21, Bango: 'ouverture' de la saison de 'pêche aux oiseaux' !
2013 11 21 au soir, premières 'pêches' bangotines de la saison 2013-2014: deux sternes caspiennes juvéniles bientôt dans la marmite ! / Courtesy photo par Abdoulaye S. pour Ornithondar |
* Bango. Digue du Lampsar saumâtre -
SOIR-
A 17h30, un groupe de jeunes garçons quitte la digue de Bango, au bord du marigot de Lampsar: dans le sac charbonneux qu'ils ont du mal à lever, deux sternes caspiennes (sterna caspia, caspian tern) de 1ère année, prises au poisson hameçonné comme des dizaines et des dizaines de leurs congénères inexpérimentés le seront dans les semaines qui viennent.
A 17h30, un groupe de jeunes garçons quitte la digue de Bango, au bord du marigot de Lampsar: dans le sac charbonneux qu'ils ont du mal à lever, deux sternes caspiennes (sterna caspia, caspian tern) de 1ère année, prises au poisson hameçonné comme des dizaines et des dizaines de leurs congénères inexpérimentés le seront dans les semaines qui viennent.
Et c'est reparti pour une énième 'campagne de pêche'... très spéciale ! Comme chaque année au début de l'hiver, les enfants de Bango - pas plus à l'école et à la bibliothèque avec Macky qu'avec Abdoulaye...- tuent leurs journées, et leur avenir, sur les berges dégueulasses de la digue bangotine, entre immondices et eaux croupies, au milieu des pirogues andédiluviennes sous les prosopis qui en voient de tous les coups, autour des vannes du 'barrage' qui rendent l'âme - comme le plan d'eau douce, asphyxié par les herbes et, chuuuuut... par les produits 'phytosanitaires' (comme il faut dire...) qu'on déverse allègrement en amont sur les tomates 'européennes' et le riz 'patriotique'... Comme partout au Sénégal où il y a de l'eau, donc sur le littoral des deux côtes et sur les fleuves deltaïques, de novembre à mars les futurs citoyens du pays pêchent les oiseaux aquatiques hivernants avec l'inventivité, l'abnégation et la patience qui caractérisent, partout, cet âge insouciant et cruel.
Un jeu cruel, pour tuer le temps, et varier l'alimentaire
La 'pêche aux oiseaux' consiste à hameçonner un long filin de nylon (chinois), y attacher un petit poisson avant de faire tournoyer et lancer l'appât au plus loin dans les eaux; précautionneusement, le 'pêcheur' ramène lentement vers lui le fil piégé, donnant l'illusion aux oiseaux que le poisson est bel et bien vivant... Si le laridé plonge sur le leurre, l'hameçon a toutes les chances d'harponner la gorge de l'oiseau, dès lors tiré le plus rapidement possible vers le piégeur, au risque de voir le volatile, qui freine des deux ailes et boit la tasse, s'arracher du crochet et s'envoler... dans les cris de désespoir des garçonnets - évidemment, ces jeux-là ne sont pas pour les filles, cela va de soi ! Les victimes sont dans une large majorité des sternes pierregarins (sterna hirundo), caugeks (sterna sandvicensis), royales (sterna maxima) et surtout caspiennes (sterna caspia) ainsi que les cormorans africain (phalacrocorax africanus) et à poitrine blanche (phalacrocorax carbo lucidus) mais il est fréquent que d'autres espèces d'oiseaux s'y laissent prendre. Cette technique de chasse ne choisit pas ses proies et ne fait pas de quartiers. Si les sternes caugeks et caspiennes font la majorité des victimes, des goélands bruns (larus fuscus) ou railleurs (larus genei), quelques mouettes (larus cirrocephalus) et même le rare goéland d'Audouin (larus audouinii) ne sont pas épargnés ! Quand les grands frères, les pères et les oncles rentrent d'une vraie pêche (à la pirogue, à la senne ou à l'épervier), ils se laissent délester de quelques poissons: la chasse enfantine sera plus miraculeuse... et le repas du soir, pendant quelques semaines moins ordinaire: entre parenthèses, le tiep au yaboye et sans légumes !... Entrant dans la boue des mangroves, les plus téméraires, ou les plus passionnés, amorcent plusieurs filins qu'ils fixent aux racines des palétuviers, laissant traîner les hameçons sur l'estran au fil des marées. C'est ainsi que nos petits d'hommes capturent fréquemment des échassiers, aussi grands qu'eux, comme les hérons cendrés (ardea cinerea), les grandes aigrettes (egretta alba), les aigrettes garzettes (egretta garzetta) et des récifs (egretta gularis), ainsi que des bihoreaux gris (nycticorax nycticorax). Comme ces derniers oiseaux, nocturnes, beaucoup d'ardéidés et de cormorans meurent dans de longues souffrances, et de froid, finissant noyés. Tellement gorgés d'eau, ils sont le lendemain ou le surlendemain lors de la levée des pièges tout bonnement rejetés à l'eau, comme on abandonne ici, à la nature, les sachets crevés et les filets percés, et tout ce que l'industrie des autres produit...
