12, les hippos, Coumba Bang* (visibles) du Djeuss


* Djeuss d''eau douce', à la confluence du Ngalam -

SOIR, ~17h-19h-
En pirogue à moteur et à pied
Participants : Anouk Vacher et Frédéric Bounoure. Et notre piroguier Massaw, avec son fils Lamine









































































Le duo d'Hippopotames amphibies (Hippopotamus amphibiusHippopotamus) qui a élu domicile à la confluence des rivières Djeuss et Ngalam, dans le lit du Lampsar, est en cette saison bien visible à la pointe de l'île 'inondable' qui leur sert de repaire. Ces hippopotames, les seuls au nord du Sénégal, sont deux femelles : une mère adulte et son petit, également une femelle d'environ dix à quinze années. Les canines et incisives me paraissent en effet relativement petites pour être celles de mâles, chez qui elles débordent souvent des lèvres inférieures. La rumeur veut qu'à l'origine, au cours des années '90, il y avait trois hippos. C'est possible, certains pêcheurs et usagers de ces marigots me l'ont affirmé. Cependant, si ces hippopotames sont bel et bien arrivés il y a une quinzaine d'années, l'errance qui les a menés de la Falémé ou des confins maliens jusqu'au Lampsar de Sanar-Bango n'est pas le fait du (seul) hasard : chez les hippos, toute cellule familiale à l'origine d'un nouveau noyau (de 5 à 30 individus, en moyenne) est fondée par une femelle, qui peut abandonner son groupe originel extrêmement hiérarchisé, et dans lequel chaque membre doit violemment tenir son rang. Si en effet la femelle n'y trouve plus sa place, elle le quitte, accompagnée de un à quatre de ses rejetons successifs pour réinventer plus loin une nouvelle cellule familiale, seule unité sociale stable chez cette espèce. Le nomadisme de la mère peut parfois durer, et dans le cas de nos hippopotames septentrionaux, on les a vus dans la dernière décennie du siècle passé, passer à Guidakhar, sur le fleuve Sénégal entre Dagana et Richard-Toll, traîner aussi dans la passe de Thiolet et même aux abords du pont Faidherbe de Saint-Louis avant qu'ils n'élisent domicile en amont de Bango, au large de Sanar. L'eau pérenne, en quantité, la hauteur et le débit relativement stables du cours d'eau, la faiblesse des courants, leur permet de passer la journée complète immergés, avec possibilité de poser les pieds sur certains fonds vaseux tout en gardant la tête hors de l'eau. L'environnement immédiat n'est pas défavorable : berges basses, quelques bancs sableux, quelques prairies riveraines où ils aiment à paître, la nuit ; et la présence sécurisante d'une grande île à la jonction du Ngalam et du Lampsar-Djeuss (même si celle-ci est devenue une presqu'île accessible aux bovins depuis que le chenal la séparant de la terre ferme est obstrué par les arbres morts et les amas limoneux). Les rives sud de l'île, coté Ngalam, sont aisées d'accès, peu colonisées par les massettes. Les berges nord du Lampsar, aussi, notamment à hauteur des rizières de Mboubeune, permettent l'accès à de jolies herbages, dont les pelouses rases sont visiblement très fréquentées par les mastodontes. Par contre, la prolifération des Typhas australis n'est pas de leur préférence ; et si l'immense typhaie devant l'Université Gaston Berger (UGB) peut leur procurer un abri en cas de danger, les hippopotames ne goûtent pas les joncs et autres typhacées, leur préférant les graminées rampantes des étroites prairies riveraines du Lampsar. Si le domaine vital diurne des hippos se réduit aux eaux de la rivière, la nuit peut les amener vers des pâturages loin de leur refuge aquatique. S'il est rare que nos Artiodactyles descendent le Djeuss au-delà des herbiers du Thioubalo (Ranch de Bango), chaque année en fin de saison pluvieuse et jusqu'en décembre, alors que la crue du fleuve Sénégal charrie limons et eau douce de l'amont, les deux hippos franchissent la digue vannée qui préserve le Djeuss des remontées salines pour quelques escapades devant le village puis la caserne de Bango, jusque dans la passe de Thiolet et même dans le delta en vue de Saint-Louis. Rappelons ici qu'au Gabon, et en Tanzanie, les hippopotames peuvent être côtiers, voire insulaires comme aux Bijagos de Guinée Bissau ; la salinité n'est donc pas rédhibitoire. Il ne reste plus à nos deux hippopotames, de fait les plus nordiques de tout le continent africain, qu'à ahaner pour que vienne, inch'Allah un jour, le compagnon qui fera prospérer la petite communauté des 'chevaux du fleuve'. Donner chair à la déesse mythique des flots, Coumba Bang*; et faire oublier la disparition, en 1992 vers Thiong, du dernier lamantin du bas delta...



Ci-dessus  :
 à la confluence des rivières Djeuss et Ngalam, deux hippopotames amphibies sont les Coumba Bang vivants des eaux du Djeuss 
/2009 06 12, vers 18h / Courtesy © photos par Anouk Vacher (ci-dessus et en médaillon, en bas au centre) et Frédéric Bounoure

* Coumba Bang : déesse protectrice des eaux du fleuve Sénégal
> Voir aussi : mon article sur l'histoire de 'nos' hippos, illustré de photos nocturnes prises par Gatien Dardenne; et une vidéo de 2009 05 27, par Eddy Graëff, à:

Lire les cédules précédentes :
- 2009 02, mi février, photos des hippos du Lampsar
- 2008 11 23, les hippos ahanent devant chez moi !
- 2008 09 12, un hippo, ça laisse des traces !
- 2008 03 8, les hippos du Lampsar ne sont pas un mythe


Commentaires

  1. Pascal J. Bacuez16 juin 2009 à 21:28

    Bien raison de rappeler que les hippos ne détestent pas l'eau salée ! En Tanzanie il faut quand même se souvenir qu'il y a toute une colonie de ces animaux à Mafia, une île située bien au large du continent (plus de 10 km au large du delta de la Rufiji), et il arrive qu'on en ait aussi dans les îles de Kilwa, mais là il n'y a qu'un bras de mer à franchir (depuis l'immense estuaire où ils sont légion !)

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