17, incursion express dans les Trois-Marigots - Aïe, le crâne d'un petit canidé qu'on aime bien !

Crâne de Renard pâle - Vulpes p. pallida
2016 11 17 - 12 1 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Aire communautaire patrimoniale des Trois-Marigots -

SOIR-
En minibus, 'piloté' avec brio par El Hadj/Alagui...
Avec Bram Piot (Senegal Wildlife, Sénégal) et les enfants de Paul Géroudet (Lire ICI sur Ornithondar):
Bastien, Christian, Cyril, Gotlieb et Manu (Nos Oiseaux et Groupe Ornithologique du Bassin Genevois, Suisse)

Sur Ornithondar, si vous avez manqué les épisodes précédents...:
Du Renard pâle - le moins connu de tous les canidés !, 2016 01 31
La nuit dans le Ndiaël, camper entre Genettes et Grands-ducs, 2016 03 2
Une nuit et deux jours dans les Trois-Marigots - un Chat en lieu et place des Renards, 2016 03 5
Un Grand-duc de Verreaux en embuscade, 2016 06 4
Un piège photographique dans le 'bush', ça ne trompe pas..., 2016 07 9

J'avais averti, pour les tanières canines et féline: c'est loin, dans les profondeurs des Trois-Marigots; d'autant qu'en cette période post-mousson l'accès n'en était pas plus garanti... que la vision hasardeuse d'un Renard pâle (Vulpes p. pallida) ou d'un Chat ganté (Felis silvestris lybica) !... La tentation était trop grande, surtout pour Bram, que de pousser une pointe jusqu'aux repaires, même en fin de journée. Au pied du cordon dunaire, nous ne sommes pas encore descendus du minibus: venant des tannes déjà asséchées, un jeune Autour sombre (melierax m. metabates) poursuit un Vanneau éperonné (vanellus spinosus) qu'il tente en effet d'éperonner par le dessus, serres pendantes et en avant... Le harponnage manque de peu le limicole, qui n'a pas le temps de gueuler comme le forcené qu'il sait être, et toutes ailes devant tente de fuir le chasseur en slalomant du mieux qu'il peut... A quelques fractions de secondes près, le jeune rapace avait son dîner !

Pour gravir le cordon dunaire arbustif, c'est déjà la débandade, pas très discrète. Nos petits prédateurs nocturnes auraient tôt fait de retourner au plus profond de leurs trous. Après les pluies, j'ai quelques hésitations erratiques pour retrouver le réseau des tanières, camouflées sous les herbages qui couvrent les sables. Les tumulus de terres ocres ont été emportés par les averses d'août et septembre; la plupart des terriers se sont effondrés pendant l'hivernage et je ne suis pas certain que les souterrains sont encore occupés, si ce n'est par quelques opportunistes et peut-être le Chat sauvage. La lumière décline déjà. Nous décidons d'arpenter la brousse voisine, là où j'observe régulièrement des Oedicnèmes tachards, des Rémiz du Soudan et même la Prinia à front écailleux. Il faut faire vite et je déteste ça. Pas fui l'Europe pour en conserver ici la rythmique effrénée, moi, ha ha ha ! Un chant de Tchagra à tête noire (tchagra s. senegalus), un Agrobate mineur (cercotrichas m. minor) et un mâle de Brubru africain (nilaus a. afer), il faut rebrousser chemin avant la nuit pour rejoindre le véhicule et notre chauffeur. Tiens, dans le bosquet, un crâne, à l'évidence celui d'un canidé... Un crâne mais rien d'autre. Hélas oui, il s'agirait bien de la petite tête caractéristique d'un Renard, presque à l'identique de celle de notre familier Vulpes vulpes d'Europe... J'ai l'impression que nous sommes ici sur une scène de crime; je collecte le crâne du défunt, qui a perdu son maxillaire inférieur, direction l'expertise légiste, à la maison...

