29-31, chouette ! l'effraie chuinte dans le jardin...

effraie d'Afrique dans le jardin de l'impasse Pelloux 
2015 10 29, 22h59-23h02 / © Photos par Frédéric Bacuez

* Bango. Impasse Gustave Pelloux -

NUIT-
Partout où j'ai logé, à Bango comme à Saint-Louis, l'effraie d'Afrique (Tyto alba ssp. affinis, African Barn Owl) est toujours venue, à intervalles réguliers, troubler la nuit tropicale de ses longs chuintements. Avec la pleine lune, une effraie vient faire un ramdam insistant dans le jardin, depuis trois 'jours'; la dame blanche peut survoler la canopée sans s'arrêter, mais souffle pour annoncer sa ronde noctambule; elle s'en va chasser le soir à peine tombé - dès 19h20, le 29 octobre, et même 19h09 le 31 octobre. Cette nuit (du 29 au 30 octobre, ~23h puis ~3h45), l'effraie profite de l'absence de mes voisins, qui occupent l'autre maison du jardin, pour s'exciter sur les palmes pendantes des arbres (cf. photos en haut de notule). Est-ce d'apercevoir les petits et plus grands rongeurs qui vadrouillent au sol et viennent fureter autour de nos restes culinaires qui la met dans cet état ? Quand je sors avec ma lampe torche pour tenter de repérer la bavarde, l'effraie n'hésite pas à s'approcher de l'importun, et me toiser du haut d'une branche de prosopis. Les contorsions de tête de la curieuse sont toujours très amusantes.

En rappel:
Dérangée par l'élagage, l'effraie est poursuivie par la meute !, in Ornithondar 2015 11 7
Une effraie des clochers pour l'Aïd !, in Ornithondar 2010 11 17
Une effraie pas effrayée, in Ornithondar 2010 02 27

Nota 1: l'effraie est le rapace nocturne le mieux distribué au Sahel, le plus commun aussi, a fortiori dans le bas-delta du Sénégal. Comme ses cousines d'Afrique du Nord (race erlangeri) et d'Europe (race nominale alba), l'effraie subsaharienne est du genre anthropophile; elle dort et nidifie le plus souvent dans la cité des Hommes, et si les clochers qui l'hébergent en Europe lui ont donné leur nom, ici ce seront les minarets des mosquées mais aussi les châteaux d'eau voire des puits abandonnés qui feront le bonheur diurne de l'immaculée. Celle-ci avait même pour habitude de nicher dans un des miradors, aujourd'hui en ruine, des bords du Grand Lac, dans le parc national du Djoudj (PNOD)*2. A Bango à l'entrée de l'impasse Pelloux, l'effraie a depuis longtemps réquisitionné l'antique château d'eau de la maison Gerrer, que l'on voit dans le fameux film 'Coup de torchon'*1. Abdoulaye me dit qu'enfant il grimpait, avec ses petits camarades, au sommet du réservoir pour observer nos effraies locales, peu farouches, et leur nombreuse progéniture. Pour ma part, il m'arrive de rencontrer la dame blanche en brousse et dans la plaine alluviale, à l'aurore regagnant son reposoir diurne; quelquefois aussi en plein jour, assoupie dans un arbre, généralement à proximité d'un marais ou d'une typhaie (cf. photo en bas de notule). Lorsque la nature est verdoyante comme en cette saison, la blancheur extrême de Tyto alba affinis permet aisément de la repérer.

*1 Coup de torchon (1981), un film de Bertrand Tavernier (France), avec Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Philippe Noiret, Eddy Mitchell, Jean-Pierre Marielle, Guy Marchand, Gérard Hernandez

Nota 2: l'effraie deltaïque n'est guère menacée: pas d'hostilité particulière de la part des Hommes. L'engouement actuel pour la riziculture dans la vallée a toutes les chances de faire exploser un stock de rongeurs granivores*2 déjà conséquent. Dans les zones humides et dans les casiers, les rats roussards du Nil (Arvicanthis niloticus), principales proies de l'effraie 'en brousse', bien que non nocturnes, pulullent à intervalles réguliers. Dans la cité, dont l'hygiène publique et l'immodéré goût pour la dispersion des déchets restent une "culturelle" spécificité nationale, la croissance démographique des rats à mamelles multiples (Mastomys erythroleucus), principales victimes nocturnes de l'effraie urbaine, n'est pas en reste... pour maintenir un effectif de Tyto alba à un haut niveau. Crocidures, gerbilles et gerboises à l'occasion se retrouveront en très petite quantité dans les pelotes de réjection. Quant aux batraciens et insectes, avec un oiseau de temps à autre (hirondelle, estrildidé), ils compléteront le régime du rapace en cas de disette ou d'envie irrepressible d'extravagance alimentaire... Rien d'étonnant à ce que l'effraie de notre région est réputée produire plusieurs couvées par an - à raison de cinq à sept oisillons par nichée, au minimum !-, sans saison fixe; les fluctuations dans les 'stocks' de rongeurs sont les seules contraintes pour la reproduction de l'effraie. Outre la mortalité, comme partout très importante dans les deux premières années d'existence du jeune et téméraire noctambule - collisions, électrocutions, prédation, accidents divers.

*2 Lire:
Les micromammifères du Djoudj par l'analyse du régime alimentaire de la chouette effraie,
par Khalilou Ba, Laurent Granjon, Rainer Hutterer & Jean-Marc Duplantier, in IRD 2000 12
Ci-dessous: 
effraie d'Afrique, digue Bango-Mboubeune
2010 02 27 / © Photo par François Marmeys avec Frédéric Bacuez pour Ornithondar

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