Raies et requins : la grande braderie de Sal-Sal, décidément !

Ci-dessus : 
 tête de requin-marteau halicorne, séchoirs de Goxuumbacc, lande de Sal-Sal
2012 10 27 / Courtesy @ photo par Alain-Paul Mallard pour Flickr et Ornithondar


* Saint-Louis-du-Sénégal. Goxuumbacc, lande de Sal-Sal (Langue de Barbarie nord) -

En rappel : au seuil de la mousson 2011, Ornithondar et http://www.saintlouisdusenegal.com/ avaient tiré la sonnette d'alarme sur l'explosion du business de requins et de raies à Goxuumbacc, un quartier nord de Saint-Louis, sur la Langue de Barbarie, au seuil des landes de Sal-Sal et de la frontière mauritanienne. Même si ces poissons ne sont pas consommés par les saint-louisiens, et alors que de terribles menaces pèsent sur la pérennité de leurs "stocks" en mer, nous avions écrit que ce commerce avait à l'évidence une destination hors du pays. A la même époque, de nombreux rapports, des séminaires et des recommandations alertaient l'opinion et les pouvoirs publics, un peu partout y compris en Mauritanie et au Sénégal. Un an plus tard, le constat est amer. Mon ami l'écrivain et cinéaste mexicain Alain-Paul Mallard*A est retourné sur place et a photographié. Je lis dans ses images, outre cette permanente fascination toute latine pour la dé-composition (sic) - il y a du Barcelo, de l'Alvarez Bravo et de la Graciela Iturbide, là-dedans- le même regard accablé et accablant sur l'éradication quasi-industrielle, mécanique, sans retour, du monde vivant marin. On ne manquera pas de faire un parallèle entre ces quelques instantanés et l'oeuvre du  grand photographe Peter Beard, ami de Bacon, qui témoigna dans les années 50-60' toutes joyeuses de l'autre siècle, sur le massacre de la grande faune terrestre du continent noir (cf. photo ci-dessous à d.).

Ci-dessous : 
- à g., Goxuumbacc, Langue de Barbarie. Petits requins et raies sur les séchoirs de Sal-Sal 
 2012 10 / Courtesy @ photo par Alain-Paul Mallard pour Flickr et Ornithondar 
- à d., peaux de zèbres, Kenya / @ Photo par Peter Beard, DR

Comme toujours, rien n'y fait. Les discours, les décrets, les colloques*1, les engagements ou les revirements des uns et des autres, l'aiguillon de Greenpeace-au-Sénégal*: la réalité est là, peut-être immuable, en tout cas inchangée malgré le dépeçage de l'ère Wade & prévaricateurs. L'alternance et l'arrivée d'un écolo médiatique*3 à la tête d'un ministère sans le sou, dans un pays parmi les moins soucieux d'"environnement" au monde n'y changeront pas grand chose. Misère, ignorance et obtusions spirituelles des "masses" règnent en maîtres ; tandis qu'inefficacités, invisibilités, petites corruptions quotidiennes et onirisme échevelé annihilent les "lettrés". Dans ce pays de l'extrême pauvreté - et d'inconscience pas qu'écologique-, l'argent fait loi. Et foi. En l'espèce l'argent d'autrui, celui des commanditaires, souvent lointains, et de leurs intermédiaires, tapis dans l'ombre des arrangements et des glauques opacités de la gouvernance ; mais aussi l'argent de la demande, de plus en plus pressante, de populations de l'hinterland qui consomment, eh oui,  aussi, ce que dédaignent les ndar ndar, les pêcheurs et autres habitants du littoral sénégalais : le poisson fumé-salé ! Malgré la conjoncture, ici le tiep ne prise toujours pas la raie ni le requin, qu'on rejetait jusqu'alors à la mer, au fleuve, aux sables, aux laridés et autres charognards. Désormais on en fait son beurre ! Les requins, du plus petit au plus costaud, tous de plus en plus jeunes, qu'importe que ceux-ci soient tout à fait inoffensifs, tous les requins sont de la bonne affaire. Vite délestés de leurs ailerons pour soigner la libido déficiente des "chinois" désintéressés - pas pour deux sous capitalistes et prédateurs comme ces foutus toubabs, les démembrés sont pêle-mêle dispersés sur les séchoirs, au milieu des raies éventrées, avant de prendre les routes du Sahel pour finir au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en condiments corsés pour les sauces du cru. Rien ne se perd. Il n'y a que l'océan, vidé au large par les armadas qui font dans le frais, qui perd sur tous les fronts. N'en déplaise à tous les naïfs qui pensent que pêcher à bord d'une pirogue c'est avoir la vocation de l'artisanat ! Donnez quelques dizaines de chalutiers aux quelque 60 000 et rudes pêcheurs sénégalais et vous me direz si le goût du gain et le je-m'en-foutisme écologique ne seront pas (aussi) du progrès !

*3 Haïdar El Ali, récemment de passage à Saint-Louis pour constater de visu l'apparition de nouvelles brèches dans la Langue de Barbarie.
*A Voir les (formidables) carnets photographiques d'octobre de l'ami Alain-Paul Mallard*4, dont ces terrifiantes images ci-après des séchoirs de Sal-Sal :
http://www.flickr.com/photos/alain-paul_mallard/sets/72157631849622746/
http://www.flickr.com/photos/alain-paul_mallard/sets/72157631884998174/
*4 Voir: http://ornithondar.blogspot.fr/2012/04/24-braconnage-passif-au-coeur-du-djoudj.html

En rappel sur Ornithondar, il y a à peine plus d'un an :
http://ornithondar.blogspot.fr/2011/07/7-entre-deux-seminaires-le-massacre-des.html
http://ornithondar.blogspot.fr/2011/07/10-sal-sal-raies-requins-gris-requins.html

Dans la presse :
http://www.seneweb.com/news/Societe/senegal-des-pecheurs-se-mobilisent-contre-des-navires-etrangers_n_43174.html
http://www.slateafrique.com/96131/senegal-greenpeace-denonce-un-pillage-organise-dans-la-peche-sur-deux-ans
http://www.slateafrique.com/96449/briser-la-spirale-de-l-inconscience-senegal

*2 De Greenpeace Afrique (http://www.greenpeace.org/africa/fr/):
http://www.greenpeace.org/africa/fr/Actualities/actualites/Le-Senegal-annule-29-autorisations-de-peche-accordees-aux-navires-etrangers/
http://www.greenpeace.org/africa/fr/Actualities/actualites/LEspoir-Renait-Dans-Les-Pecheries-Senegalaises/#video
http://www.greenpeace.org/africa/fr/Actualities/Blogs-de-Greenpeace-Afrique/plus-jamais-a/blog/42525/
http://www.greenpeace.org/africa/Global/africa/publications/oceans/MainBasseSurLaSardinelle.pdf





Ci-contre : Goxuumbacc et Sal-Sal, les lieux de l'orgie 
/ @ Photo Google Earth 2011

Ci-après : Requins gris, Requins-marteaux halicornes et raies aux séchoirs de Goxuumbacc, lande de Sal-Sal
/ Courtesy @ photos par Alain-Paul Mallard pour Flickr et Ornithondar,







Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Galerie photos : le Traquet de Seebohm, du Maroc au Sénégal

Hyaenidae: appel à témoins...

5, un varan des savanes: la gueule-tapée ou plus coriace-tu-meurs !