28, une Marouette poussin - et de la présence de 3 espèces de marouettes dans le delta du fleuve Sénégal

 Sur le N'Galam à l'aval du marigot de N'Guisset :
une Marouette poussin et une Gallinule poule-d'eau
2013 01 28 matin / @ Photo par Frédéric Bacuez

* Aire communautaire patrimoniale des Trois-Marigots :
N'Galam rive droite, à l'aval du marigot de N'Guisset -

Une semaine jour pour jour après notre observation d'une femelle de Marouette poussin (Porzana parva, Little Crake) en bordure d'une typhaie du N'Galam, au seuil du marigot de N'Guisset, l'Ornithondar constate que le Rallidé migrateur venu d'Europe est toujours présent et semble peut-être hiverner dans les Trois-Marigots. Le site est d'ailleurs favorable au stationnement de la Marouette poussin : plan d'eau de surface moyenne avec quelque profondeur qui autorise la nage - et la plongée des anserelles ou des anhingas -, en  partie tapissé de Potomogeton sp. ou de Pistia stratioides, avec des Nympheae lotus toujours vivaces en cette saison. Le bassin est bordé de massettes denses à Typha domingensis/australis, dans lesquelles elle peut à tout instant se réfugier, avec des lisières plus claires où des roseaux couchés forment un entrelacs et des supports appréciés par les marouettes. L'apparente confiance de l'oiseau, qui ne paraît pas concerné par les agitations et les disputes des autres oiseaux d'eau (gallinules et jacanas), laisse penser que cette partie du N'Galam est peu dérangée : bien que situé en pleine zone cynégétique - les fusils claquaient alentour, les 21 et 28 janvier, au-delà de la rive gauche !-, l'endroit est peu accessible, sécurisé par l'abondance et l'épaisseur des roselières (voir la géolocalisation ICI et ICI) !


" La prospection de la (Marouette) poussin 
est particulièrement difficile 
en raison de ses moeurs discrètes 
et de ses habitats souvent inaccessibles.
- Alexandre Renaudier, LPO coordination Rhône-Alpes (France)


Nota 1 : la Marouette poussin observée par deux fois sur le même plan d'eau, les 21 et 28 janvier 2013, est probablement une hivernante d'Europe orientale où sa distribution est (un peu) moins morcelée qu'en Europe occidentale. En France par exemple, si le manque d'informations sur la cousine Marouette de Baillon (Porzana pusilla, 100 à 1000 couples ?) ne permet pas de mesurer les tendances de sa population, en revanche la Marouette ponctuée (Porzana porzana) et la Marouette poussin (Porzana parva) sont toutes deux considérées "En danger critique" sur la liste rouge UICN des oiseaux menacés de disparition en France, tant leurs effectifs reproducteurs et leur répartition y sont extrêmement faibles et localisés.

Voir :
Migraction.net, marouette poussin

Malgré leurs populations clairsemées à l'ouest de l'Autriche, les trois espèces de marouettes européennes sont pourtant bien présentes dans le delta du fleuve Sénégal, en général de fin août à fin février. Les migratrices d'Europe occidentale sont donc accompagnées vers l'Afrique sahélienne par les oiseaux d'Europe orientale et centrale. Ici comme en Europe les trois marouettes sont rarement observées, y compris lors des inventaires annuels de la mi-janvier effectués dans le bas-delta tant du coté mauritanien que du coté sénégalais. Pour ma part, si j'ai eu l'occasion d'observer la Marouette ponctuée (Porzana porzana) sur les berges du marigot de Djoudj (PNOD) je n'ai (à cette heure...) pas décelé de Marouette de Baillon (Porzana pusilla) dans mes pérégrinations deltaïques ! Et pourtant...

 Capture d'une marouette de Baillon au parc national du Djoudj (PNOD, Sénégal)
2010 02 27 / Courtesy @ photo par François Marmeys pour Ornithondar

Nota 2 : entre 2007 et 2010, des recherches essentiellement allemandes tant au parc national du Djoudj (Sénégal) qu'au parc national du Diawling (Mauritanie), de part et d'autre du fleuve Sénégal, ont démontré qu'une population importante et jusqu'alors ignorée de Marouettes de Baillon (Porzana pusilla, Baillon's Crake) niche non seulement dans le delta sénégalais mais aussi en Gambie, et probablement ailleurs sur des sites favorables de la ceinture sahélienne. Cette incroyable découverte prouve s'il en est combien nos marouettes sont les oiseaux les plus cachottiers qui soient, discrets et furtifs. Sur les 278 marouettes capturées sur la zone de Tiguet, en lisière nord-ouest du Djoudj, 169 individus étaient des juvéniles de différents âges, dont 23 étaient dans l'impossibilité de voler sur de longues distances, donc incapables d'être des oiseaux migrateurs venus d'Europe ! Mieux, les différenciations d'âges des juvéniles de l'année prouvent aussi que deux pontes séparées de quelques mois seulement ont lieu sur les sites étudiés. Ces pontes espacées doivent probablement répondre aux importantes variations pluviométriques qui ont généralement cours sur la zone sahélo-soudanienne, afin de pérenniser au mieux la survie de l'espèce dans des conditions climatiques et environnementales aléatoires, très contrastées et changeantes d'une année sur l'autre. 

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