17, migration prénuptiale: les rougequeues du jardin sont partis

Dernières heures d'hivernage bangotin pour cette femelle de Rougequeue à front blanc... 
Depuis mon bureau 2015 04 16 16h10 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Bango. Impasse Gustave Pelloux -

MATIN-
Après sept mois de séjour hivernal au Sénégal (en gros: mi-septembre/mi-avril), le dernier des deux Rougequeues à front blanc (Phoenicurus phoenicurus ssp. phoenicurus, Common Redstart) du jardin bangotin nous a faussé compagnie, discrètement pendant la nuit - du 16 au 17 avril- pour entamer sa longue migration prénuptiale. C'est une femelle - encore observée hier, 16 avril, peu après 16h (cf. photo en haut de notule). Comme souvent, familière mais sur le qui-vive, elle était apparue pour une dernière représentation fébrile sur les marches et le tapis de coquillages devant la porte d'entrée de la maison, puis sous la chaise qui me sert de tabouret pour scruter les péripéties du couple de huppes voisin - bientôt sur Ornithondar... Un mâle était déjà reparti il y a moins d'une semaine, probablement dans la nuit du 11 au 12 avril. Bien que plus farouche, il avait en fin de séjour les mêmes habitudes que la femelle : becqueter au sol les minuscules fourmis qui viennent charger les grains de riz épargnés sous le sable par l'armada des Moineaux dorés...

Monsieur: départ nuit 11-12 avril
Madame: départ nuit 16-17 avril

Nota 1 : en février, les deux Rougequeues à front blanc s'ignoraient avec superbe. Bien que moins chatoyante que le mâle, la femelle était plus visible, chassant quotidiennement dans le jardin. Prudemment le garçon n'y faisait que de brèves apparitions, remontant vite dans les haies et sur le parapet des maisons voisines, ou encore dans le fouillis des branches des Prosopis qui pendent au-dessus du toit. A partir du 15 mars, les deux rougequeues semblent se rapprocher l'un de l'autre. Entre les 17 et 20 mars, le jardin accueille d'autres passereaux, en halte migratoire : une Rousserolle effarvatte (Acrocephalus s. scirpaceus, les 17 et 18 mars, au moins), une Fauvette des jardins (Sylvia borin, le 18 mars, avec un bref conflit avec le mâle rougequeue), sans doute une seconde Hypolaïs obscure (Hippolais opaca) et même une Fauvette  passerinette (Curruca iberiae, 18 et 19 mars). Tout ce beau monde a le don d'irriter le mâle rougequeue, à moins que cela ne réveille en lui quelque libido assoupie par l'hiver sénégalais... Toujours est-il que le 20 mars nous assistons à un véritable ballet aérien : monsieur et madame rougequeues se provoquent et surtout se poursuivent à toute vitesse entre les arbres et les branchages. A midi, les courses sont accompagnées de très nombreux craquètements caractéristiques. Le 21 mars, seul le mâle semble toujours nerveux, peut-être encore émoustillé par les voltiges de la veille. Dans les jours qui suivent, l'excitation est retombée et le duo ressemble déjà début avril, à s'y méprendre, à un vieux couple. Les autres passereaux de passage ont demandé la route - seule l'Hypolaïs obscure qui avait fait son propre ménage il y a quelques semaines lors de l'irruption dans son domaine d'un intrus de son espèce, continue inlassablement d'escalader tous les Prosopis, comme si de rien n'était. Ce 17 avril à midi, après le départ de cette femelle rougequeue, l'hypolaïs est l'ultime représentant des hivernants paléarctiques encore présent dans le jardin bangotin !

Rougequeue à front blanc mâle, Bango, Saint-Louis-du-Sénégal
2015 03 20, 17h / © Photo par Frédéric Bacuez

Nota 2 : avec une répartition très vaste (depuis les confins péri-arctiques aux montagnes de l'Atlas marocain, du Portugal et de l'Ecosse aux steppes de l'Asie centrale), le Rougequeue à front blanc est en plus relativement cosmopolite : au nord, ce seront les forêts et leurs clairières, au sud les broussailles et les vergers. L'essentiel est de trouver des insectes à satiété, et des anfractuosités pour nidifier : originellement des cavités arboricoles, de plus en plus remplacées par des ouvertures quelconques dans les murs de pierres ou les bâtiments. Si les populations méditerranéennes pâtissent de l'emprise anthropique sur leurs habitats (avec un déclin dans les effectifs ibériques) il en est de même pour les populations montagnardes des Alpes où la disparition des vieux arbres, des friches et des murets dans des vallées de plus en plus bétonnées (France, Suisse) contraint les rougequeues à monter en altitude - merci au réchauffement climatique, pour le coup ! Globalement, il semble que les 27,6 à 96 millions d'individus estimés dans l'aire de distribution (l'Europe accueillant 6,8 à 16 millions de couples reproducteurs, et 50 à 74% des effectifs mondiaux, Lire ICI sur BirdLife International) restent stables voire en légère augmentation. Il n'en reste pas moins que l'espèce est très fragile face aux aléas climatiques et aux perturbations de son habitat - tant sur ses sites de reproduction que d'hivernage africains. Ah oui, comme pour tant d'espèces au long cours, plus les rougequeues sont nordiques plus ils hivernent loin vers le sud. Il y a de fortes chances que mon duo de ces deux derniers mois bangotins était scandinave - qui sait, peut-être même des Lapons ?! Que les choses de la nature sont hors de l'entendement humain...

Ci-dessus : 
mâle et femelle de Rougequeue à front blanc dans le jardin bangotin, 
Berges du Djeuss, près de Saint-Louis-du-Sénégal  
2015 03 20 à 04 11 / © Photos par Frédéric Bacuez

De l'Afrique...

" Quel prodigieux miracle 
que le fidèle retour année après année  
du Rougequeue à front blanc revenu d'Afrique, 
rallumant les ardeurs du printemps !
Hélas, 
le chant mélancolique de cet esthète complet, 
qui retentissait partout autrefois,
se fait rare dans une campagne 
qui se désole de ses vergers "

- Station ornithologique suisse, in Vogelwarte.ch

... à l'Europe...

Ci-dessous : 
Rougequeue à front blanc juvénile (1ère AC), 
Haute Savoie, France  2014 08 15 midi / © Photo par Frédéric Bacuez

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