Un crâne et trois trous au coté gauche

Vérifications faites, il s'agit bien d'un crâne de Renard pâle (Renard blond des sables, Vulpes pallida ssp. pallidapale fox, african sand foxpallid fox, cf. photo ci-après). Sa structure est strictement semblable à celle d'un crâne de Renard roux, exception faite de l'aire faciale, moins développée chez Vulpes pallida que chez Vulpes vulpes (cf. photo et dessin ci-dessous). Tiens tiens... Il y a deux petits trous ronds au niveau du parétal, ainsi qu'une déchirure horizontale derrière la malaire, au bas du temporal et au-dessus du conduit auditif externe (cf. photos ci-dessous et en haut de notule). Et si le petit canidé avait été attaqué et tué, éperonné à son tour par chasseur autrement plus costaud qu'un Autour - qui n'a peur de rien, il est vrai, même de proies plus volumineuses que lui ? Des perforations typiques de serres plantées dans le crâne par l'arrière... Mais oui, et si le meurtre était le fait du (terrible) Grand-duc de Verreaux (bubo l. lacteus, Verreaux's eagle owl) qui hante ce cordon dunaire ?!

La signature du Grand-duc de Verreaux ?

Le 4 juin dernier, faisant découvrir à Eddy G. cette partie excentrée et sauvage des Trois-Marigots, je remarquais de loin la forme rondelette et imposante d'un Grand-duc de Verreaux (bubo l. lacteus), perché et immobile sous la canopée d'un grand acacia raddiana (cf. photo ci-après). Le malin ! Le rapace était à l'affût, ostensiblement tourné vers un second réseau de tanières à Renards pâles de ma connaissance (cf. photo en bas à d.), toujours sur le même alignement dunaire et à quelque deux kilomètres au maximum des terriers (cf. photo en bas à g.) où Ornithondar avait observé, et photographié, canidés et félidé... Il était évident que le redoutable et redouté prédateur des nuits sahélo-soudaniennes ne se reposait pas ici par hasard; il était en embuscade, prêt à fondre sur tout animal qui sortirait du labyrinthe souterrain en fin de journée - divers petits rongeurs, écureuil terrestre, lièvre des buissons, mangouste, chat sauvage, renard pale voire même un marcassin de phaco'... Non seulement ce Grand-duc-là est l'oiseau nocturne au sommet de la chaîne alimentaire aviaire d'Afrique (apex predator); mais il est aussi le plus grand rapace nocturne du continent, le troisième plus costaud au monde - deux (2) à  trois (3) kilogrammes ! Ses puissantes serres tenues par des tarses exceptionnellement volumineux tuent sans échappatoire, quasi instantanément ! Le domaine vital de Bubo lacteus étant d'environ 7 000 hectares, auxquels il reste fidèle vaille que vaille (d'où sa disparition des régions les plus émergentes et une distribution ouest-africaine devenant fragmentée), il est impossible que le roi de la nuit ne couvre pas nos deux aires locales à Renards/Chats... Un Renard pâle (45 cm, 25-30 cm de queue), c'est pas bien gros mais tout de même deux (2) à trois (3) kilos (contre 4,5 à 7 voire 10 kg pour son cousin eurasien le Renard roux), comme le Grand-duc subsaharien ! C'est dire l'inégalable force du rapace !

Noctambules - les Petites Gerboises d'Egypte ont colonisé le nord du Sénégal

Il fait nuit quand nous reprenons les pistes du retour... Une première tentative de traversée du marigot, le passage au milieu des tamaris est sous l'eau; deuxième possibilité, ça passe, juste une rigole à franchir... Ici un engoulevent à longue queue (caprimulgus c. climacurus) dans la lumière d'une lampe; là, sur le talus sablonneux, les yeux qui brillent, à la fourche d'un arbre: une Genette (genetta genetta ssp. felina), peut-être... Au bord des chemins qui paraissent interminables, dans l'obscurité, les Lièvres des savanes (nouvelle taxonomie de l'espèce, aujourd'hui lepus -microtis- victoriaeafrican savanna hare) sont à découvert mais restent tétanisés dans les phares ou le faisceau des torches; idem pour les Petites Gerboises d'Egypte (Gerboise des steppes, Gerboise du désert, jaculus jaculus)*, aux longues pattes arrière comme des propulseurs (2 à 10 cm). Pour fuir, ces kangourous miniatures (4-26 cm pour 50-70 grammes) peuvent pousser des pointes à 25 km/h... Dire que ces rongeurs sahariens étaient inconnus du Sénégal jusqu'aux grandes sécheresses des années '70-80 du siècle passé... Venues de la Mauritanie en franchissant le fleuve par je ne sais quelle stratégie - et pour quel projet, hi hi hi..., elles occupent aujourd'hui l'intégralité du Sahel sénégalais au nord du 15°30. Dans le bas-delta, à l'instar de tous les petits rongeurs granivores, la Petite gerboise bénéficie de conditions particulièrement favorables: des hauteurs gavées de sables (Dieri), pour faire son trou, et des vallées toutes consacrées au dieu Riz (Walo) - un miracle, en plus des insectes, racines, plantes et fruits sauvages qui diversifient son alimentation !

