15, Tamkharit sacrificielle : un Héron cendré égorgé dans les règles

Tamkharit sacrificielle : un Héron cendré égorgé dans les règles de l'art...
Sur la berge bangotine du Djeuss saumâtre 2010 12 15 / © Photo Ornithondar, droits réservés

* Bango. Sur la digue des deux Djeuss -

MIDI-
Devant le troisième bosquet de palétuviers rouges, un Héron cendré (Ardea c. cinerea) est pris par le long filin hameçonné qui a été attaché aux racines aériennes de la mangrove. L'Ardéidé tente de s'envoler mais il est bel et bien retenu par la laisse fatale. Un enfant de la digue, moins haut que lui, s'est déshabillé et tout nu nage et court du plus vite qu'il peut, dans les eaux vaseuses de la marée montante. Il attrape le héron par le cou, le brandit au dessus de sa petite tête comme un trophée, heureux en diable, et le ramène vers la terre ferme. Près des vannes de la digue des deux Djeuss, où les mômes se rassemblent chaque jour pour jouer, pêcher, et surtout braconner cormorans et sternes, ses camarades font déjà la fête. Très fier, le gosse et ses copains cherchent la direction de la Mecque et s'appliquent à plaquer au sol le héron aux yeux exorbités ; puis, d'une lame mal aiguisée, ils lui tranchent la glotte, pliant le cou de l'oiseau sacrificiel avec mains et pieds afin de mieux faire gicler le sang purifié. Le hasard, donc Dieu, fait bien les choses : c'est aujourd'hui la Tamkharit, l'Achoura des Arabes, 10e jour de l'année musulmane, dont on dit communément qu'il est aussi la fête des enfants. Si c'est la fête des enfants, alors ma foi, les oiseaux peuvent bien leur faire plaisir. Sauf qu'au(x) pays de l'oisiveté juvénile et de l'indifférence absolue aux autres créatures divines, les oiseaux du marigot leur font presque chaque jour... plaisir...

Une question, cependant : dans un pays où plus de 15% des ménages ruraux* ne mangent pas à leur faim - et où l'insécurité alimentaire ne cesse de s'aggraver, le volatile sauvage sera-t-il aussi du 'ceré bassi', le plat traditionnel de la Tamkharit fait de 'couscous' de mil, de raisins secs (du Maghreb ?) et de haricots blancs accompagnés de sauce tomate et de petites boulettes de viande ? La coutume veut qu'en ce jour de fête plus qu'en tout autre, le Sénégalais doit être gourmand et faire bombance. Le premier à manger aurait même droit aux faveurs divines. Les enfants de la digue des deux Djeuss, fils de pêcheurs, devraient être alors des favoris. Des anges, donc, ils ne savent pas ce qu'ils font. Juste à côté des grandes personnes, au mieux indifférentes, au pire admiratives devant les prouesses juvéniles - des souvenirs personnels, sans doute.

* Lire : http://www.africa1.com/spip.php?article5769
Ci-dessus : 
 fête la la Tamkharit (Achoura) ; l'enfant et le Héron cendré sacrificiel
2010 12 15 midi / © Photos Ornithondar, tous droits réservés

Tamkharit, fête de l'Achoura - en déplaise aux oiseaux sauvages !

Ci-dessous : 
15 décembre au Sénégal, jour de la Tamkharit (Achoura) : pour la fête, qui est aussi la leur, les enfants vont bouffer du héron, ça changera du cormoran ou de la sterne !
2010 12 15 / © Photos Ornithondar, tous droits réservés

Commentaires

  1. Bonjour Frédéric,ceci me laisse rêveur... Ici,dans le champ voisin,deux hérons cendré se sont posés depuis une huitaine de jours, magnifiques,d'où mes teintes dans une lointaine ressemblance: je te salue, à bientôt, sincèrement: thibault

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Galerie photos : le Traquet de Seebohm, du Maroc au Sénégal

Hyaenidae: appel à témoins...

5, un varan des savanes: la gueule-tapée ou plus coriace-tu-meurs !