Grande Côte: 47 carcasses de tortues marines sur le sable !

2014 07 22-25 sur la Grande Côte: cadavre de tortue verte (chelonia mydas) mesuré par UICN et ACI
D'autres images: ICI / Courtesy © photos par Wim C. Mullié 

* Grande Côte, de Yoff à Saint-Louis-du-Sénégal -

Du 22 au 25 juillet, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN-Sénégal) et African Chelonian Institute (ACI) ont parcouru l'infinie plage de la Grande Côte sénégalaise pour y rechercher les victimes collatérales d'un bien réel écocide perpétré au large, à l'abri des regards: la mise à sac des eaux territoriales sénégalaises par les flottes anciennement et/ou nouvellement 'amies' du pays. Résultat d'un transect de 184 kilomètres entre Yoff/Thongor et Ndar/Sal Sal: outre les cadavres de cétacés, de poissons et d'oiseaux de plusieurs espèces, pas moins de 47 carcasses de tortues marines de quatre espèces ont été dénombrées. Il y avait, des restes identifiables: 17 tortues vertes (chelonia mydas, green turtle), 10 tortues caouannes (caretta caretta, loggerhead turtle), 5 tortues luths (dermochelys coriacea, leatherback sea turtle) et 4 tortues olivâtres (lepidochelys olivacea, olive Ridley turtle); tous animaux inscrits à la Liste rouge des espèces en voie de disparition et rapportés à l'Annexe I-CITES de la Convention de Berne (pas de pêche/chasse/transport/commerce; cf. ci-dessous en rappel):

  1. Tortue verte (chelonia mydasgreen turtle), inscrite à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées, dans la catégorie 'Endangered/En danger' (EN, 1986) [voir ICI sur Ornithondar et LA]. Espèce la plus fréquente dans les eaux sénégalaises et mauritaniennes, adultes et immatures. Cas de nidification régulière, en faible nombre.
  2. Tortue caouanne (caretta carettaloggerhead turtle), désormais inscrite à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées, dans la catégorie 'Endangered/En danger' (EN, 1996) après avoir été dans la catégorie 'Vulnerable' (VU, 1986-1994). Pas rare dans les eaux mauritaniennes, adultes et immatures. Preuves de nidification en particulier sur le Banc d'Arguin. Très rare coté sénégalais.
  3. Tortue olivâtre (lepidochelys olivaceaolive ridley turtle), inscrite à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées, dans la catégorie 'Vulnerable' (VU, 2008) [voir ICI sur Ornithondar]. Rares adultes signalés en Mauritanie. Pontes récentes signalées au Sénégal sur la Langue de Barbarie.
  4. Tortue luth (dermochelys coriacealeatherback sea turtle), globalement inscrite à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées, dans la catégorie 'Vulnerable' (VU) [voir ICI sur Ornithondar]. Individus erratiques venant des Caraïbes et des Guyanes. Nidification non confirmée en Mauritanie.
  5. Tortue imbriquée (eretmochelys imbricatahawksbill turtle, tortue à bec de faucon), inscrite à la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées, dans la catégorie 'Critically endangered/En danger critique d'extinction' (CR, 2008). Présence rare d'individus immatures.

Hécatombe indiscriminée en mer, comptabilité morbide à terre

Emmenée par Wim C. Mullié, l'équipée UICN/ACI* a tenté durant ces trois jours de dresser un tableau exhaustif des impitoyables dégâts collatéraux générés par la surpêche industrielle dans cette partie de l'Atlantique oriental. Constat définitivement alarmiste: nous assistons, impuissants, à une pêche indiscriminée qui s'apparente à un braconnage géant, une gabegie hors de tout entendement et, indirectement, à la disparition programmée des tortues marines et de plusieurs espèces de cétacés dans la région.  

* Voir quelques photographies ICI sur African Chelonian Institute - Facebook
Lire: 
Sea Turtle Strandings between Dakar and Saint Louis, Senegal: Witnesses of a Sad Reality /
par Wim C. Mullié, Abdoulaye Djiba, Abdelkader Diagne, in African Sea Turtle Newsletter n°3, 2015
Etat de conservation des tortues marines en Afrique de l'ouest.pdf / 
par Mamadou Diallo & Justine Dossa, WWF Wampo et PRCM, 2012 11 (cf. jaquette ci-après)

