22, le directeur des parcs nationaux se balade en autogire

2013 02 22, l'autogire du DPN sénégalais au-dessus du Lampsar bangotin / Photo par Frédéric Bacuez

* De la Somone au Lampsar -

Depuis un certain temps au-dessus du Sine Saloum, de la Somone, des falaises de Popenguine, et maintenant du bas-delta du fleuve Sénégal, deux singuliers engins plutôt bruyants survolent les paysages naturels et/ou classés du pays. Hier, un équipage européen conduisait un autogire tout noir à la verticale de Bango et des mangroves de Thiolet; ce matin, c'est un semblable gyrocoptère cette fois immaculé, conduit par un homme blanc, qui survole la plaine de Biffeche, le fleuve Sénégal et les deux Lampsar de Bango: à basse altitude, le bruit du moteur et les pales nerveuses jettent un froid sur la gente ailée des typhaies et des bolongs: dendrocygnes, aigrettes et hérons n'apprécient que modérément les va et viens de notre duo à brasseurs dont l'hôte de marque prend des photos de ce que l'autogire passe en revue agitée, à l'aide de son petit appareil numérique...

Nota: c'est écrit dessus ! La Direction des parcs nationaux du Sénégal - ou son Directeur...- semble avoir fait l'acquisition d'un autogire, le nec plus ultra de l'ULM. Une langue forcément mesquine me susure que le patron ne fait plus un saut-de-puce sans le bi-place, pour contempler d'en haut tout l'oeuvre de sauvegarde du patrimoine sénégalais accompli par ses hommes, en bas. Comme en démocratie il est toujours de bon ton, à chaque alternance de 'régime', de promettre que tout va changer - afin que rien ne change (pour les mêmes), notre DPN ne fait en réalité que donner corps aux délires d'un ancien ministre de l'environnement d'Abdoulaye Wade, Djibo Ka. Ex ministre de l'Intérieur d'Abdou Diouf et fin connaisseur de la transhumance politique, celui-ci avait décidé que désormais chaque parc et réserve de faune du pays serait doté d'un aérodrome ou d'un terrain d'aviation afin que, je cite l'article de presse qui rapporte avec enthousiasme l'annonce, "qu'un touriste (puisse) à bord de son aéronef  'faire le tour de ces parcs en trois jours'"... *1 Comme il n'y a plus guère que des babouins et des phacochères, dans lesdits parcs, et que les touristes ne possèdent pas tous d'avion privé, ou de gyrocoptère, ou même d'ULM, ces trois jours risquent fort d'être un peu longs et... onéreux pour le safari aéroporté ! Quant à l'utilité de ce genre d'aéronef(s) dans la surveillance des sites, ou dans la lutte anti-braconnage (on devrait dire anti-coupe de bois, mais bon...), je ne vois pas l'intérêt de ce jouet un tantinet suranné à l'ère des drones: le bruit contre le silence des pilleurs de la nature, ça vaut tout de même son pesant de cauris ! Et lorsqu'on voit combien coûtent les stages de pilotage de ces machins volants, en cet hiver 2013 à Saly*2, on se dit que les maigres xalis du ministère et de la direction des parcs nationaux pourraient être plus utiles à doter en véhicules et en matériels de communication leurs agents du terrain, mal payés, mal équipés, pas considérés... Il faut redescendre sur terre. Il est vrai que l'onirisme est une vieille lune sénégalaise - et francophone: à l'époque de l'inénarrable colonel Dupuy - bientôt un demi-siècle !- on était déjà convaincu que le Sénégal, c'était le must en matière de tourisme faunistique... On comprend qu'aujourd'hui on ne fasse rien ou presque pour sauver ce qui reste du Niokolo Koba ou des ultimes chimpanzés du Kédougou; mais qu'on préfère les enclos à barbelés pour des bestiaux qui ont peu de chance d'être réintroduits puisqu'il n'y aura plus, au Sénégal d'ici vingt ans, un seul espace de nature originelle. Et plus un seul des "Big Five" emblématiques de l'Afrique 'éternelle': il n'y a plus de damalisque vivant, plus d'autruche et de girafe en liberté, plus que des traces de deux à trois éléphants terrorisés, plus d'élan de Derby et de lycaon sauf dans la doxa officielle... A l'exception de quelques dizaines de lions faméliques qui tournent en rond dans le Niokolo Koba grignoté de tous cotés, les fauves ne prospèrent aujourd'hui que chez les politiques et les affairistes. Dans les brousses et les champs du pays, il y a moins d'espèces de mammifères que dans la campagne la plus artificialisée de n'importe quelle contrée d'Europe ! Mais on a des autogires, ça en jette et ça fait pro, c'est ce qui compte !  

*2 Voir Horn-ULM Sénégal
Voir aussi la DPN sur le site du ministère de l'Environnement, ICI, très administratif et rétro à souhait, d'un ennui... Avec la photo d'un éléphant, une espèce réduite à quelques empreintes fantomatiques au Sénégal !

Commentaires

  1. Laurent Duroudier, Colombo (Sri Lanka)17 mai 2013 à 10:49

    J'en ai fait, de l'autogire... C'est juste génial !

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  2. Sans doute, mais est-ce bien utile pour 'surveiller' des parcs nationaux ou des bracos ?

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  3. Laurent Duroudier, Colombo (Sri-Lanka)17 mai 2013 à 10:52

    Sans doute, mais est-ce bien utile pour 'surveiller' des parcs nationaux ou des bracos ?

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  4. Laurent Duroudier, Colombo (Sri-Lanka)17 mai 2013 à 13:11

    Aucune utilité...

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  5. Laurent Duroudier, Colombo (Sri-Lanka)17 mai 2013 à 13:12

    Sauf pour des photos sympa "vu du ciel" !...

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  6. Le DPN est peut-être l'Arthus-Bertrand du cru ?!

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  7. Laurent Duroudier, Colombo (Sri-Lanka)17 mai 2013 à 13:14

    Va savoir... mais 'va falloir qu'il investisse dans du matos car avec un Iphone, c'est un peu limite...

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