13-22, canicule et migration : asphyxiés, des Loriots d'Eurasie contraints de faire halte - et ils ne sont pas les seuls !

Loriot sur laurier...
Loriot d'Eurasie - oriolus o. oriolus, mâle migrateur prénuptial stationné dans mon jardin...
Bango 2016 04 18, 13h04 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Bango. Impasse Gustave Pelloux -

Exceptionnel afflux avec arrêt sur le littoral sénégalais, entre les 14 et 23 avril 2016, de Loriots d'Eurasie (Oriolus o. oriolusEurasian Golden Oriole) à la remontée prénuptiale ! Dans notre seul jardin de Bango, de 7 à 10 de ces splendides passereaux ont transité et fait halte dans la canopée des grands arbres - prosopis, tamarinier, cocotiers et manguiers des trois cours mitoyennes. Les stationnements ont eu lieu au cours d'une période caniculaire historique : maxima de 37-45°, à l'ombre, et des minima moins extrêmes, atteignant tout de même 28° le 16 avril. Au même moment, pour ne pas arranger les affaires migratoires des oiseaux, un vent de nord/nord-est heureusement peu chargé en suspensions sablonneuses, a balayé la région aux heures les plus chaudes. La présence la plus fournie de loriots - 3 à 5 sujets- a été documentée le 18 avril 2016, la plus torride journée de cette vague de chaleur, avec des maxima de 45° et des minima de 25°, toujours à l'ombre - du jamais vu à Saint-Louis-du-Sénégal et ses environs. Un premier loriot avait atterri dans le jardin le 14 avril, au premier vrai jour de la canicule et à la veille de la seconde journée la plus chaude de l'épisode (41/43° et 25/27°). C'est entre 12h et 14h05 que la majorité des oiseaux a été observée, à des strates arborées plutôt basses y compris dans les bougainvillées. Pour des oiseaux habitués des frondaisons hautes les plus denses, voilà qui n'est pas ordinaire. Les loriots, le bec ouvert, la langue étirée, cherchaient à accéder à l'abreuvoir de mon jardinet. Entreprise laborieuse, tant cette espèce est timide et farouche ; et pas bien accueillie par les habitués du point d'eau - bulbuls notamment. Le 23 avril, au second jour d'un retour aux normes climatiques de saison (et avant un net fléchissement des températures, c'est à ne plus rien y comprendre), ce sont deux loriots que nous voyons quitter la canopée, à 18h20. A l'heure de l'envol pour la migration nocturne. Ultime observation de cet exceptionnel passage d'un des plus beaux passereaux migrateurs afro-européens. Bonne chance à eux !

Ci-dessous :
Saint-Louis-du-Sénégal, 2016 04 18, 14h25 & 20h30... à l'ombre !


- Le 14 avril. 
Un premier Loriot d'Eurasie (Oriolus o. oriolusEurasian Golden Oriole) apparaît dans la cour à 14h05, brièvement. Une jeune femelle de Rougequeue à front blanc (Phoenicurus p. phoenicurus) fait halte dans un coin du jardin, entre une palissade de typhas et un mur qui laisse rebondir le vent rafraîchi au passage de la cloison végétale - pas bête...
- Le 18 avril.
Entre 13h et 14h au coeur du chaudron caniculaire, ce sont trois peut-être quatre voire cinq loriots qui se réfugient dans les grands arbres touffus du verger voisin et les vieux prosopis du jardin. Aux côtés d'un mâle à bout de souffle, un Perroquet youyou (Poicephalus senegalus, Senegal Parrot) n'en mène pas plus large, comme lui anesthésié, le bec ouvert... Le même jour à 14h20, j'entends le caquetage caractéristique d'un de ces loriots, dans la frondaison. Un mâle et une femelle réussissent à vaincre leur légendaire prudence et descendent jusqu'au seuil de l'abreuvoir, trop vite effarouchés par l'arrivée maladroite d'un bulbul ! Il fait si torride que là-haut, autre migrateur en halte obligatoire, un Pouillot ibérique (Phylloscopus ibericus, Iberian Chifchaff) cherche sa nourriture sans jamais fermer le bec. Même l'Hypolaïs obscure (Iduna opaca, Western Olivaceous Warbler) descend de ses hauteurs pour rejoindre le point d'eau, c'est bien la première fois que je la vois venir à terre, dans cette cour - c'est à peine croyable.
- Le 20 avril.
A 12h05, deux loriots se tiennent dans la frondaison d'un prosopis du jardin. L'un des deux entame les premières notes de son fameux chant flûté, trop vite abrégé. A 15h10, le même loriot, ou un autre, crie ; un peu comme un geai européen.
- Le 23 avril. Retour aux températures saint-louisiennes normales, ouf... A 18h20, encore un peut-être deux loriots s'envole(nt) des hauteurs d'un prosopis du jardin. Les loriots sont des migrateurs nocturnes. Bon voyage, allez vite, profitez de l'embellie revenue - voilà qu'il ferait presque frais, maintenant. Le monde à la renverse, décidément.