Nota: ce n'est pas la première fois que des ONG font l'inventaire des échouages post-mortem, sur le littoral qui va de Dakar (au sud, Sénégal) à Nouadhibou (au nord, Mauritanie). Il y a tout juste dix ans (juin 2004), l'Oceanium d'Ali El Haïdar qui n'avait pas encore été ministre de l'Environnement (brièvement) puis de la Pêche (encore plus brièvement) avait accompagné deux comptages entre Dakar et Nouakchott, en compagnie de l'association Longitude 181 Nature (lire ICI). A la même époque, sous la houlette de l'UICN, plusieurs opérations de ce type avaient été financées pour évaluer ces échouages récurrents et étudier la mortalité des cétacés, singulièrement en mai et juin: le chiffre vertigineux de 100 à 200 cadavres de cétacés avait pu être rapporté [par exemple Bouju 2003] ! Plus récemment sur le littoral mauritanien, à l'occasion de trois transects entre novembre 2012 et mai 2013 c'est encore Wim C. Mullié qui a réalisé le dénombrement morbide de 26 cadavres de cétacés* (lire ICI), dont 10 étaient de marsouins communs (phocoena phocoena, harbour porpoise), une espèce peu fréquente dans cette partie de l'Atlantique, avec des populations fragmentées d'Agadir (Maroc) à Joal-Fadiouth (Sénégal). Quant aux anonymes amoureux des bords de mer, même souillés et plastifiés, il est bien rare qu'ils n'y découvrent une ou plusieurs carcasses de gros poissons, de tortues (lire ICI et LA, ainsi que LA; voir photo ICI et ci-dessous), de dauphins (lire et voir ICI et LA, voir photo ICI), de globicéphales (voir ICI et en bas de notule), et même de baleine à bosse ! Ou, pire, les restes presque surnaturels d'un cétacé quasiment jamais observé en mer, le mésoplodon de Blainville (mesoplodon densirostris, lire et voir ICI) !

* Dont: grand dauphin (6 ind.), globicéphale commun (2 ind.), globicéphale tropical (1 ind., cf. photos en bas de notule), dauphin tacheté de l'Atlantique (1 ind.), baleine à bosse (1 ind.), rorqual boréal (1 ind.) et rorquals sp. non identifiés (2 ind), ainsi qu'une baleine de grande taille non identifiable... 
Source: Large number of stranded harbour porpoises Phocoena phocoena as by-catch victims in Mauritania, par Wim C. Mullié et al., in Researchgate.net




Ci-dessus: à g., couverture de Etat de conservation des tortues marines en Afrique de l'ouest.pdf, / WWF Wampo 2012 
- d., carcasse de tortue verte (chelonia mydas) à quelques kilomètres au nord de Nouakchott (Mauritanie) 
/ Courtesy © photo par Lodge du Maure Bleu pour Ornithondar

Ci-dessous: le 27 juin dernier, déjà, sur une plage nord de Dakar...
 Tomas Diagne et ACI auscultent la carcasse d'une tortue verte (chelonia mydas, mâle) dont la carapace a été décollée de la chair par des pêcheurs (ou un revendeur de souvenirs...)
2014 06 27 / Courtesy © photos par African Chelonian Institute (ACI) et Tomas Diagne


Commentaire: les scientifiques ont l'art de tourner autour du pot et de ne pas montrer du doigt le coupable des carnages qui endeuillent la planète... tant qu'ils ne sont pas certains à 200% de leurs expertises - ce sont les vertus de la science qui n'est pas, heureusement, du journalisme... Néanmoins, dans le cas de nos malheureux chéloniens et cétacés, cela fait quelques décennies qu'on suppute, qu'on 'hypothèse', qu''on dirait bien que', qu''au vu des constats il serait bien probable que'... Bref, je me lance, moi qui ne suis pas un spécialiste de la chose: et si ces vagues répétées d'échouages, de tortues marines et de cétacés, étaient tout simplement le rejet par la marée d'animaux noyés au large dans les tentaculaires filets dérivants, propriétés d'armadas suréquipées en matériel de pêche au tout venant ? Pas idiot, ce que je dis, hein ? Pas con, l'Ornithondar, pour le coup ? 'Fallait y penser... Des bêtes officiellement protégées par des tas de paperasses et de contrôles procéduriers qui emmerdent ces braves industriels de la pêche quand ils arrivent à quai... Des bêtes qui vous escamotent vos jolis filets qui raclent et remontent tout à la lumière du divin marché... Des bêtes qu'on ne peut plus bouffer, écailler, tronçonner, hacher menu, bouillir, sécher, conditionner, réfrigérer pour qu'en bout de chaîne le parvenu, le peine-à-jouir ou le consommateur puisse se bâfrer et jouir de sa liberté individuelle, au service de la croissance mondiale, sans que des romantiques has been lui fassent de surcroît la morale... Alors on les libère des mailles, ces cétacés et ces tortues gonflés par la noyade qui ne valent d'autre destinée que le cercueil marin... Qu'on s'en débarrasse au plus vite ! Hop, par-dessus bord; et l'estran au bout du voyage des morts.

