30, ainsi finissent les tortues marines à Saint-Louis-du-Sénégal
2015 06, tortue luth avant dépeçage à Goxuumbacc, Langue de Barbarie, Saint-Louis-du-Sénégal / Capture Facebook courtesy © Ndarinfo.com 2015 06 21 |
* Grande Côte, de Mboro à Goxuumbacc via Lompoul-sur-mer et Potou -
Le 21 juin dernier à Saint-Louis-du-Sénégal, Ndarinfo.com a mis en ligne deux photographies (cf. ci-dessus) et une très courte vidéo récupérées sur la page Facebook d'un pêcheur de Goxuumbacc, quartier le plus septentrional de la Langue de Barbarie urbanisée. Le média local reste évasif sur ce 'partage' (lieux exacts du crime, origine et date des documents), préférant malheureusement le spectaculaire aux explications informatives. On ne jettera pas la pierre à notre scribouille ndar ndar qui, à la différence de certains grands médias dakarois totalement imperméables à ces problématiques, a le mérite d'entretenir une rubrique 'Environnement' régulièrement alimentée - et dieux savent combien les drames environnementaux sont légion au Sénégal ! On regrettera cependant qu'aucun effort ne soit fait pour que le lecteur en sache plus: de quelle espèce il s'agit, quel est surtout son statut, et pourquoi ce fait-divers est grave, révélateur des inerties sénégalaises, de l'anarchie qui règne dans certains secteurs (au premier chef celui de la pêche !), et du fossé abyssal qui s'accroît entre les 'masses populaires' (plus de 80% du pays !) et ceux qui devraient avoir la charge de les instruire, les accompagner, les aider - et les sanctionner s'il le faut. Tout cela est lourd de sens, et de conséquences, pour bientôt...
Voir les photos et une courte vidéo:
Ndarinfo.com/Le massacre des tortues marines se poursuit, 2015 06 21
On ne sait pas, bien que Ndarinfo écrive sommairement que la tortue a été tuée et dépecée sur la place, si le chélonien de 300 kg était encore en vie, ou plutôt agonisant voire déjà mort lorsque les pêcheurs l'ont traîné sur la plage. Sur les images, on se rend compte que l'animal saigne au niveau des carènes et du crane (coups de bâtons ?). Comme souvent, la tortue s'est probablement empêtrée dans les filets dérivants qui abondent au large de Saint-Louis. On peut voir que des cordages ont entaillé la chair des rames antérieures. On devine un enfant sur le dos de la bête, ainsi que des pêcheurs (encore vêtus de leurs cirés de mer) qui la retournent sans que celle-ci ne réagisse. Avant de l'évider par le rostre.
Nota 1: l'infortunée proie des Hommes est une tortue luth (dermochelys coriacea, leatherback sea turtle), espèce "intégralement protégée" partout dans le monde (cf. liste ICI). Inscrite à la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation des espèces en voie de disparition (UICN) dans la catégorie 'CR/ En danger critique d'extinction', la tortue luth est au Sénégal "protégée d'une façon absolue sur l'ensemble du territoire. Sa chasse et sa capture, y compris celle des jeunes et le ramassage des oeufs, sont formellement interdits". Un Plan national d'action pour la conservation des tortues marines, validé par un Comité National à la Direction des Parcs Nationaux du pays existe depuis la fin des années 2000 mais peine, c'est le moins qu'on puisse dire, à se concrétiser sur le terrain - à l'exception de la région de Fadiouth... si les quelques petites avancées locales n'ont pas été, depuis, effacées comme traces à la marée montante... Question idiote pour sûr, mais je me demande toujours ce que font de leurs journées les fonctionnaires des Eaux & Forêts que l'on voit s'ennuyer ferme à la Direction des parcs et réserves du nord, sur l'île patrimoniale de Saint-Louis, sur un banc aux check points routiers, allongés ou buvant le thé ici et là dans les sanctuaires naturels du pays. "Braves", "motivés", on n'en doute pas un instant; mais savent-ils ce qui se passe, souvent à quelques minutes de leurs 'postes' ? Dire qu'à Goxuumbacc, en plus, il y a un poste de contrôle douanier à l'orée de la plage et des landes de Sal Sal, désormais...