Loriot d'Eurasie, Hirondelle de fenêtre et Gobemouche gris, anormalement (trop) à l'ouest !

Nota 1 : le Loriot d'Eurasie est un passereau qui n'hiverne pas en Afrique de l'Ouest, lui préférant les forêts et les ripisylves de l'Afrique équatoriale au sud et à l'est du Cameroun, et de l'Ouganda à l'Afrique du Sud. A l'ouest du lac Tchad le loriot ne fait d'ailleurs que passer, et encore, essentiellement contacté à la remontée prénuptiale du printemps, encore plus rarement à la descente postnuptiale, d'autant plus marginalement qu'on s'éloigne vers la périphérie occidentale du continent - c'est à dire notre Sénégal. Sauf... Sauf à la faveur de conditions météorologiques exceptionnellement 'favorables' à son apparition sur le littoral atlantique. Et c'est le cas, cette fois : l'observation bangotine d'une huitaine de sujets, sur quatre journées différentes (trois jours sous canicule, un jour après la fin de l'épisode) est à mettre en relation avec une réactivation d'un harmattan hors saison, généralisé à l'ensemble du médian sahélien. Le phénomène, accompagné d'une vague caniculaire sans précédent - dix jours !- s'est développé au paroxysme de la migration prénuptiale des oiseaux paléarctiques, du 13 au 22 avril. Comme étudiée par Morel et al. dans le cadre d'un épisode similaire, les 4 et 5 mai 1964 à Richard-Toll, cette vague venteuse et caniculaire est concomitante de l'apparition à l'occident de notre région d'oiseaux migrateurs généralement peu abondants au passage prénuptial à l'ouest du Burkina Faso et du Mali : comme Morel, Ornithondar a noté la présence remarquable, en migration active ou en stationnement migratoire, de l'Hirondelle de fenêtre (Delichon u. urbicum, Common House Martin) et du Gobemouche gris (Muscicapa s. striata, Spotted Flycatcher), deux espèces relativement peu documentées du bas-delta lors de leur migration printanière. Ces passereaux qui hivernent majoritairement dans le bassin du Congo et en Afrique australe, vont au plus simple comme le Loriot d'Eurasie, préférant traverser le Sahara en ligne droite ou en diagonale, sans détour ni précaution particulière pour se reposer ou s'abreuver. Sauf quand d'exceptionnels aléas - appelés à se répéter- changent la donne et perturbent les habitudes.

