24, braconnage 'passif' au coeur du Djoudj !


Un jeune pélican pris au piège d'une palangrotte de braconnier !
Marigot du Djoudj dans le parc national du même nom / © Vidéo par Alain-Paul Mallard à: 
http://www.flickr.com/photos/alain-paul_mallard/8143026317/in/photostream

* Marigot du Djoudj, parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD) -

A l'occasion d'une virée hors-saison (?) dans le parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD), mon ami Alain-Paul Mallard*2 a pu photographier, ce 24 avril 2012, une palangre dolinké de pêcheurs-braconniers sur le très couru marigot du Djoudj, en ayant "le privilège de sauver la vie d'un" jeune pélican blanc (pelecanus onocrotalus, great white pelican), empêtré dans les hameçons du piège à poissons, palmes et ailes perforées par les crocs de fer (cf. vidéo ci-dessus et photos ci-après). Juste à mi-parcours entre l'embarcadère et le 'patrimonial' nichoir des pélicans, en travers du marigot le plus fréquenté d'Afrique occidentale par les canots de tourisme... - quand c'est la saison ! 

Ci-dessous: 
 Libération d'un jeune pélican blanc pris au piège d'une palangrotte dolinké de braconniers 
2012 04 24, marigot de Djoudj, parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD) 
/ Courtesy © photos par Alain-Paul Mallard pour Ornithondar
- Cliquer sur les photos pour les agrandir -

En cette période très sèche, les eaux deviennent très basses, la circulation sur le marigot de Djoudj (cf. carte ci-après) en est mal aisée, d'autant que la mousson a été médiocre en 2011, dans le delta. Fini, le va-et-vient hivernal des cars de touristes à l'embarcadère: rien d'anormal, le nichoir des pélicans est déserté depuis plus de deux mois, 'ce n'est plus la saison !' Les jeunes palmipèdes de l'année volent et pêchent sans l'aide de leurs parents. Les oiseaux migrateurs du paléarctique ont rejoint le Maghreb et l'Europe tandis que les migrants intra-africains ne sont pas encore remontés de l'équateur et du Golfe de Guinée, à la faveur des flux de la (prochaine) mousson. Le parc national est en sommeil. Ses tout petits 16 000 hectares sont comme en jachère. Le personnel de la réserve s'est probablement volatilisé, lui aussi. Les deux fléaux du parc national (bétail domestique vagabond et pêche hors la loi) reprennent vite possession des lieux. De plus en plus présent jusques et y compris les berges du marigot 'touristique', quasiment à l'année désormais, le bétail domestique (cf. photos en bas) contraint les phacochères (si peu) sauvages (phacochoerus africanus, common warthog) à partager la poussière de leurs steppes avec les nonchalants bovidés; tandis que les pêcheurs-braconniers ne se privent pas de venir installer leurs palangrottes à quelques encablures des postes forestiers et du mondialement connu nichoir des pélicans ! Il faut rappeler qu'il y a quelques années, un garde-forestier probablement trop zélé avait abattu un pêcheur, ce qui avait aussitôt déclenché la furia des villageois limitrophes du parc national: des véhicules avaient été endommagés, un poste forestier incendié... On dira donc que ceci explique la mansuétude des agents de l'Etat...

Nota: la pêche à la palangrotte non appâtée est une spécialité du terroir, typique de la vallée du fleuve Sénégal: on l'appelle dolinké. C'est une ligne dormante à hameçons multiples disposés tout au long d'une corde lestée (cf. photos ci-dessus). Très utilisée en saison sèche, lorsque le niveau des eaux est à son étiage le plus bas, la dolinké est destinée à la capture des poissons à peau nue et à nage ondulante comme les silures et autres poissons-chats (clarias ssp. et heterobranchus bidorsalis sp., cf. photos ci-dessus). La facilité de sa fabrication et la modicité de son prix de revient font de la palangrotte locale un outil très rentable pour les pêcheurs villageois ou itinérants saisonniers. Cependant, cette technique de pêche passive - après l'installation de la dolinké, le pêcheur peut s'absenter pendant plusieurs jours - reste très dangereuse pour la faune, en particulier les oiseaux aquatiques (pélicans, cormorans, et même pygargues et balbuzards): c'est une pêche paresseuse et destructrice, qui ne fait pas de tri; une pêche de court terme, pour la survie - ici-, pour l'argent - là-bas... On sait désormais que la pêche hauturière à la palangre est la première cause du déclin vertigineux de certaines espèces d'oiseaux marins, de cétacés, de tortues et de sélaciens pélagiques. Dans le delta du Sénégal et affluents, bien plus que les pêches fluviales*1 aux filets maillants dormants (sabel de surface et rauk de fond), à la senne goubol de rivage walowalo, à l'énain retombant (épervier avec anneaux) ou à la nasse (en métal ou en paille), la pêche à la palangrotte dolinké demeure la principale activité traditionnelle responsable des prises accidentelles des pélicans dits 'domestiques' que l'on peut rencontrer ici et là dans les cours des villes et villages deltaïques (à Bango comme à Ndar) ou, en pleine rue tels d'énormes dindes, par exemple à Goxuumbac... Cela ne semble pas faire souci aux fonctionnaires des Eaux & Forêts du Sénégal.
*2 Ci-contre: au Djoudj, Alain-Paul Mallard, écrivain et cinéaste - "El don de errar" (RFI 2009 04)... Il enseigne épisodiquement à l'Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis...
Livres: Évocation de Mathias Stimmberg suivi de Six notes autour de l'écriture et de l'obsession, Mexique-France-Argentine, 1995, 2003, 2007 - Recels, Ed. L'arbre Vengeur 2009 - André Pieyre de Mandiargues: Pages mexicaines, Ed. Gallimard 2012 09 
Films: Nageurs, 1997 - L'origine de la tendresse, 1999 - Évidences, 2002 - L'adoption, 2004






On peut voir les jolis carnets photographiques saint-louisiens d'Alain-Paul à:

Et deux de ses vidéos que me gustan mucho:
http://www.youtube.com/watch?v=4EOmDA16BYk&list=UU1N4Mg3WTLhNOyIvRESJ5Pg&index=9&feature=plcp

Ci-dessous, de g. à d.: 
phacochères sur la digue-piste de l'embarcadère - boeufs aux abords du marigot de Djoudj - Carte du parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD) 
2012 04 24 / Courtesy © photos par Alain-Paul Mallard pour Ornithondar
- Cliquer sur les photos pour agrandir -
 

Commentaires

  1. Alain-Paul Mallard10 septembre 2012 à 07:55

    Wow ! Merci à toi !!!
    Je te fais signe vite.
    Amitiés,
    Alain-Paul

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