3, mal connu au Sahel, un faucon de Barbarie dans le Ferlo !
Faucon de Barbarie, un discret hivernant au Sahel venu des confins septentrionaux du Sahara - ou des îles Canaries ?
2015 12 3, 16h15 dans le Ferlo / © Photo par Frédéric Bacuez (détail)
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* Ferlo, zone nord-est -
APREM', 16h15-
Le long de la nouvelle piste qui remonte vers Ndioum depuis le forage de Bombodé, je devine au loin la silhouette d'un petit rapace de profil, perché dans la pénombre d'un arbre touffu, dans un bosquet ombrageux. Je pressens qu'il s'agit d'un falconidé de type lanier ou pèlerin. A l'approche, il s'envole vite et monte dans la brume sèche. Je cours le plus vite que je peux pour franchir le rideau d'arbres. Et photographie, en cascade... A vue de nez, sa queue me semble bien courte, le corps trapu mais plus ramassé que celui d'un pèlerin, ne parlons même pas de l'envergure qui n'a strictement rien à voir avec celle d'un lanier. Le faucon s'éloigne, en faisant un large demi-cercle; je devine qu'il m'épie, de là-haut. On attendra de décrypter les photos pour en savoir plus...
Mais oui ! Ce n'est évidemment pas un falco biarmicus, mais pas plus un falco peregrinus comme je le laissais entendre en revenant vers la voiture, assez content de mon flair, et de ma vue. Et à la vue des images, il s'agirait bien d'un faucon... de Barbarie, falco pelegrinoides, un cas d'espèce, longtemps rattaché à l'universel faucon pèlerin mais aujourd'hui séparé de son parent, à mon avis à juste raison. Même si BirdLife International ne le reconnaît toujours pas comme taxon. Je contacte mes référents autrement plus compétents et assermentés que moi, notamment du Maroc, et leur soumets deux de mes photographies. Les réponses ne se font pas attendre: incontestablement il s'agit d'un faucon de Barbarie (falco pelegrinoides, Barbary falcon). Bingo !
" Ah oui !
Ici je n'aurais aucun mal à qualifier ton oiseau de 'faucon de Barbarie'.
Belle observation ! "
Ici je n'aurais aucun mal à qualifier ton oiseau de 'faucon de Barbarie'.
Belle observation ! "
Nota 1: le faucon de Barbarie est le plus petit des grands faucons. Si de nombreux mais discrets détails le différencient du faucon pèlerin, dont le chiffonnage roux sur la nuque et le crane, pour ma part deux trucs m'ont immédiatement été évidents, in situ: la queue, plus courte, presque carrée; et la couleur gris-bleutée du manteau s'éclaircissant franchement sur le dos et le croupion. Quant au jizz, évidemment cela est affaire de perception, ou d'intuition... Un corps plus ramassé, et un vol moins ample. Et ces couleurs qui le rapprocheraient aussi du faucon pèlerin de Brooke (falco peregrinus ssp. brokei, cf. graphique ci-dessous), encore un oiseau marocain ou presque ! Vraiment une affaire de détails... Quant aux us et coutumes de notre oiseau, ce sont peu ou prou les mêmes que son parent tutélaire, le faucon pèlerin et ses succédanés.
Nota 2: le faucon de Barbarie est réputé résider essentiellement dans les falaises et les massifs du Sahara mais aussi sur les contreforts méridionaux des Atlas, au Maghreb. Au Maroc, c'est une espèce très prisée des ornithologues et des photographes animaliers. Peu commun, ce falconidé est surtout source de mémorables disputes dans la communauté ornitho, a fortiori au Maroc où les races du faucon pèlerin sont de surcroît les plus nombreuses au monde (cf. tableau ci-après, courtesy Patrick Bergier et Go-South) ! A noter: le faucon de Barbarie est aussi... européen: environ 75 couples sont installés sur les îles Canaries*4. Longtemps, très longtemps ignoré de notre région sahélo-soudanienne, le faucon de Barbarie connaît un regain d'attention au sud du Sahara en raison de l'augmentation significative de ses observations. Et de l'augmentation des observateurs - venus du Nord, évidemment, 'faut pas rêver !... Les premières données rapportées par Marie-Yvonne et Gérard J. Morel datent du début des années '80: un sujet photographié à Dakar en janvier 1981 [Obs. Clark W. S.]. Etrangement, c'est encore dans la capitale sénégalaise que les mentions de cette fin de XXe siècle permettent d'envisager un hivernage de l'espèce sous nos latitudes subsahariennes, jusqu'au Sénégal:
"Robert Brasseur qui habitait Dakar dans les années 90 (...) m'a donné quelques spécifications: 'les derniers mois de 1996 [j'estime novembre-décembre, WCM], au début de la rue Jules Ferry (coté sud) un individu apportait fréquemment des ploceus sp. [tisserins, FB] comme proies' [ça pourrait être un individu qui s'est installé pour l'hiver là-bas, WCM]."