Une Petite gerboise d'Egypte, in Ornithondar 2011 01 28

Épilogue: encore un Renard pâle, mort sur la petite route des Niayes...

* Route des Niayes, au sud de Lompoul -

Le 18 novembre, repartant vers Dakar et la Petite Côte par la jolie route des Niayes, Bram et ses visiteurs suisses ont trouvé sur le bitume, au niveau des dunes boisées où nous avions cassé la croûte le 16 novembre dernier (Lire aussi ICI sur Ornithondar), la dépouille d'un Renard pâle percuté par un véhicule...* Décidément, de mauvais jours pour ce petit carnivore discret bien que pas rare, réputé être le canidé le moins connu de la planète ! C'est aussi sur cette même voie que les Helvètes en goguette ont découvert, à la montée, puis retrouvé à la descente, les restes d'un Engoulevent doré (caprimulgus eximius ssp. simplicior, Zinder golden nightjar), une rareté afrotropicale présente dans une étroite bande sahélienne depuis les marges sénégalo-mauritaniennes jusqu'au Soudan. Soyons cyniques: les routes tuent mais permettent de belles coches (si on a l'oeil)... Nul doute que Nos Oiseaux voyageurs reviendront tôt ou tard sur leurs exploits sénégalais ! Selon radio-trottoir à Dakar, Bastien G. n'en finirait pas de dresser des listes exotiques, dans les frimas de sa Romandie...

* A la fin des années 2000, déboulant des ondulations sablonneuses à la nuit tombée c'est entre Mpal et Rao que j'ai vu dans les phares de notre véhicule mon premier Renard pâle, traversant la route nationale la queue à l'horizontale... Ce soir-là, anormalement chaud, des centaines de Scorpions cavalaient en tout sens sur le bitume, et craquaient à notre passage sous les pneus...

Ci-après:
en haut: crâne de Renard pâle - Vulpes p. pallida, récupéré dans les Trois-Marigots 2016 11 17 soir
2016 12 1 / © Photo par Frédéric Bacuez
 en-dessous: crâne de Renard roux - Vulpes vulpes
On remarquera l'aire faciale moins développée chez le Renard pâle que chez le Renard roux
In http://rocbo.net/technique/illustr_tech/30.html
 Ci-dessus:
en haut: Renard pâle devant l'une des nombreuses entrées et sorties de son réseau souterrain
en bas, de g. à d.: tanières n°1 - Grand-duc de Verreaux à l'affût - tanières n° 2
2016 01 31 et 06 4 / © Photos par Frédéric Bacuez

OISEAUX / 19 espèces cochées, 4 sp. entendues
MAMMIFÈRES / 5 à 6 espèces cochées + 1
AUTRES / 1 espèce

