22, dénichage au Gueyeloubé, suite : pulli de Grande aigrette d'Afrique, d'Anhingas roux et de Bihoreaux gris... pour la Tamkharit et la... ganja !

Anhingas d'Afrique de quelques semaines, au refuge bangotin de l'amie V.
2015 10 22 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Bango, "banlieue 13"-

APREM' -
Que le toubab est naïf ! Cet après-midi j'apprends par inadvertance que demain soir c'est Tamkharit, le terme wolof pour désigner l'Achoura, 10e jour de l'an de grâce musulman, 1437. Je sors à peine du jardin de V., après avoir participé de la becquée sentimentaliste à nos pensionnaires, les deux petits Anhingas d'Afrique (Anhinga rufa) sauvés avant-hier soir d'un funèbre destin [Lire ICI]. Dans la ruelle, arrive Abdoulaye à qui j'ai confié la tâche de rapporter du poisson pour nos insatiables protégés - et une énorme sole pour la maisonnée (1 000 francs cfa) ; à ses côtés, aïe ! le même A. S., l'oiseleur hilare d'avant-hier, tient à bout de bras son macabre sac... Au fond du faux couffin, cette fois : une Grande Aigrette d'Afrique (Egretta alba melhanorhyncha) et trois Bihoreaux gris (Nycticorax nycticorax) - tous des pulli, dénichés sur la même mangrove du Gueyeloubé mauritanien... Je suis effondré, écoeuré, et ne jette même pas un regard au braconnier : quelques mots avec Abdoulaye et je retourne aussi vite que je le peux dans mon impasse, ma bulle, mon univers meurtri.

4 000 francs cfa - 6,10 euros pour 2 anhingas, 3 bihoreaux et 1 grande aigrette !

J'apprends plus tard de la bouche d'Abdoulaye que le trafiquant a osé frapper à la porte de V. et s'y est fait éconduire, par elle et par le sénégalais T. Lors de la becquée d'après-midi, V. me confiait que deux autres anhingas avaient dépéri dans la cour du trafiquant, six jours après leur capture. Abdoulaye confirmait: "tu sais, Fred, ces gens croient que ça fait plaisir aux Blancs, de leur apporter ces oiseaux !" - beh ouais, que  suis-je con (ce que pensent de nous autres toubabs la majorité de nos 'partenaires', et ils n'ont pas tort, à force d'expériences concluantes...) : quand on aime les animaux on ne compte pas et on les met chez soi en cage, dans une caisse ou au bout d'une ficelle au fond du jardin ! J'apprends, toujours de la bouche de Laye, que l'oiseleur est un grand amateur de cigarettes et de marijuana, comme tant de jeunes du pays, illettrés, désoeuvrés ; décérébrés. Et qu'avec la fête qui s'annonce, les besoins d'argent se font plus pressants, pour fumer, boire et s'amuser. Les oisillons de la mousson en feront les frais : ces jours-ci, les dénommés M. et A. ont à plusieurs reprises remonté le fleuve à la nuit jusqu'au Gueyeloubé des voisins "frères "pour kidnapper leurs pulli et s'en faire de petits xalis vite partis en fumette. Ah oui, si vous êtes intéressés : 2500 francs cfa - 3,81 euros pour quatre vies condamnées, celles d'une aigrette et de trois bihoreaux ! Même pas un prix d'ami, même pas pour mieux manger, non ! Juste de quoi faire la bamboula ; et s'enivrer en terre d'Islam. Fumisterie. Vive la Tamkharit !

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