"Il y avait une autre observation: fin des années 90, un individu perché sur le plus gros rocher, coté sud des Îles de la Madeleine."
"(...) cette espèce n'est pas si rare, mais probablement pas reconnue, ou identifiée comme étant un autre faucon (pèlerin ou lanier). Pendant les mois de juin à octobre 1989 j'ai fait de la recherche dans tout le Ferlo Ouest et je n'ai jamais vu l'espèce, ce qui est compréhensible si l'espèce arrive seulement pour l'hiver. Egalement dans le Khelcom où j'ai fait de la recherche sur les oiseaux tous les mois entre 2008 et 2010, je n'ai jamais observé l'espèce."
"En Mauritanie sur la péninsule de Nouadhibou, j'ai fait plusieurs observations entre 2012 et 2014 au Cap Blanc (couple nicheur sur la frontière avec le Sahara occidental [marocain, FB] et dans la Baie de l'Etoile."
- Correspondances avec Wim C. Mullié, 2015 12 17
Au cours des années '90 et dans la zone qui nous intéresse plus spécifiquement, la vallée du fleuve Sénégal, Rodwell et Sauvage rapportent quatre (4) mentions, toutes du parc national du Djoudj (PNOD), toutes aussi d'hiver, entre décembre et mars [in Rodwell et al., 1996, rapporté par Mullié & Brouwer, ndlr.]; puis huit (8) autres mentions dans les régions de Louga, Kaffrine et Tambacounda et encore Dakar - ce qui étend désormais l'aire de dispersion de falco pelegrinoides à des zones sahélo-soudaniennes d'un Sénégal plus méridional [in Sauvage & Rodwell, 1998, rapporté par Mullié & Brouwer, ndlr.]...
En ce début de XXIe siècle, la présence de falco pelegrinoides au Sénégal, et dans tout le Sahel, se confirme. Et pose de nouvelles questions, pour l'heure sans réponse: le 28 avril 2000, Wim C. Mullié et le Dr. Jan Veen observaient dans la Langue de Barbarie de notre bas-delta un couple de faucons de Barbarie adultes en train de poursuivre des tourterelles maillées sans vraiment vouloir les attraper. Au tournant du siècle, avec son complice Joost Brouwer notre ami Wim C. Mullié*1 avait déjà publié une compilation des observations sahéliennes suivie d'une discussion confirmant la présence hivernale de notre oiseau. Mieux, la publication émettait l'hypothèse d'une éventuelle nidification subsaharienne... L'observation du Gandiolais ("one individual appeared slightly larger than the other. This, together with their playful behaviour, suggested that it may have been a pair" [WCM & J.B]) faisait suite à celle d'une autre paire du Niger, en pleine saison des pluies du mois d'août 1993: les deux rapaces gagnaient les hauteurs d'une falaise de plus de soixante mètres de haut, au nord de Damana. Affaire à suivre... et à compléter. Invite à la relève naturaliste d'Afrique occidentale !