Nota 2: la tortue luth est la plus grosse des tortues marines: 300 à 500 kg pour une femelle, la seule que l'on pourra voir accoster pour pondre (des mâles capturés en mer ont pu atteindre le poids record de 950 kg !). Elle est aussi celle qui a la plus vaste répartition: quasiment l'intégralité des océans de la planète; on peut même la rencontrer dans les mers les plus froides, en périphérie de l'Arctique (Alaska, Labrador) et sur les confins argentins (Atlantique sud) ou chiliens (Pacifique). Car, singularité de l'espèce, si la luth affectionne les latitudes tropicales en période de reproduction, elle est avec l'âge de plus en plus attirée par les eaux fraîches, notamment les fameux courants froids riches de nutriments qui sillonnent l'Atlantique. Car la luth est une grande voyageuse: si ses principaux sites de reproduction se comptent sur les doigts des deux mains*, sa dispersion peut l'amener souvent au large des pays où elle ne pond pas, ou ne pond plus depuis longtemps, ce qui est le cas du Sénégal et de la Mauritanie. Il faut dire que la détérioration du littoral ouest-africain et de ses eaux côtières ne favorise guère le retour très hypothétique des tortues marines, a fortiori les luths. Se nourrissant de méduses et de planctons gélatineux, les chéloniens n'ont que l'embarras du choix, ici, en matière de... sachets plastiques et autres rebuts irresponsables parmi lesquels les filets percés que nos vaillants pêcheurs abandonnent sur leur propre site de travail nourricier, l'océan - allez y comprendre quelque chose...
* Guyane française (réserve des Salines et presqu'île de Cayenne; plages des Hattes et d'Awala-Yalimapo dans le parc naturel régional de l'Amana) / Suriname, Guyana, Trinidad / Costa Rica (parc national de Santa Rosa; réserve Gandoca Manzanillo) / Gabon (pointe Denis du parc national de Pongara; et surtout parc national Mayumba qui accueillerait la plus grande colonie au monde soit 40 000 individus - lire ICI !)
D'année en année sur la Grande Côte,
le désespérant inventaire macabre des tortues et cétacés
Nota 2: la tortue luth est la plus grosse des tortues marines: 300 à 500 kg pour une femelle, la seule que l'on pourra voir accoster pour pondre (des mâles capturés en mer ont pu atteindre le poids record de 950 kg !). Elle est aussi celle qui a la plus vaste répartition: quasiment l'intégralité des océans de la planète; on peut même la rencontrer dans les mers les plus froides, en périphérie de l'Arctique (Alaska, Labrador) et sur les confins argentins (Atlantique sud) ou chiliens (Pacifique). Car, singularité de l'espèce, si la luth affectionne les latitudes tropicales en période de reproduction, elle est avec l'âge de plus en plus attirée par les eaux fraîches, notamment les fameux courants froids riches de nutriments qui sillonnent l'Atlantique. Car la luth est une grande voyageuse: si ses principaux sites de reproduction se comptent sur les doigts des deux mains*, sa dispersion peut l'amener souvent au large des pays où elle ne pond pas, ou ne pond plus depuis longtemps, ce qui est le cas du Sénégal et de la Mauritanie. Il faut dire que la détérioration du littoral ouest-africain et de ses eaux côtières ne favorise guère le retour très hypothétique des tortues marines, a fortiori les luths. Se nourrissant de méduses et de planctons gélatineux, les chéloniens n'ont que l'embarras du choix, ici, en matière de... sachets plastiques et autres rebuts irresponsables parmi lesquels les filets percés que nos vaillants pêcheurs abandonnent sur leur propre site de travail nourricier, l'océan - allez y comprendre quelque chose...
* Guyane française (réserve des Salines et presqu'île de Cayenne; plages des Hattes et d'Awala-Yalimapo dans le parc naturel régional de l'Amana) / Suriname, Guyana, Trinidad / Costa Rica (parc national de Santa Rosa; réserve Gandoca Manzanillo) / Gabon (pointe Denis du parc national de Pongara; et surtout parc national Mayumba qui accueillerait la plus grande colonie au monde soit 40 000 individus - lire ICI !)
D'une rive à l'autre de l'Atlantique...
Ci-dessous: sur les plages de la presqu'île de Cayenne, Guyane française...
