulture strongholds remain in areas with high human density,
par Mohamed Henriques avec José Pedro Ganadeiro, Hamilton Monteiro, Ana Nuno, Miguel Lecoq, Paulo Cardoso, Aissa Regala, Paulo Catry
in Plos One 2018 01 31
*2 
A vulture conservation disaster: over 600 vultures dead across Guinea-Bissau with death toll continually increasing,
in Vulture Conservation Foundation (VCF, Suisse), 2020 02 28
- Mystérieuse hécatombe de vautours en Guinée-Bissau,
in Le Monde (France) 2020 02 26

*3 In Liste rouge des espèces menacées de disparition de l'Union pour la Conservation de la Nature (UICN) dans la catégorie CR/Critacally Endangered (2015)

Lire par ailleurs, du statut de Necrosyrtes monachus au Sénégal  :
*Exponential (?) decrease of an urban Hooded vulture population in Dakar, Senegal, over 50 years,
Wim Mullié et Jean-Marc Thiollay avec François-Xavier Couzi, Moussa Séga Diop, Theo Peters, Bram Piot, Pierre Adrien Reynaud, Joost van Dieren
Congrès panafricain d'ornithologie (PAOC), Dakar 2016
- 'Déclin d’une population urbaine de Vautours charognards sur 50 ans à Dakar',
par Wim Mullié et al. 2017. The decline of an urban Hooded Vulture Necrosyrtes monachus population in Dakar, Senegal, over 50 years. Ostrich 88: 131-138.
Avec la contribution personnelle de Bram Piot :
Combien de Vautours charognards à Dakar ?,
in SenegalWildlife , 2017 04 1

Précédemment sur Ornithondar :
" Qui l'eût cru ? Le vautour charognard est (aussi) en voie de disparition !

Après avoir exterminé les vautours de leur propre pays ("(...) Vultures are no longer sighted where they ones thrive in huge numbers", dixit Ruth AkaguSpecies Officer à la Nigerian Conservation Fundation - NCF), les braconniers et les consommateurs du Nigéria ont d'abord écumé le Cameroun voisin. En Afrique de l'ouest, c'est le Mali, le grrrrand empire du Mali, toujours sur le podium pour inventer les lendemains calamiteux, l'équivalent francophone du fléau anglophone nigérian pour Dame nature et sa biodiversité, qui le premier a vu ses vautours disparaître, dès la fin des années '90 - je soupçonne les Bambaras, les Dogons et la photogénique escroquerie des Dozos d'y avoir dégagé le terrain aux cupides Yoroubas. Il n'y a aujourd'hui probablement plus un vautour (à plumes) à Bamako, et on surprend l'habitant, expat' comme autochtone quand on lui demande s'il a récemment croisé des vautours... "Oula... Pas sûr... En tout cas, cela ne court pas les rues... Sérieux, je ne me souviens pas en avoir vu... Il faudrait aller voir peut-être vers les décharges publiques (...), de la taille d'un terril dans plusieurs quartiers de la ville. Y en a une pas loin du bureau, très photogénique. Les abattoirs sont partout, dès que tu as un maquis, resto, dibiterie..." [Laurent D.com. pers. 2017 04 10]. Hélas, sans vautour attenant ! Thierry Helsens l'a amèrement constaté, de retour au Mali en 2002 après quatorze ans d'absence... Le Niger connaît le même désastre inexpliqué au seuil des deux siècles, puis c'est au tour du Burkina Faso, à partir du milieu des années 2000, du jour au lendemain. La patrie des Hommes désintégrés était pourtant considérée comme le bastion central des oiseaux nécrophages. Bruno Portier, dans sa Liste de l'avifaune du Ranch de gibier de Nazinga (RGN, 2002 07 2) notait que si Charognard et Vautour africain étaient "très communs" dans la réserve naturelle aux confins ghanéens, le Vautour à tête blanche y était peu fréquent, et les Vautours de Rüppell et oricous "très rares", à l'orée de ce XXIe siècle. Mais les plus forts effectifs fréquentaient, et fréquentent peut-être encore (euh, là aussi il se passe des choses qui ne sentent pas bon..., ndlr 2020 03 1) les vastes brousses orientales du Faso - les seules, à cheval sur le Burkina, le Bénin et dans une moindre mesure le Niger, à être encore bien visibles depuis un satellite; pour le reste de la région ouest-africaine, à part le Niokolo et la Comoé, et des lambeaux ici et là, c'est fini, place nette pour la massification humaine ! Au pilon, les Vulturidés !
A la ville, c'est l'hécatombe absolue pour le si familier Vautour charognard (Necrosyrtes monachus) et le mal vient par l'ouest: disparition totale de Bobo-Dioulasso, coté burkinabè, et de Bouaké, coté ivoirien [in Jean-Marc Thiollay rapporté par Wim Mullié], tandis qu'à Ouagadougou la population tient un peu plus longtemps pour s'éteindre peu ou prou à la fin des années 2000... Au Ghanales Charognards sont encore 257 dans le grand Accra en 2013 [in Japheth S. T. Roberts] mais ils désertent en 2016 plusieurs sites urbains où ils étaient communs et bien installés [in Gbogbo et al. 2016 rapporté par Wim C. Mullié]. Bref, les vautours rendent l'âme dans la plupart des pays d'Afrique à l'ouest du Tchad et de la Centrafrique, à la campagne comme à la ville. Si la situation n'est pas encore irréversible dans quelques états riverains de l'Atlantique, du Sénégal à la Guinée, on peut déjà s'inquiéter d'un probable crack dans les années qui viennent. A ConakryBissauZiguinchor, Banjul, les Vautours charognards sont encore des centaines [in Bram Piot et Wim C. Mullié]; mais les quelques inventaires menés ici et là, s'ils montrent des records époustouflants de 76 000 Vautours charognards pour la Guinée Bissau, n'en demeurent pas moins dubitatifs quant à l'avenir du petit vautour commensal des Hommes... Et c'est depuis Dakar que Wim C. Mullié et Jean-Marc Thiollay, avec François-Xavier CouzyMoussa Sega DiopBram PiotTheo PetersJoost van Dieren et Pierre A. Reynaud tirent la sonnette d'alarme à l'occasion du dernier Congrès panafricain d'ornithologie (PAOC) qui s'est tenu dans la capitale sénégalaise, en octobre 2016. Dans cette même agglomération d'aujourd'hui 3 millions d'habitants, la population de Vautours charognards (Necrosyrtes monachus), ont documenté nos camarades, est passée de 3 000 sujets en 1970 à 350 en 2016. Avec quelques apparitions saugrenues de Vautours africains (Gyps africanus) anecdotiques - mais ceux-là, on ne les compte même plus ! Alea jacta est... Quant à Ndar, pas un vieillard, vous savez ces bibliothèques et patati et patata pour vous rafraîchir la mémoire en souffrance: un Vautour, ici ? Et puis quoi encore, pouah - c'est sale ! "
par F. B. in Ornithondar 2017 03 30 


