26, un rossignol philomèle: halte mutine et muette dans le jardin

Rossignol philomèle - Luscinia megarhynchos, une courte pause/pose dans le jardin...
Impasse Gustave Pelloux, Bango 2016 04 26, 14h45 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Impasse Gustave Pelloux, Bango -

26 avril 2016. MATIN & APREM'-

" Nous sommes mieux avec un rossignol que sans rossignol. "
- Elsa Triolet, in Proverbes d'Elsa

Cette année, ce sera le dernier des migrateurs paléarctiques prénuptiaux à faire halte dans le jardin bangotin. Un Rossignol philomèle (luscinia m. megarhynchos, common nightingale) est bien visible dans la cour dès ce matin 9h15, revu à 10h10 puis à deux reprises dans l'après-midi: le passereau stationne ici pour (re)prendre des forces avant les choses sérieuses, la traversée saharienne. En sautillant dans les sables sur ses longues pattes, et pour une fois à découvert, l'oiseau se ravitaille en fourmis, surtout, avant de continuer son pèlerinage bi-annuel entre le sud et le nord du vaste désert. En voyageur de nuit. Repensant aux ultimes et insistants concerts de saison des Rossignols, obsessionnellement nocturnes, dans les premiers jours arlésiens de juillet (2012), si volubiles, si intenses qu'ils me réveillaient dès quatre heures du matin ("le rossignol s'énivre des nuits d'été", disait justement André Gide), je me désole un peu du silence de ces formidables musiciens, ici au Sahel... Avec un peu de chance, on aurait pu les y entendre dès la fin du mois d'août, avec les premiers arrivants au sud du Sahara, et jusqu'à la mi janvier pour les plus mélomanes des mâles chanteurs ("le rossignol attardé prolonge son chant de nuit jusque dans l'aurore", écrivait aussi Victor Hugo)... Après, c'est évanescence et aphonie, le mutisme absolu pour le mutin des sous-bois ! Le Rossignol ne reprendra ses vocalises qu'après son départ de nos latitudes, d'avril à début mai voire début juin.

Au Sénégal... 
" (...) étonnamment peu observé et, 
en dépit de ses exigences en habitat, devrait se montrer plus répandu. "
- Gérard J. et Marie-Yvonne Morel, 
in Les oiseaux de Sénégambie, notices et cartes de distribution, IRD ex-Orstom, 1990


Nota 1: en Afrique, lRossignol philomèle hiverne au sud de la bande sahélienne et majoritairement en deçà de l'équateur. Il se reproduit dans le monde méditerranéen des deux rives et en Europe occidentale au sud du Danemark. Au Sénégal, si la majorité prend ses quartiers d'hiver au-delà du 15e parallèle, il est dit que des Rossignols resteraient tout de même dans la vallée du fleuve septentrional. Morel note: " assez nombreux dans les forêts riveraines à Acacia nilotica (Morel & Rodwell, 1966); nombreux fin octobre dans les bas-fonds à Combretum micranthum (...) Un certain nombre hiverne [dans le Bas-Sénégal] (observation à Richard-Toll en décembre) (...) " Confirmation par Ornithondar, au début de cet hiver et de la saison sèche, dans la plaine de crue du fleuve à l'aval du barrage de Diama: dans la ripisylve à gonakiers, même malmenée et fortement dégradée par bûcherons et charbonniers, deux Rossignols étaient encore visibles le 22 décembre 2015, terrestres et raides comme des agrobates, entre tas de branchages morts et buissons de tamarix senegalensis - aussitôt vus, aussitôt disparus dans le "sous-bois"...

Nota 2: il semble désormais acquis que le Rossignol philomèle n'est plus (ou n'a jamais été) un hivernant abondant dans le nord du Sénégal et la vallée du fleuve. La rareté des sites favorables au stationnement du célèbre passereau y est sans doute pour beaucoup. Le Rossignol est en effet très exigeant quant à la qualité de ses habitats, y compris sous nos tropiques: seuls les boisements denses et saisonnièrement inondables d'acacias scorpioïdes de la race nilotica, avec un sous-bois fourni en buissons et débris végétaux ont longtemps été des sanctuaires bien fréquentés par l'oiseau, dans notre région. Or ces habitats, très fragiles et sensibles plus que tout autre milieu aux vicissitudes de la météorologie ont terriblement souffert de la violence des grandes sécheresses à la fin du XXe siècle, et de la coupe abusive par les Hommes - pour la qualité non plus de ses tanins mais de son... charbon ! La plupart des forêts riveraines du fleuve ont été éradiquées ou réduites à peau de chagrin, en particulier à l'aval de Dagana. Les dépressions boisées du Djoudj (PNOD) et surtout du Ndiaël (RSAN) devraient néanmoins accueillir quelques contingents de Rossignols décidés à hiverner dans notre bas-delta, vaille que vaille.

Automne-Hiver 
" De la dépouille de nos bois - l'automne avait jonché la terre: 
- le bocage était sans mystère, - le rossignol était sans voix. "
- Charles Hubert Millevoye, in Elégies, la Chute des feuilles

Printemps-Été
" Le génie n'est que le chant d'un rossignol au début d'un long printemps. "
- Khlalil Gibran, in Le sable et l'écume (1926)
Lire:
Inpn.mnhn.fr/Rossignol philomèle.pdf

L'essentiel des passereaux paléarctiques susceptibles de faire halte dans votre jardin sénégalais au cours de la migration postnuptiale et/ou prénuptiale
- et ceux qui ont fait un arrêt plus ou moins durable 'chez moi', à l'automne 2015 et/ou au printemps 2016 [en gras]:

  • Rossignol philomèle (luscinia m. megarhynchoscommon nightingale)
  • Rougequeue à front blanc (phoenicurus p. phoenicurus, common redstart)
  • Rousserolle effarvatte (acrocephalus s. scirpaceus, eurasian reed warbler)
  • Hypolaïs obscure (iduna opaca, western olivaceous warbler)
  • Hypolaïs du Sahara (iduna pallida ssp. reiseri, saharan oilvaceous warbler)
  • Pouillot fitis (phylloscopus t. trochilus, willow warbler)
  • Pouillot véloce (phylloscopus collybita, common chiffchaff)
  • Pouillot ibérique (phylloscopus ibericusiberian chiffchaff)
  • Fauvette à tête noire (sylvia a. atricapilla, blackcap)
  • Fauvette des jardins (sylvia b. borin, garden warbler)
  • Fauvette passerinette (sylvia cantillans, subalpine warbler)
  • Gobemouche gris (muscicapa s. striata, spotted flycatcher)
  • Gobemouche noir (ficedula hypoleuca, pied flycatcher)
  • Loriot d'Eurasie (oriolus o. oriolus, eurasian golden oriole)

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