Jusqu'aux années 80' de l'autre siècle, le Sénégal tenait jalousement le podium mondial en matière de passion ornithologique:
Un jeu cruel, pour tuer le temps, et varier l'alimentaire
La 'pêche aux oiseaux' consiste à hameçonner un long filin de nylon (chinois), y attacher un petit poisson avant de faire tournoyer et lancer l'appât au plus loin dans les eaux; précautionneusement, le 'pêcheur' ramène lentement vers lui le fil piégé, donnant l'illusion aux oiseaux que le poisson est bel et bien vivant... Si le laridé plonge sur le leurre, l'hameçon a toutes les chances d'harponner la gorge de l'oiseau, dès lors tiré le plus rapidement possible vers le piégeur, au risque de voir le volatile, qui freine des deux ailes et boit la tasse, s'arracher du crochet et s'envoler... dans les cris de désespoir des garçonnets - évidemment, ces jeux-là ne sont pas pour les filles, cela va de soi ! Les victimes sont dans une large majorité des sternes pierregarins (sterna hirundo), caugeks (sterna sandvicensis), royales (sterna maxima) et surtout caspiennes (sterna caspia) ainsi que les cormorans africain (phalacrocorax africanus) et à poitrine blanche (phalacrocorax carbo lucidus) mais il est fréquent que d'autres espèces d'oiseaux s'y laissent prendre. Cette technique de chasse ne choisit pas ses proies et ne fait pas de quartiers. Si les sternes caugeks et caspiennes font la majorité des victimes, des goélands bruns (larus fuscus) ou railleurs (larus genei), quelques mouettes (larus cirrocephalus) et même le rare goéland d'Audouin (larus audouinii) ne sont pas épargnés ! Quand les grands frères, les pères et les oncles rentrent d'une vraie pêche (à la pirogue, à la senne ou à l'épervier), ils se laissent délester de quelques poissons: la chasse enfantine sera plus miraculeuse... et le repas du soir, pendant quelques semaines moins ordinaire: entre parenthèses, le tiep au yaboye et sans légumes !... Entrant dans la boue des mangroves, les plus téméraires, ou les plus passionnés, amorcent plusieurs filins qu'ils fixent aux racines des palétuviers, laissant traîner les hameçons sur l'estran au fil des marées. C'est ainsi que nos petits d'hommes capturent fréquemment des échassiers, aussi grands qu'eux, comme les hérons cendrés (ardea cinerea), les grandes aigrettes (egretta alba), les aigrettes garzettes (egretta garzetta) et des récifs (egretta gularis), ainsi que des bihoreaux gris (nycticorax nycticorax). Comme ces derniers oiseaux, nocturnes, beaucoup d'ardéidés et de cormorans meurent dans de longues souffrances, et de froid, finissant noyés. Tellement gorgés d'eau, ils sont le lendemain ou le surlendemain lors de la levée des pièges tout bonnement rejetés à l'eau, comme on abandonne ici, à la nature, les sachets crevés et les filets percés, et tout ce que l'industrie des autres produit...
Ci-dessous: 2013 11 21 17h40 à Bango, deux sternes caspiennes de 1ère année avec leurs 'pêcheurs' de 10 ans... / Courtesy photos par Abdoulaye S. pour Ornithondar
Jusqu'aux années 80' de l'autre siècle, le Sénégal tenait jalousement le podium mondial en matière de passion ornithologique:
- 1er oiseleur mondial, avant que les émergents d'Asie et d'Amérique ne lui ravissent le flambeau en surclassant sans difficulté l'approche artisanale du terroir africain, pour en faire une industrie florissante, avec la complicité des 'consommateurs' des pays enrichis et de leurs 'frasques moyennes'-qui-aiment-les-petits-zanimaux, à la maison, pour soi !... On se souvient encore au Sénégal de cet ancien berger peuhl, décédé il y a deux ou trois ans, qui avait fait fortune dans la capture et la mise en cage des petits oiseaux colorés du pays.
- 1er braconnier des laridés, en particulier des sternes*: des 'campagnes de sensibilisation' menées avec coeur et naïveté par les... "partenaires" avaient un temps stabilisé le phénomène, très localement sur les plages les plus en vue de la Petite Côte... Sur ce littoral senghorien alors promis au tourisme de masse, la 'pêche aux oiseaux' faisait désordre: le calvaire des sternes attrapées par les gosses aux anges avaient tôt fait de choquer les âmes sensibles qui voulaient bronzer (et baiser) en paix... Tandis que les enfants réamorçaient leurs pièges pour d'autres captures, tant que le jour ne déclinait pas, les sternes attrapées n'étaient pas aussitôt tuées mais ensevelies dans le sable jusqu'au cou, afin qu'elles ne s'envolent pas. Sous le soleil, les victimes suffoquaient durant des heures avant d'être jetées au fond d'un sac, en fin de journée, direction l'égorgement rituel, le déplumage et le plat collectif familial (cf. ci-dessous le documentaire de Stéphane Kowalczyk, 'L'enfant pêcheur du ciel'). Là aussi, en efficaces stakhanovistes du rendement les Asiatiques ont fait mieux que les petits Sénégalais, comme l'atteste l'arraisonnement par la marine mauritanienne, au printemps dernier, d'un chalutier chinois dont les cales regorgeaient de dizaines de milliers de fous de Bassan (morus bassanus), plumés et congelés (Voir ICI sur Ornithondar) !
* Le Ghana n'étant pas en reste, il y a quelques décennies...
Ci-dessous: 'L'enfant pêcheur du ciel', un film documentaire de Stéphane Kowalczyk (LPO)
"Anthropologie"... J'adoooore !... Comme si tout cela était 'culturel', ou avait fini...
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