Au diable les épizooties, les maladies virales, les famines et autres occlusions intestinales par le plastique - bien que réelles ! Les plateformes pétrolières au large de la Mauritanie sont suffisamment en soi des dangers permanents pour l'environnement pour qu'en plus on fasse porter le chapeau des hécatombes marines aux pétroliers - qui n'en demandent pas tant. Si la quête obsessionnelle de l'or noir par explosion sismique, en mer, pourrait bien perturber "nos amis" les dauphins et baleines, en quoi les tortues marines seraient-elles affectées par ces procédés ? Hélas, parions que 90% des échouages de tortues et de dauphins sont le fait des "prises accidentelles" par les flottilles de pêche qui sillonnent à longueur d'année les confins du plateau continental maritime, (é)puisant tout ce qui nage, de la surface des eaux aux profondeurs benthiques. Ces navires ont des possibilités de stockage bientôt illimité mais sont incapables de délier bourse pour installer des trappes d'échappement dans leurs filets disproportionnés !


" Of [the] individuals for which the cause of death could be established (...) 
all had severe cutmarks 
and all but one were lacking tailstocks, flukes or dorsal fins. 
Such sign were indicative for by-catch victims 
which had been deliberately mutilated 
to facilitate removal of carcasses from fishing nets. 
Therefore we consider by-catch 
as the principal, if not only, cause of death (...) "

Voilà; Wim C. Mullié a tout dit. A vous d'agir, messieurs et dames qui nous représentez en politique... et travaillez pour les générations futures - là, je pleure...

Cet article est également repris par Tortues Guyane - Facebook (merci à Erica Lavalle)

En rappel, quelques notules d'Ornithondar:

De part et d'autre de l'Atlantique, hélas...: 
à g., 2014 07 22-25, Sénégal, Grande Côte, cadavre échoué de tortue luth / Courtesy © photo par Wim C. Mullié 
- à d., 2014 06 27, Guyane française, plage de Montjoyeux-les-vagues, tortue luth noyée dans un filet de pêche / © Photo par Frédéric Bacuez



Additif en forme d'happy end:

Ce 25 juillet au matin, un globicéphale tropical (globicephala macroryhnchus ssp., short-finned pilot whale) est venu s'échouer sur l'estran de la Langue de Barbarie, fort heureusement à proximité du campement hôtelier Ocean & Savane*. Il s'agissait, au vu des photographies prises lors du sauvetage du bien chanceux cétacé, d'un individu juvénile ou immature encore dépendant. Le personnel du centre de loisirs, semble t-il appuyé par des éléments venus du parc national voisin (PNLB), n'a pas eu trop de peine à faire rouler le globicéphale - même petit, celui-ci fait bien sa tonne !- afin qu'il puisse retrouver assez d'eau, nager et regagner le large. Il est vraisemblable que la jeune baleine-pilote - qui est en fait un delphinidé !- a été séparée de son groupe familial; désorientée, elle est venue s'ensabler avec la marée et les vagues. Les globicéphales sont des animaux sociaux et particulièrement grégaires; on dit que la femelle peut allaiter son petit pendant dix années tant les liens familiaux sont forts, chez ces dauphins. Ils fréquentent assidûment les eaux côtières et de ce fait font régulièrement des échouages massifs - souvent médiatisés. Car tout ce petit monde suit aveuglément une matriarche: si celle-ci devient malade, trop âgée voire moribonde, le danger est alors très grand pour la cohorte de se faire entraînée vers le rivage. Une hypothèse, pour cet échouage solitaire: l'hyper fréquentation des eaux sénégalaises par les flottilles de pêche peut provoquer temporairement la dislocation d'un groupe des cétacés effrayés par la mise à l'eau des filets ou leur remontée; un individu juvénile et inexpérimenté pourra aisément s'égarer s'il perd de vue le reste de la petite société. Happy end pour celui-ci, s'il retrouve son groupe sans lequel il ne peut survivre.

* Voir la galerie photos du sauvetage: ICI sur Ocean & Savane - Facebook

Au sujet des échouages de globicéphales, lire sur Ornithondar:
Echouages sénégalais, 2008 05 22

Ci-dessous: 2014 07 25 matin, issue heureuse pour ce globicéphale tropical venu s'échouer près du campement hôtelier Océan & Savane, sur la Langue de Barbarie 
/ Courtesy © photos Muriel Bancal pour Océan & Savane

Commentaires

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