Vu:
  • Autour sombre (melierax m. metabatesdark chanting-goshawk), 1 ind. juvénile cherchant à attraper un Vanneau éperonné - carrément !
  • Francolin à double éperon (pternistis b. bicalcaratusdouble-spurred francolin), 1 + 1 + 6 + 4 + 1 + 1 ind.
  • Oedicnème du Sénégal (burhinus senegalensisSenegal thick-knee)
  • Vanneau éperonné (vanellus spinosus, spur-winged lapwing), dont sujet attaqué et poursuivi par un jeune Autour sombre !
  • Vanneau (caronculé) du Sénégal (vanellus s. senegallus, -africanwattled lapwing), 1 + 2 + 3 ind.
  • Tourterelle masquée (Tourterelle à masque de fer, oena c. capensisNamaqua dove)
  • Tourterelle maillée (spilopelia/streptopelia s. senegalensislaughing dove)
  • Tourterelle pleureuse (streptopelia decipiens ssp. shelleyi, -Nigermourning collared-dove)
  • Coucal du Sénégal (centropus s. senegalensisSenegal coucal), 1 ind.
  • Engoulevent à longue queue (caprimulgus c. climacuruslong-tailed nightjar), 1 ind. [cordon dunaire des 'terriers'] + 1 ind. à l'envol nocturne [au nord et à l'orient du 2e marigot]
  • Coliou huppé (à nuque bleue, 'oiseau-souris', urocolius m. macrourusblue-naped mousebird), 6 et 2 ind. [cordon dunaire des 'terriers']
  • Huppe fasciée d'Eurasie (upupa e. epopseurasian hoopoe), 1 ind. [cordon dunaire des 'terriers']
  • Hirondelle rustique (hirundo r. rusticabarn swallow), 1+ ind. [2e marigot]
  • Agrobate mineur (cercotrichas m. minorafrican scrub-robin), 1 ind. [cordon dunaire des 'terriers']
  • Pie-grièche à tête rousse (lanius s. senatorwoodchat shrike), 1 ind. + 2 ind. [cordon dunaire des 'terriers']
  • Crombec sitelle (sylvietta b. brachyuranorthern crombec), 2 et 1 ind. [cordon dunaire des 'terriers']
  • Brubru africain (nilaus a. aferbrubru), 1 ind., mâle [cordon dunaire des 'terriers']
  • Choucador à ventre roux (lamprotornis pulcherchestnut-bellied starling), 10+ ind. [cordon dunaire des 'terriers']
  • Tisserin vitellin (masqué, ploceus v. vitellinusvitelline masked-weaver)
Entendu:
Grue couronnée noire (balearica p. pavonina, -west africanblack crowned crane - Vulnerable/VU-Vulnérable,sur la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées de disparition), 1 à 2 ind. [rarement entendue au nord du 2e marigot !] / Martin-chasseur strié (halcyon c. chelicutistriped kingfisher), 1 ind. [cordon dunaire des 'terriers'] / Coliou huppé (urocolius m. macrourus) [cordon dunaire des 'terriers'] / Agrobate podobé (cercotrichas p. podobeblack scrub-robin), 1 ind. [cordon dunaire des 'terriers'] / Crombec sitelle (sylvietta b. brachyura) [cordon dunaire des 'terriers'] / Tchagra à tête noire (tchagra s. senegalusblack-crowned tchagra), 1 ind. chanteur [cordon dunaire des 'terriers'] /

AUTRES:
  • Phacochère commun (phacochoerus africanuscommon warthog), 1 + 1 + 7 ind.
  • Patas 'singe rouge' (erythrocebus pataspatas monkey), 1 + 1 ind.
  • Lièvre des savanes (nouvelle taxonomie de l'espèce, aujourd'hui lepus -microtis- victoriaeafrican savanna hare), 1 ind. à la lampe-torche [tannes au nord du 2e marigot] + 1 ind. dans les phares du véhicule [piste]
  • Petite Gerboise d'Egypte (gerboise du désert, jaculus jaculuslesser egyptian jerboa), au total 3 ind. passant dans les phares [à la nuit, piste à l'occident du 2e marigot]
  • Gerbille sp. (gerbillus sp.) / Mérione sp., 1 à 2 ind. dans les phares
Des yeux dans la nuit, assez bas à la fourche d'un arbre: une (1) Genette commune (d'Afrique, genetta genetta ssp. felina, common genet) ??
Et un (1) crâne de Renard pâle... (cf. photos ci-dessus et en haut de notule) (Renard blond des sables, vulpes pallida ssp. pallidapale fox, african sand foxpallid fox)
  • Bousier sp., 1 ind. noctambule

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Galerie photos : le Traquet de Seebohm, du Maroc au Sénégal

Hyaenidae: appel à témoins...

Adieux : vole, maintenant, tonton Aïdara !