Nota 2: le faucon de Barbarie est réputé résider essentiellement dans les falaises et les massifs du Sahara mais aussi sur les contreforts méridionaux des Atlas, au Maghreb. Au Maroc, c'est une espèce très prisée des ornithologues et des photographes animaliers. Peu commun, ce falconidé est surtout source de mémorables disputes dans la communauté ornitho, a fortiori au Maroc où les races du faucon pèlerin sont de surcroît les plus nombreuses au monde (cf. tableau ci-après, courtesy Patrick Bergier et Go-South) ! A noter: le faucon de Barbarie est aussi... européen: environ 75 couples sont installés sur les îles Canaries*4. Longtemps, très longtemps ignoré de notre région sahélo-soudanienne, le faucon de Barbarie connaît un regain d'attention au sud du Sahara en raison de l'augmentation significative de ses observations. Et de l'augmentation des observateurs - venus du Nord, évidemment, 'faut pas rêver !... Les premières données rapportées par Marie-Yvonne et Gérard J. Morel datent du début des années '80: un sujet photographié à Dakar en janvier 1981 [Obs. Clark W. S.]. Etrangement, c'est encore dans la capitale sénégalaise que les mentions de cette fin de XXe siècle permettent d'envisager un hivernage de l'espèce sous nos latitudes subsahariennes, jusqu'au Sénégal:
"Robert Brasseur qui habitait Dakar dans les années 90 (...) m'a donné quelques spécifications: 'les derniers mois de 1996 [j'estime novembre-décembre, WCM], au début de la rue Jules Ferry (coté sud) un individu apportait fréquemment des ploceus sp. [tisserins, FB] comme proies' [ça pourrait être un individu qui s'est installé pour l'hiver là-bas, WCM]."
"Il y avait une autre observation: fin des années 90, un individu perché sur le plus gros rocher, coté sud des Îles de la Madeleine."
"(...) cette espèce n'est pas si rare, mais probablement pas reconnue, ou identifiée comme étant un autre faucon (pèlerin ou lanier). Pendant les mois de juin à octobre 1989 j'ai fait de la recherche dans tout le Ferlo Ouest et je n'ai jamais vu l'espèce, ce qui est compréhensible si l'espèce arrive seulement pour l'hiver. Egalement dans le Khelcom où j'ai fait de la recherche sur les oiseaux tous les mois entre 2008 et 2010, je n'ai jamais observé l'espèce."
"En Mauritanie sur la péninsule de Nouadhibou, j'ai fait plusieurs observations entre 2012 et 2014 au Cap Blanc (couple nicheur sur la frontière avec le Sahara occidental [marocain, FB] et dans la Baie de l'Etoile."
- Correspondances avec Wim C. Mullié, 2015 12 17
Au cours des années '90 et dans la zone qui nous intéresse plus spécifiquement, la vallée du fleuve Sénégal, Rodwell et Sauvage rapportent quatre (4) mentions, toutes du parc national du Djoudj (PNOD), toutes aussi d'hiver, entre décembre et mars [in Rodwell et al., 1996, rapporté par Mullié & Brouwer, ndlr.]; puis huit (8) autres mentions dans les régions de Louga, Kaffrine et Tambacounda et encore Dakar - ce qui étend désormais l'aire de dispersion de falco pelegrinoides à des zones sahélo-soudaniennes d'un Sénégal plus méridional [in Sauvage & Rodwell, 1998, rapporté par Mullié & Brouwer, ndlr.]...
En ce début de XXIe siècle, la présence de falco pelegrinoides au Sénégal, et dans tout le Sahel, se confirme. Et pose de nouvelles questions, pour l'heure sans réponse: le 28 avril 2000, Wim C. Mullié et le Dr. Jan Veen observaient dans la Langue de Barbarie de notre bas-delta un couple de faucons de Barbarie adultes en train de poursuivre des tourterelles maillées sans vraiment vouloir les attraper. Au tournant du siècle, avec son complice Joost Brouwer notre ami Wim C. Mullié*1 avait déjà publié une compilation des observations sahéliennes suivie d'une discussion confirmant la présence hivernale de notre oiseau. Mieux, la publication émettait l'hypothèse d'une éventuelle nidification subsaharienne... L'observation du Gandiolais ("one individual appeared slightly larger than the other. This, together with their playful behaviour, suggested that it may have been a pair" [WCM & J.B]) faisait suite à celle d'une autre paire du Niger, en pleine saison des pluies du mois d'août 1993: les deux rapaces gagnaient les hauteurs d'une falaise de plus de soixante mètres de haut, au nord de Damana. Affaire à suivre... et à compléter. Invite à la relève naturaliste d'Afrique occidentale !