Ornithondar reprend ci-après et in extenso les notes comme toujours éloquentes de Gérard Morel et Francis Roux [de la Station d'ornithologie de Richard-Toll, ex ORSTOM au Sénégal, et Laboratoire de Zoologie du Muséum d'Histoire Naturelle, Paris, France, 'Les migrateurs paléarctiques au Sénégal, II - Passereaux et synthèse générale, in 'La Terre et la Vie', n° 2, 1966]:


 Loriot d'Eurasie - Oriolus o. oriolus
Carte de distribution estivale (en orange foncé) des deux sous-espèces
 voies migratoires (postnuptiale en bleu, prénuptiale en vert)
et zone de stationnement hivernal (en orange clair)
/ Courtesy @ BirdLife International et IUCN


" Le Loriot d'Europe est un peu 'l'Arlésienne' du monde aviaire: 
on entend souvent son chant flûté, on ne le voit jamais ou presque ! "

Ci-dessous :
Loriots d'Eurasie - Oriolus o. oriolus, mâles et femelles
Halte migratoire contrainte à Bango en raison d'un épisode caniculaire historique
2016 04 18, 13h-14h20 / © Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -


Nota 2 : il est l'un des plus jolis passereaux, en Europe. Je dis bien 'en Europe' car de toute évidence il s'agit authentiquement d'un oiseau tropical qui s'en va passer l'été dans l'espace paléarctique ; avant que de revenir chez lui en Afrique, centrale, orientale et australe - où il se tient au moins huit mois sur douze... En compagnie de son alter ego, le Loriot doré (Oriolus auratus, African Golden Oriole), bien moins audacieux que l'aventurier du Paléarctique. Ce dernier se contente de remonter avec les pluies de la mousson jusqu'au Sahel, pas plus loin. Comme le Coucou gris (Cuculus canorus), le Loriot dit d'Eurasie (Oriolus o. oriolusEurasian Golden Oriole) effectue une migration circulaire : il gagne le continent africain plutôt par la voie orientale, et remonte en avril et mai pour se reproduire au Maghreb et en Europe, par le centre-ouest du continent africain et parfois plus à l'ouest comme nous le constatons ces jours-ci à Saint-Louis-du-Sénégal. 
Le Loriot d'Eurasie est un oiseau des paradoxes : vivement coloré il passe pourtant inaperçu dans la frondaison des arbres dans laquelle il a l'art de se dissimuler aux regards indiscrets. Timide, il est belliqueux dès lors qu'il se maintient sur son territoire de la nidification, pouvant même houspiller l'Homme s'il le faut. Oiseau des contrées chaudes mais bien alimentées en cours d'eau, il craint pourtant les dérèglements climatiques : son vigoureux vol nécessite beaucoup d'efforts et de battements d'ailes, les distances qu'ils parcourt en migration sont également importantes et nécessitent que l'oiseau soit alimenté de façon optimale afin d'entamer ces parcours en ligne droite, essentiellement nocturnes. Le Loriot n'est pas rare et bénéficie en Europe de l'extension de milieux qu'il affectionne, allées arborées disciplinées, plantations de peupliers au carré, accroissement des lisières abruptes et radicales. En revanche, il souffre probablement des brusques variations climatiques - pour ça, il va être servi !- et de la pression de la chasse, du braconnage industriel devrait-on dire, sur la voie migratoire orientale, en particulier en Egypte et au Liban, deux pays au top des hécatombes indiscriminées d'oiseaux migrateurs (cf. photo ci-dessous) !



Un homme, un vrai... et ses Vierges !
Au Liban, le pays des massacreurs d'oiseaux migrateurs...
Saloperie d'Hommes...

Ci-dessous :
Loriot d'Eurasie - oriolus o. oriolus, femelle au-dessus de l'abreuvoir...
2016 04 18, 14h20 / © Photos par Frédéric Bacuez
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OISEAUX / 25 espèces, 3 sp. entendues
MAMMIFÈRES / 1 espèce
REPTILES / 2 espèces
AUTRES / 1 espèce