A g., 2013 07 5 6h55 sur la plage de Montjoly - A d., 2014 06 20 6h30 sur la plage de la réserve naturelle des Salines / © Photos par Frédéric Bacuez
Voir aussi: Réseau Tortues marines Guyane / Réseau Tortues Marines Guyane - Facebook / Tortues Guyane - Facebook
- Cliquer sur les photos pour agrandir -
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2015 06 15 sur la Grande Côte du Sénégal, restes de tortue luth près de Potou (région de Saint-Louis) / Wim Mullié et Abdoulaye Djiba, courtesy © photo par Tomas Diagne pour African Chelonian Institute - Facebook |
D'année en année sur la Grande Côte,
le désespérant inventaire macabre des tortues et cétacés
A l'occasion de la Journée mondiale des tortues marines (16 juin 2015), une équipe dakaroise de l'African Chelonian Institute (ACI) emmenée par Tomas Diagne*2, avec le Dr Abdoulaye Djiba (IFAN) et Wim C. Mullié, a parcouru du 15 au 18 juin 184 kilomètres du littoral de la Grande Côte, grosso modo entre Yoff-Thongor et l'ancienne embouchure du fleuve Sénégal, au sud de Saint-Louis. Comme l'an passé à pareille époque*1, la collecte macabre sur l'estran de Mboro, de Lompoul-sur-mer ou de Potou a permis de dénombrer et d'analyser plusieurs dépouilles échouées de chéloniens et de cétacés, dont celles de globicéphales. Mais ce sont surtout les cadavres des tortues marines qui étaient l'objectif premier de l'inventaire morbide: en l'occurrence chéloniens de quatre espèces parmi lesquelles la tortue luth (dermochelys coriacea, leatherback sea turtle), la tortue verte (chelonia mydas, green turtle), la tortue caouanne (caretta caretta, loggerhead sea turtle) et même une femelle adulte de la raréfiée tortue olivâtre (lepidochelys olivacea, olive Ridley turtle). Toutes ces tortues, pour la plupart des individus en migration (tortues luths, notamment) et des immatures (tortues vertes et caouannes probablement venues des populations insulaires du Cap Vert) ont parfois péri par choc contre des navires, mais le plus souvent par noyade dans les filets des armadas qui ratissent au large: au loin, les chalutiers industriels des Européens, des Asiatiques et des Sud-américains; dans les eaux territoriales, la pléthorique flotille artisanale des pirogues sénégalaises. Les premiers vident l'océan et ont tendance, à l'exception des Chinois, à rejeter par-dessus bord les tortues remontées mortes dans leurs filets - sous peine de sanctions; les seconds, qui ne risquent pas grand chose dans leur fief inexpugnable de la Langue de Barbarie et qui peinent à survivre, n'auront pas ces 'scrupules' pour ramener l'infortunée tortue prise dans leurs mailles: bon pour la soupe, même la luth réputée indigeste ! Quant à la revente des rostres et carapaces, nos braves pêcheurs savent bien qu'il y aura toujours preneur, chez les nouveaux riches, et même chez ces grands vertueux d'Européens qui n'ont souvent que la bouche pour faire le malin ! A l'ère de l'émotion sans engagement devant l'écran télé ou informatique, entre la poire et le fromage, une carapace de plus ou de moins, ma foi... Si ça peut aider, et nourrir ces pauvres gens, hein !? "De toute façon, elle est morte, non, la tortue ?!"...
*1 En rappel sur Ornithondar:
Grande Côte: 47 carcasses de tortues marines sur le sable !, 2014 08 1
*2 Lire: African chelonian.org/projects/sea turtle mortality assessment/
Et voir quelques photos de l'inventaire macabre de ce mois de juin 2015, sur African Chelonian Institute - Facebook : Senegal sea turtle stranding census project
*1 En rappel sur Ornithondar:
Grande Côte: 47 carcasses de tortues marines sur le sable !, 2014 08 1
*2 Lire: African chelonian.org/projects/sea turtle mortality assessment/
Et voir quelques photos de l'inventaire macabre de ce mois de juin 2015, sur African Chelonian Institute - Facebook : Senegal sea turtle stranding census project
Ci-dessous: de la réalité au rêve...
Je lis ton article avec intérêt et stupéfaction, quelle barbarie ...
RépondreSupprimerJe comprends que certains mangent les tortues par "coutume" ou "habitude" mais les lois ont évolué, les animaux sont protégés, il y a toute une réglementation autour des animaux...
Pourquoi ne peut-on chasser le lièvre "commun" et sur-peuplant la métropole que de septembre à novembre (en France) et massacrer une tortue luth en voie de disparition impunément tout au long de l'année ??!
Mystère.... Ca me révolte et me dégoute toujours autant de l'humanité...
Si les hommes n'existaient pas, il ne faudrait surtout pas nous inventer !!