" Pendant les mois de juin à octobre 1989 j'ai fait de la recherche dans tout le Ferlo Ouest
et je n'ai jamais vu l'espèce,
ce qui est compréhensible si l'espèce arrive seulement pour l'hiver "
et je n'ai jamais vu l'espèce,
ce qui est compréhensible si l'espèce arrive seulement pour l'hiver "
Première mention (documentée) dans le Ferlo ?
Notre observation serait-elle la première mention d'un falco pelegrinoides dans le Kooya du Ferlo ? La dernière mention connue d'Ornithondar dans le nord du Sénégal date du 12 février 2010: un sujet de seconde année avait été photographié près de Tiguet, au nord-ouest du parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD) [in ABC Bulletin, 19, 1, African Bird Club, ndlr.]. Pour notre part, nous pensons avoir observé un sujet, assez haut dans le ciel et malheureusement trop loin pour être certain de la mention, au nord du marigot de Khant, l'an passé dans les Trois-Marigots saint-louisiens. Plus loin vers le sud, dans le Sine Saloum, l'ornithologue français Simon Cavaillès (LPO, France) qui suit depuis plusieurs années un spectaculaire dortoir de faucons crécerellettes et nauclers d'Afrique dans la région de Kaolack (île de Kousmar) y observe régulièrement le faucon de Barbarie, notamment des sujets juvéniles et/ou immatures (cf. photo ci-dessous). Last but not least, presque concomitamment avec mon observation du Ferlo, Jacques Buvat*3 photographait en ce mois de décembre 2015 un sujet immature de seconde année sur cette surprenante île de Kousmar. Décidément...
Et pour (en) finir... avec la (supposée) rareté de falco pelegrinoides au Sénégal...
Additif en guise d'épilogue, par Simon Cavaillès, 2015 12 21:
"J'ai une quinzaine de données de faucons de Barbarie autour de Kaolack sur trois points d'observation différents, réparties sur les mois de juillet et octobre à décembre. L'espèce est assez commune ici. Jusqu'à l'an dernier je n'avais que des données de juvéniles et immatures, puis cette année j'ai eu un couple adulte chassant ensemble, et plusieurs obs. d'individus adultes isolés.
Jean-François Blanc a régulièrement rencontré l'espèce à travers le Sénégal je crois, sans que je connaisse le détail de ses obs. L'espèce passe clairement inaperçue, principalement à cause de sa ressemblance avec les autres grands faucons."
- Correspondance avec Simon Cavaillès*5, 2015 12 21
" L'espèce passe clairement inaperçue,
principalement à cause de sa ressemblance avec les autres grands faucons. "
'M'en fous, je serais (Inch'Allah) le premier à photographier falco pelegrinoides dans le Kooya du Ferlo ! On a la gloriole que l'on peut ! Non mais !
Avec mes remerciements, et toute mon amitié, à Wim Mullié, Simon Cavaillès, Patrick Bergier, Ludwig Lucker et Michel Aymerich pour leur bienveillante attention.
Ci-dessus:
à g., tableau des différences entre peregrinus et pelegrinoides, au Maroc / Courtesy Patrick Bergier et Go-South
à d., faucon de Barbarie mâle de seconde année calendaire, région de Kaolack, Sénégal 2015 / Courtesy © photo par Simon Cavaillès
- Cliquer sur les images pour agrandir -
*1 The Barbary Falcon Falco pelegrinoides in the Sahel, par Wim C. Mullié & Joost Brouwer, in Alauda 01/2000; 68 p. 158-161
Et:
*2 Peregrines and Barbary falcons in Morocco, in Go-South 2011 09 10
*4 http://halcontagarote.blogspot.sn/
Mise à jour:
*3 Un faucon de Barbarie à Kousmar, © photo par Jacques Buvat pour Oiseaux.net, 2015 12
*5 Voir ICI sur Senegal Wildlife, par Simon Cavaillès 2015 02 9
Ci-dessous: faucon de Barbarie dans le Ferlo
2015 12 3, 16h15 / © Photo par Frédéric Bacuez
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