Vu :
  • Tourterelle maillée (spilopelia s. senegalensislaughing dove) {20 avril}
  • Perroquet youyou (poicephalus s. senegalus, Senegal parrot), le bec ouvert, sur une branche très ombragée près d'un mâle de loriot {18 avril}
  • Coucal du Sénégal (centropus senegalensisSenegal coucal)
  • Huppe fasciée (upupa epopshoopoe)
  • Calao de Kemp (tokus kempiwestern red-billed hornbill)
  • Barbican de Vieillot (lybius vieillotiVieillot's barbet), à l'abreuvoir {20 avril}
  • Grand indicateur (indicator indicator, greater honeyguide), à l'abreuvoir {22 avril}
  • Pic goertan (dendropicos g. goertae, grey woodpecker) {19 avril}
  • Bulbul des jardins (de Haute-Guinée, pycnonotus barbarus ssp. inornatuscommon bulbul)
  • Rougequeue à front blanc (phoenicurus p. phoenicuruscommon redstart), migrateur prénuptial femelle stationnée en fin d'après-midi, ~16h+ {14 avril}
  • Hypolaïs obscure (iduna opacawestern olivaceous warbler), vue pour la première fois descendre à l'abreuvoir !
  • Pouillot ibérique (phylloscopus ibericusiberian chiffchaff), dans le 'gui' d'un prosopis, à côté de tisserins, toute le monde le bec ouvert ! {18 avril}
  • Crombec sittelle (sylvietta brachyura, northern crombec) {20 avril}
  • Camaroptère à tête grise (camaroptera brachyura ssp. brevicaudatagrey-headed camaroptera)
  • Souïmanga à poitrine rouge (chalcomitra senegalensis, scarlet-chestnut sunbird)
  • Souïmanga à longue queue (cinnyris pulchellus, beautiful sunbird)
  • Gonolek de Barbarie (laniarius barbarusyellow-crowned gonolek), ne semble pas concerné parla canicule !
  • Loriot d'Eurasie (oriolus o. orioluseurasian oriole), entre 7 et 10 sujets stationnés et accablés par la canicule {14, 18,20, 23 avril}
  • Choucador à oreillons bleus (lamprotornis chalybeus, greater blue-eared glossy starling), cc à l'abreuvoir
  • Moineau gris (passer griseusnorthern grey-headed sparrow) à l'abreuvoir
  • Moineau domestique indien (passer domesticus ssp. indicus, house sparrow), à l'abreuvoir
  • Moineau doré (passer luteusSudan golden sparrow)
  • Tisserin gendarme (ploceus c. cucullatus, village weaver)
  • Tisserin à tête noire (ploceus melanocephalus, yellow-backed weaver)
  • Capucin bec-d'argent (euodice cantans, african silverbill), à l'abreuvoir, à deux ou trois reprises

Entendu :
  • Tourtelette masquée (oena capensisNamaqua dove) {20 avril} / 
  • Calao à bec noir (tockus nasutusafrican grey hornbill) {17 avril} / 
  • Barbion à front jaune (pogoniulus chrysoconos, yellow-fronted tinkerbird) /

Ci-dessous :
à l'heure de la canicule...
Rougequeue à front blanc, femelle - Pouillot ibérique
2016 04 14 & 18, 16h05 et 13h40 / © Photos par Frédéric Bacuez
- Cliquer sur les photos pour agrandir -

 AUTRES :
  • Epomophore de Gambie (Epomophorus gambianis, Gambian Epauletted Fruit Bat), la nuit dans les arbres du jardin
  • Varan de l'ouest africain (varanus stellatus, Western Nile Monitor), vu prendre un bain dans l'abreuvoir !
  • Agame variable (des colons, Agama agama, Rainbow Lizard), à l'abreuvoir !
  • (petit) Monarque d'Afrique (Danaus c. chrysippusCommon Plain TigerLesser WandererQueen Butterfly, 'African Queen'), absent depuis de nombreuses semaines, revu enfin dans le jardin {19 avril}

Commentaires

  1. quelle horreur le massacreurs d'oiseaux migrateurs,
    vous l'amoureux de ces oiseaux , vous devez souffrir avec les oiseaux et l'imtempérie de la sécheresse . Toute mon empathie .

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