Souvenirs d'une vie passée, 
celle de Necrosyrtes, de la mienne aussi - et d'une Afrique bientôt à jamais disparue...

En haut de notule :
Vautour charognard - Necrosyrtes monachus
Lagons du Technopole, Dakar 2016 02 27, 16h56 / @ Photo par Frédéric Bacuez, avec Jérémy Calvo, Etienne Henry & Bram Piot
Ci-dessous, colonne de g. de haut en bas :
A Soulougré et Nobéré près de l'abattoir du village, les immuables Charognards, croyait-on...
Province du Zoundweogo, Burkina Faso 1989-1996 / © Photos par Frédéric Bacuez
colonne de droite, de haut en bas :
Vautours charognards - Necrosyrtes monachus, au-dessus de mon portail...
Ouagadougou-Gounghin, Burkina Faso 1999 / © Photo par Frédéric Bacuez
Vautours charognards - Necrosyrtes monachus, sur les restes d'un Eléphant braconné
Parc national de Po (futur PN Kaboré Tambi), Burkina Faso 1980-1981 / Arch. pers. © Frédéric Bacuez, DR
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

Commentaires

  1. Mes Pyrénées n'en manquent pas !!

    RépondreSupprimer
  2. Vous devez confondre avec le Vautour fauve (Gyps fulvus fulvus), Manouche... Autre espèce, eurasienne celle-ci, qui connaît un regain de population essentiellement en raison des protections diverses et variées qui l'ont sauvée d'une disparition inéluctable. Il en est autrement des espèces de vautours d'Asie et d'Afrique qui connaissent des destins tragiques aux conséquences encore imprévisibles... Bonne journée à vous. F.

    RépondreSupprimer
  3. Le Vautour charognard n'est pas un nom générique mais bel et bien le nom français de Necrosyrtes monachus, en anglais Hooded Vulture - ce qui aurait du nous donner 'Vautour à capuchon'. La dénomination française n'est pas la meilleure, on peut en convenir, et peut prêter à confusion.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Galerie photos : le Traquet de Seebohm, du Maroc au Sénégal

Hyaenidae: appel à témoins...

5, un varan des savanes: la gueule-tapée ou plus coriace-tu-meurs !